Première Bentley de l’après-guerre, première Bentley fabriquée à Crewe, première Bentley censée être carrossée à l’usine, première Bentley vraiment dérivée d’une Rolls, première Bentley dont la puissance est “jugée suffisante” sans jamais la dévoiler : la Mark VI est un modèle marquant dans l’histoire de la marque fondée en 1919 par Walter Owen Bentley, en plus d’être un succès commercial.
Le 3 septembre 1939, la Grande Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne et signent ainsi la fin de la production civile dans l’usine Rolls-Royce/Bentley de Derby qui désormais ne produit plus que des moteurs d’avions et ce jusqu’à la fin de la guerre en 1945.
Durant la guerre quelques irréductibles (notamment Ivan Evernden) travaillent clandestinement pour le futur. Chez Rolls, on planche sur la Silver Wraith, et chez Bentley sur la Mark VI qui utilise le châssis raccourci de la première citée. Toutes deux récupèrent le 6 cylindres en ligne conçu pour la Bentley Mark V, le 4 ¼ ! D’emblée, on prépare le renouveau par une rationalisation de la production (pour abaisser les coûts) : désormais, Bentley propose en priorité au client sa propre carrosserie, montée en interne (bien que fabriquée par Pressed Steel Company, située à Oxford). Bien sûr, il sera toujours possible de passer par un carrossier, mais cela devra rester marginal.
Dès 1938 est construite l’usine de Crewe qui produit des moteurs Merlin à partir de décembre 1938. À la fin de la guerre, Rolls-Royce décide de concentrer ses activités aéronautiques à Derby tandis que la production automobile s’installe à Crewe. Silver Wraith (pour Rolls) et Mark VI (pour Bentley) seront donc les premières automobiles produites dans le nord-ouest de l’Angleterre.
La présentation et le lancement de la Mark VI en 1946 est un tour de force. Si peu de temps après la guerre, la marque est de retour là où nombre de ses concurrents prestigieux d’avant-guerre en sont encore réduits à recycler leurs vieux modèles. Moderne, la Mark VI propose une carrosserie standardisée très consensuelle, relativement discrète, mais cette sobriété de bon aloi sera sa force, plaisant au plus grand nombre sans tomber dans une outrance stylistique qui aurait pu être mal vue en ces temps difficiles. Certes, la clientèle habituelle de Bentley s’avère un peu désarçonnée par cette voiture plus bourgeoise que sportive, mais depuis le rachat par Rolls-Royce en 1931, la tendance était déjà là. Malgré tout, la Mark VI récupère un moteur 4 ¼ au taux de compression supérieur à celui de la Silver Wraith, tandis que le châssis plus court et le centre de gravité abaissé contribuent à la différencier philosophiquement de la Rolls. Ce n’est pas une sportive, non, mais elle n’en est pas moins performante.
La production commence donc en 1946, d’abord au compte-goutte (à cause des restrictions sur l’acier) et privilégiant l’export (pourvoyeur de devises). Petit à petit, la cadence augmente et la Mark VI se concentre sur le marché anglais où la demande est très forte tant la pénurie d’automobiles est grande. Pour l’export vers les États-Unis, marché crucial sur le créneau de la berline de luxe, la direction décide de privilégier Rolls-Royce, marque plus connue Outre-Atlantique que Bentley.
En 1951, la Mark VI reçoit une nouvelle version du moteur six cylindres en ligne, poussé à 4 ½ litres et forcément plus puissant (on parle de 160 chevaux contre 130 pour la 4 ¼ litres). Entre 1946 et 1952, 5 201 exemplaires de la Mark VI seront produits (dont 124 vendus en France). Si la majorité des voitures reçoivent la carrosserie standard Bentley, 999 d’entre elles partent chez des carrossiers pour recevoir des atours spécifiques, particulièrement chez Mulliner, Park Ward ou Hooper.
La Mark VI est une voiture centrale du renouveau de Bentley et Rolls-Royce après-guerre. C’est aussi une voiture moderne pour son époque, et plutôt bien fabriquée malgré la qualité parfois variable des aciers utilisés pour sa fabrication. En outre, elle reste relativement accessible dans ses versions “standards” tandis que les versions spécifiques de carrossier (berline, coach ou cabriolet) sont souvent beaucoup plus chères : une façon de goûter au luxe, à la volupté et à la puissance.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
wheelsage.org
favcars.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)