Le Premier ministre, Edouard Philippe, doit dévoiler mercredi 6 novembre 20 mesures sur l'immigration. Les décisions seront officialisées à l'issue d'un Comité interministériel mais ont été présentées dès lundi 4 au soir à plusieurs ministres et parlementaires de la majorité, réunis à Matignon. Quotas d'immigration, délai de carence pour accéder à la Sécu, Aide médicale d'Etat, plusieurs mesures ont toutefois déjà fuité dans la presse.
Certains vont probablement considérer que ce n’est pas suffisant, ou que ces mesures ne sont pas à la hauteur du problème. Elles présentent cependant plusieurs avantages : elles peuvent être mises en œuvre (relativement) rapidement, elles constituent une avancée vers plus de clarté et de transparence sur cette question de l’immigration qui fait polémique depuis tant d’années.
1 – INSTAURATION DE QUOTAS
Des quotas ou « objectifs chiffrés » d'immigrés « professionnels » vont être fixés chaque année, dès l'été prochain, pour que la France recrute en fonction de ses besoins de travail, a assuré mardi 5 novembre la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. « C'est la France qui recrute par rapport à ses besoins. C'est une approche nouvelle, un peu une approche qu'a le Canada et l'Australie, c'est assez proche », a-t-elle affirmé sur BFMTV.
« On va revoir cette liste chaque année [...] On commence dans quelques semaines avec les partenaires sociaux et les régions. La Dares (cellule statistique du ministère du Travail, NDLR) et Pôle emploi vont travailler pour analyser tous les métiers en tension [...] On vérifie que tous les efforts de formation ont été faits pour permettre à nos demandeurs d'emploi de prendre ces emplois et ensuite les réfugiés [...], on fixera le nombre de personnes par métiers et par territoire », a-t-elle développé. Les quotas ne seront pas fixés en fonction du pays d'origine.
2 – UN DELAI DE CARENCE DE TROIS MOIS POUR ACCÉDER A LA SECU
Comme attendu, et malgré les protestations des associations, l'exécutif a acté l'instauration pour les demandeurs d'asile d'un délai de carence de trois mois pour accéder à la Protection universelle maladie (PUMa), la Sécu de base. Jusque-là, ils y avaient droit dès le dépôt de leur demande. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s'est récemment élevée contre un "dévoiement" de la PUMa par des demandeurs d'asile venant de Géorgie et d'Albanie « qui sont a priori des pays sûrs ».
Dispositif réservé aux sans-papiers, et régulièrement au cœur de controverses pour son caractère supposément dispendieux, l'Aide médicale d'Etat (AME) qui bénéficie à 318.000 personnes n'est pas directement touchée. Mais désormais, certains actes non-urgents pourront faire l'objet d'un accord préalable de la Sécurité sociale.
Ces retouches à la PUMa et l'AME figureront dans les amendements du gouvernement examinés jeudi 7 novembre à l'Assemblée dans le cadre du budget santé. Un rapport sur l'AME commandé à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF), et qui a guidé les orientations du gouvernement, doit aussi être rendu public mardi.
Davantage de contrôles devront également être exercés sur les bénéficiaires de l'Aide aux demandeurs d'asile (ADA) qui toucheraient, selon le gouvernement, indûment en même temps le Revenu de solidarité active (RSA).
3 – REDUCTION DES DELAIS D’INSTRUCTION DES DOSSIERS POUR LES DEMANDEURS D’ASILE
Autre point crucial, la réduction des délais d'instruction des dossiers pour les demandeurs d'asile. La loi votée en 2018 n'a pour l'heure pas produit les effets escomptés, avec un délai moyen de douze mois au lieu des six mois espérés, dans un contexte de « forte augmentation des demandes », selon Matignon.
Dans ce cadre, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) devraient se voir attribuer des « crédits supplémentaires ». En effet il s’agit bien là d’une question de moyens à mettre en place pour obtenir le délai de six mois qui semble être raisonnable et plus conforme à ce que font nos voisins européens.
4 – REDEPLOIEMENT DE l’AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT
Enfin, Edouard Philippe a confirmé la volonté de redéployer l'Aide publique au développement, dont l'effort doit être porté à 0,55% du PIB en 2022. Selon Matignon, cette aide doit « se concentrer sur les zones à enjeux, sur des priorités thématiques bien définies (santé, égalité hommes/femmes...) pour que cela soit un vrai levier de la politique migratoire ».
Source : LeJDD.fr 05-11-2019