Dans son éditorial de l'EXPRESS du 24 Avril Christian Barbier revient sur la lamentable conférence de l'ONU contre le racisme que vient de se cloturer à Geneve. Il affirme qu'en participant à cette conférence, la France et l'Europe se sont mises dans un traquenard.
Durban était un imprévisible guet-apens ; Genève, un traquenard à ciel ouvert. A la stupéfaction qui suivit la précédente Conférence de l'ONU contre le racisme, en septembre 2001, en Afrique du Sud, auraient dû succéder circonspection, méfiance et mises en garde, en vue de l'édition suivante, tenue cette semaine en Suisse. Au lieu de cette salutaire prophylaxie, on vit les interminables circonvolutions de la couleuvre diplomatique, animal à sang froid et à échine élastique, à la recherche d'un texte acceptable et d'une réunion fréquentable. Résultat : le texte présenté avant le colloque était creux et le symposium vira au scandale.
Désigné volontaire pour assister au discours du président iranien, l'ambassadeur français s'est retrouvé piégé quand Mahmoud Ahmadinejad a traité Israël de « gouvernement raciste » ; espérant sans doute sauver l'honneur de son pays, l'envoyé du Quai d'Orsay a pris la tête du peloton des outrés qui quittèrent la salle, abandonnée au sermon antisémite de l'orateur et aux applaudissements de ses thuriféraires. On croyait la Suisse pays de coucous ; on la découvre nid de pigeons - et le français n'est pas le moins gros.
« Les absents ont toujours tort », expliquaient nos diplomates pour justifier cette présence tricolore, en pleine cacophonie européenne. C'était oublier que les présents sont toujours perdants quand ils se jettent dans les souricières géopolitiques. Or cette conférence contre le racisme ne pouvait et ne pourra jamais être qu'une chausse-trape pour Occidentaux, puisqu'il s'agit en fait d'une conférence sur le racisme, vouée à le redéfinir au désavantage des démocraties laïques ! Les pays qui ont inspiré ces palabres sont non seulement des régimes d'oppression, mais surtout des idéologies où l'individu ne compte pas vraiment, soumis à un ordre politique ou religieux. Comment défendre les droits de l'homme si l'homme est nié ? Car ce n'est pas de la vaisselle que l'on a cassé lors de la pantalonnade de Genève : c'est le trésor offert au monde par la France, il y a deux cent vingt ans - les droits de l'homme - qui a été souillé.
On ne pouvait mieux illustrer le choc des civilisations qu'avec ce défilé d'Occidentaux gagnant la sortie d'une salle de conférence, dignes mais humiliés, et abandonnant la place à ceux qui nient l'essentiel de nos valeurs. A Genève, lundi, ce monde qu'on nous dit multipolaire apparut violemment bipolaire. Il fallait être dans ou hors de la salle, et nulle posture liminaire n'était possible. Se croyant habile comme Talleyrand et n'étant qu'ondoyante comme Norpois, la France, à être dedans puis dehors, a fait un mauvais choix.
Il n'est pas surprenant que le « machin » ONU fabrique des machines, en l'occurrence infernales. Mais il est stupéfiant que la France s'y laisse prendre. Elle se doit de désamorcer la prochaine sans se brûler les doigts. Est-ce à la portée de nos diplomates ?
Source : L'Express.fr 24-04-2009