CHANTILLY (OISE)
LES GRANDES ECURIES
Au sein du domaine de Chantilly, les Grandes écuries représentent l’une des « pièces maîtresses », un véritable chef d’œuvre architectural. Elles doivent leur création au mysticisme (ou à la folie des grandeurs) du prince Louis IV Henri de Bourbon-Condé. De tous temps dédiés à la célébration du cheval, les écuries renaissent au XXe siècle grâce à l’opiniâtreté d’Yves Bienaimé. La légende se poursuit désormais en s’ouvrant à l’Orient, puisqu’elles sont financées par S.A. l’Aga Khan.
Le domaine de Chantilly remonte au Moyen Âge, passant des mains des Laval à celles des Montmorency puis à la famille de Condé, qui en ôtent l’ancien aspect médiéval et lui impriment son fameux cachet Grand Siècle. Les Grandes écuries sont cependant bâties au XVIIIe… Elles sont le chef d’œuvre de l’architecte Jean Aubert, par ailleurs à l’origine de l’abbaye de Chaalis et du Palais Bourbon à Paris. Son architecture est d’une richesse extraordinaire, à laquelle s’ajoute une conception étonnamment moderne pour son époque. Au service des Princes de Condé, il supervise la construction des Grandes écuries de 1719 à 1740.
La première pierre est posée le 16 mai 1721, le reste est amené depuis des carrières situées sous la pelouse de l’actuel hippodrome de Chantilly. Mais Louis IV Henri de Bourbon-Condé ne voit pas les écuries de ses rêves achevées avant sa mort. Dans ses dernières volontés, il interdit à jamais de modifier l’architecture du bâtiment. Une décision respectée jusqu’à ce jour, qui explique (entre autres) la taille assez réduite de la piste de spectacle du musée vivant du cheval.
Une deuxième aile semblable à l’actuelle était prévue de l’autre côté de la route. Elle n’a pas vu le jour, mais l’arche de la porte Saint-Denis, qui devait relier les deux pavillons, témoigne de cette volonté. Longues de 186 mètres, hautes de 28, les écuries sont déjà plus vastes que le château de Chantilly lui-même ! Le prince de Condé fréquentait régulièrement les écuries de Versailles et souhaitait les siennes plus luxueuses encore.
D’après la légende, le commanditaire des travaux Louis IV Henri de Bourbon-Condé nourrissait un fort mysticisme. Il pensait se réincarner en cheval après sa mort, et fit bâtir des écuries dignes de son rang pour y être accueilli dans sa prochaine vie. S’il n’existe aucune source historique pour accréditer cette histoire, il s’agit à n’en pas douter d’un monument d’architecture, d’un projet démesuré, d’écuries parmi les plus grandes et plus belles de France… voire du monde.
Elles accueillent entre leurs murs 240 chevaux et 150 chiens de vénerie (soit cinq meutes), mais aussi d’illustres personnalités comme Louis XV, le futur Tsar Paul 1er et Frédéric II de Prusse. Le prince de Condé était si fier de ses écuries qu’il n’hésitait pas à y inviter les grands de ce monde à dîner sous la coupole. Le reste du temps, les lieux servent à héberger chevaux et chiens de chasse, comme le rappellent un grand nombre d’éléments artistiques liés à la vénerie, avec une nette influence du mouvement artistique de « retour vers la nature ».
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Vue d’ensemble depuis le sud-est.
(Photo P. POSCHADEL)
La forêt de Chantilly toute proche est un domaine de chasse très apprécié, suscitant la convoitise de la noblesse. Aussi, les chasses y sont-elles quotidiennes. Les veneurs sortent du bâtiment directement sur les pelouses de l’actuel hippodrome (qui n’existe pas encore à l’époque), par l’entrée du dôme central.
L’architecture des Grandes écuries inspire de multiples autres lieux en Europe. Elles souffrent assez peu de la Révolution française, sans doute en raison de leur réutilisation militaire. Cependant, la famille de Bourbon-Condé ne s’en relève jamais. Exilé puis revenu sous la Restauration, Louis VI Henri de Bourbon-Condé restaure la tradition de la vénerie en 1830, mais le neuvième et dernier prince de Condé disparaît sans descendance. C'est son neveu et filleul le jeune Henri d'Orléans, duc d'Aumale, qui récupère l’important domaine. Il le modifie légèrement et le modernise, installant l’éclairage, le chauffage au gaz et remplaçant les anciennes stalles par des boxes.
Après la gloire de la vénerie, c’est l’hippisme qui entre aux Grandes écuries via l’anglomanie et la construction de l’hippodrome. Celui-ci est inauguré en 1834. L’idée est venue du duc d’Orléans, frère ainé du duc d’Aumale, qui au retour d’une chasse avait défié quelques gentilshommes sur cette pelouse bordant les Grandes Écuries et avait noté que le sol était d’excellente facture pour organiser des courses de chevaux. Ainsi naît le premier hippodrome de l’Europe continentale !
En 1897, Henri d'Orléans meurt à son tour veuf et sans descendance. Il lègue l’ensemble du domaine à l’Institut de France, sous la direction de la Fondation des Princes de Condé créée en 1886.
Dès lors, ce site exceptionnel tombe plus ou moins dans l’oubli… Les Grandes écuries de Chantilly abritent un club d’équitation, qui tient son manège dans la grande nef. En 1978, un écuyer et gestionnaire jusqu’alors peu connu, Yves Bienaimé, propose un projet à l’Institut de France. Il vend sa maison et l’un des trois centres équestres dont il est propriétaire au nord de Paris pour investir dans les Grandes Ecuries de Chantilly, et y créer le Musée vivant du Cheval. Elles retrouvent ainsi leur fonction première, celle d’un lieu à la gloire du cheval. Yves Bienaimé et son épouse Annabel entament une patiente restauration du bâtiment.
Le 6 juin 1982, le site ouvre après cinq mois de travaux et présente déjà une importante collection d’objets, issus de dons ou de collections personnelles. Le musée vivant du cheval n’a investi qu’une partie des Grandes écuries pour créer les 31 salles d’exposition, mais il lui donne un essor considérable. La grande nef expose les différentes disciplines équestres (et le matériel lié), tandis que les boxes hébergent une quinzaine de chevaux (leur nombre montera jusqu’à une trentaine au fil des années) de toutes races, en particulier ibériques (Histoire oblige). La cour, qui hébergeait autrefois les chenils de vénerie, devient une carrière.
Désormais l’un des lieux équestres les plus visités au monde, le Musée vivant du Cheval réussit son le pari de mêler art et pédagogie, rendant l’univers équestre accessible même aux non-initiés. Morphologie, histoire des races et du sport hippique, exposition de mors et de fers anciens et récents, plus d’un millier de tableaux, des chevaux de carrousel… le musée met en place ses célèbres spectacles (en particulier à Noël, pour les enfants) et collabore avec des artistes devenus désormais célèbres, notamment Marine Oussedik dont le premier livre d’art est publié aux éditions du Musée vivant du Cheval. Son exposition permanente est d’ailleurs restée visible jusqu’à la rénovation du musée en 2011.
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Vues du ciel. A droite le château
(Photo Pierre-Alain BANDINELLI)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Vue du Petit Parc, étang de Sylvie.
(Photo P. POSCHADEL)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES.
(Photo Jean-Pierre ECHAVIDRE)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Vues du ciel.
(Photo Pierre-Alain BANDINELLI)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Le grand péristyle de la façade orientale orientée en direction du château, à côté de la porte Saint-Denis.
(Photo P. POSCHADEL)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Le grand péristyle de la façade orientale (détail)
(Photo Tsaag VALREN)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Le grand péristyle de la façade orientale (détail)
(Photo Tsaag VALREN)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES
(Photo Patrick NOUHAILLER’S)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES - Hémicycle du duc d'Aumale.
(Photo A. PITCHE)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES
(Photo Jean-Pierre ECHAVIDRE)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES - Vue arrière
(Photo Tsaag VALREN)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Les stalles dans le Musée vivant du Cheval.
(Photo Jebulon)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES.
(Photo Tango7174)
CHANTILLY : LES GRANDES ECURIES – Façade (détail)
(Photo Tsaag VALREN)