Le pacte de Marrakech a été ratifié à l'occasion d'une réunion extraordinaire des membres de l'ONU, le 10 décembre dernier dans la ville marocaine. Mais cela fait des mois que ceux qui ont basé leur fond de commerce sur la haine des étrangers, le racisme et l’antisémitisme, rejoint par d’autres qui n’ont pour obsession que la détestation de Macron, répandent les pires absurdités avec un seul objectif jouer sur les peurs.
Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, n’a pas hésité à affirmer sur Twitter qu’« avec le pacte de Marrakech, la France reconnaît un droit à l'immigration généralisée ». Une phrase choc destinée à frapper les esprits mais qui, évidemment, est un mensonge.
D’où vient l’idée du Pacte de Marrakech
L’idée n’est pas nouvelle, c’est François Hollande, qui, aux lendemains de la grande vague migratoire en Europe centrale et en Allemagne en 2016, a convenu avec ses pairs européens et africains d'engager un débat sur cette question brûlante. Les Nations unies sont sur la même ligne avec leurs agences, débordées et sous-financées : le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Le 19 septembre 2016, une « déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants » est adoptée. « Aucun État ne peut à lui seul gérer ces déplacements », peut-on lire au paragraphe 7 du texte. Au paragraphe 63, les États s'engagent à lancer un processus de négociations pour aboutir à un pacte qui renforce la coopération internationale en vue de « migrations sûres, ordonnées et régulières ». Un échéancier est fixé, le pacte doit être adopté en décembre 2018.
La France nomme un ambassadeur auprès de l’ONU
En septembre 2017, Emmanuel Macron nomme un ambassadeur chargé de la négociation. Pascal Teixeira da Silva est un expert du système onusien passé également par la DGSE. Dans les consignes qui lui sont transmises par le Quai d'Orsay, figurent quelques lignes rouges : qu'une distinction imparable soit faite entre réfugiés et migrants économiques, entre immigrés clandestins et réguliers, que les pays de départ progressent sur le principe de réadmission des refoulés et que l'accent soit mis sur la lutte contre les trafics d'êtres humains. Autant de points sur lesquels la France a obtenu satisfaction. Autant de points destinés à faire en sorte que les fantasme de Madame Le Pen ne deviennent pas réalité
Emmanuel Macron annonce le soutien de la France
Emmanuel Macron évoque à nouveau cette question des migrations lors de son discours à l'ONU le 25 septembre 2018. Dans la grande salle de l'Assemblée générale des Nations unies à New York. Le président de la République vient de se faire remarquer pour son discours fougueux, en partie improvisé pour mieux répondre aux attaques de Donald Trump contre le multilatéralisme. Mais parmi les passages qui n'ont pas été modifiés, il y a celui-ci : « Face au grand défi migratoire, je ne crois pas au discours d'ouverture inconditionnelle, martèle Emmanuel Macron. Ils ne font que provoquer l'inquiétude et accroître l'intolérance. »
Pour lui, « la seule façon efficace » de maîtriser les flux migratoires, c'est de « travailler ensemble, pays d'origine, de transit, de destination, pour s'attaquer aux causes profondes de ces migrations tout en assurant le respect de notre droit international et en particulier la protection inconditionnelle de ceux qui ont droit à l'asile ». Voilà pourquoi, conclut-il, « la France soutiendra l'adoption du pacte de Marrakech en décembre 2018 ».
La belle unité de New-York vole rapidement en éclat
Mais entre-temps, la belle unité de façade de la déclaration de New York de septembre 2016 a volé en éclats. Dès le début, les États-Unis de Donald Trump se retirent du processus ainsi que la Hongrie, si bien que les pays d'Amérique latine n'ont plus d'interlocuteur naturel et que l'Union européenne est fragilisée. La France aurait-elle dû faire preuve de pédagogie plus tôt, désamorcer les polémiques et les rumeurs infondées qui ne manqueraient pas sur un tel sujet ? « On s'est posé la question », reconnaît-on à l'Élysée, « mais le texte ne nous posait pas de problèmes ; il était non contraignant, respectait la souveraineté de chacun, rien à voir avec un traité. » Une fois le pacte adopté, l'ambassadeur Teixeira da Silva s'est rendu jeudi à la convocation de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée. « Aucun membre des Républicains ou du Rassemblement national n'était présent alors que c'étaient leurs partis qui avaient réclamé le débat ! », peut-on lire dans son compte rendu !...
L’aboutissement de deux ans de réflexions
Lors de l'Assemblée générale des Nations unies mercredi, 152 pays, dont la France, ont approuvé le pacte de Marrakech. Son objectif : renforcer la coopération internationale pour une « migration sûre ». Selon l'ONU, il y avait, en 2017, 258 millions de migrants internationaux, c'est-à-dire des personnes installées dans un pays différent de leur terre natale. La majorité réside dans un État proche de leur région de naissance. Par exemple, près de 53 % des 36 millions d'Africains qui ont quitté leurs pays en 2017 sont restés sur leur continent. La Russie, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis figurent parmi ceux qui accueillent le plus de migrants.
C’est ce texte qui fait circuler tans de contre-vérités depuis plusieurs semaines dans les rassemblements des gilets jaunes, sur les réseaux sociaux ou encore dans les propos des responsables politiques. Le pacte de Marrakech sur les migrations nourrit tous les fantasmes. Parmi les critiques les plus virulents qui a lu le texte, ou au moins une synthèse ? Très peu…
Les pays occidentaux auront plus de contraintes FAUX
Ce sont les pays d'origine qui auront plus d'obligations qu'aujourd'hui. L'objectif 4, par exemple, propose de « munir tous les migrants d'une preuve d'identité légale », et de nombreuses pages sont consacrées à la lutte contre le travail forcé. Mais en réalité, en matière de protection sociale, de regroupement familial ou d'accès aux droits, la France applique déjà la plupart des objectifs fixés par le pacte et a signé l'essentiel des traités et conventions sur lesquels il s'appuie (notamment la convention sur les travailleurs migrants de 1949, qui enjoint ses signataires à lutter contre la "propagande" négative à l'égard des migrants). Ce n'est pas le cas de nombreux pays du Sud, qui pourraient connaître une pression accrue. Car la majorité des migrations se fait à l'intérieur des continents, et Russie, Arabie saoudite ou Émirats restent des destinations davantage prisées par les Africains que la France.
« Nos diplomates ne sont pas idiots, constate le professeur de droit international Olivier de Frouville. Ils ont veillé à ce que la France ne dépasse pas son niveau d'obligations actuel, mais le texte renforce celles des pays d'origine », qui devront coopérer pour favoriser le retour de leurs ressortissants. Les opposants à ce pacte ont, eux, un problème de principe lié au fait que le texte postule que « les migrations sont facteur de prospérité » et inévitables.
Macron a vendu la France à l'ONU ! FAUX
Dès son préambule, le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières réaffirme « le droit souverain des États de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence, dans le respect du droit international ». Son but : « établir un cadre de coopération juridiquement non contraignant ». En clair : les États conservent leur pleine souveraineté et restent libres de décider qui entre dans le pays. Mais ils prennent l'engagement moral de respecter au mieux les droits humains des migrants et de construire ensemble des cadres de coopération.
Le pacte est non contraignant pour les états signataires VRAI
S'il n'est pas juridiquement contraignant, il engage moralement les États à adapter leur législation afin de tendre vers des objectifs communs. Cette soft law – ou droit "souple" – est l'un des piliers du droit international. Certaines formulations normatives pourront renforcer l'application de traités déjà en vigueur, mais qui ne seraient pas appliqués (comme l'obligation de « munir tous les migrants d'une preuve d'identité légale », ou les objectifs consacrés à la lutte contre le travail forcé). La France est peu susceptible d'être concernée, car elle applique déjà l'essentiel des objectifs fixés.
Ce texte ne fait pas l'unanimité sur le plan international VRAI
152 pays ont voté en faveur du pacte, 12 se sont abstenus, et 5 ont voté contre (États-Unis, Hongrie, République tchèque, Pologne et Israël). Dénoncé par les nationalistes flamands, il a provoqué la rupture de la coalition gouvernementale en Belgique. L'Algérie, accusée d'infliger des traitements inhumains aux migrants sahariens et subsahariens lors des opérations de retour, s'est abstenue.
Il est porteur d'une idéologie multiculturaliste VRAI
Le caractère intrinsèquement positif des migrations est le principe directeur formulé par le pacte, qui reconnaît « qu'à l'heure de la mondialisation, les migrations sont facteurs de prospérité, d'innovation et de développement durable et qu'une meilleure gouvernance peut permettre d'optimiser ces effets positifs ». Parce que les migrations sont présentées comme inéluctables, plusieurs pays, qui veulent les réduire drastiquement, l'ont d'emblée rejeté.
Le Pacte va imposer "l'invasion" de 480 millions de migrants en Europe FAUX
Le pacte n'a pas pour objectif de favoriser la venue de migrants supplémentaires, mais d'encourager une meilleure coopération entre les États d'origine, de transit et de destination, afin que les migrations actuelles se passent dans de meilleures conditions. En réalité, ce chiffre de 480 millions est extrapolé d'une étude menée par l'ONU en 2000, qui tentait d'évaluer si les « migrations de remplacement » pouvaient être « une solution au déclin des populations ». Ce document de travail imaginait l'impact de plusieurs scénarios.
Combien de migrants faudrait-il pour maintenir, en 2050, la population au même niveau qu'en 2000 ? Son scénario le plus extrême estimait que l'Union européenne aurait besoin de l'apport de 674 millions de migrants d'ici à 2050 pour conserver le même ratio de population en âge de travailler et de personnes de plus de 65 ans.
Cela ouvre un droit aux prestations sociales pour tous les migrants FAUX
Sous l'objectif 15 du pacte, les États s'engagent à favoriser un « accès sûr aux services de base […] quel que soit leur statut », régulier ou clandestin. Il est clairement spécifié que « les nationaux et les migrants réguliers sont susceptibles de bénéficier d'une gamme de services plus étendue ». La définition de ce qu'est un « service de base » est laissée à la libre appréciation des États, mais il s'agit au minimum de garantir aux migrants « l'exercice de leurs droits de l'homme ». En France, les migrants ont déjà accès à une base de services beaucoup plus étendue qu'ailleurs : aide médicale d'urgence, scolarisation gratuite, conseil juridique…
D'autres États ne garantissent rien. La Malaisie ou les Philippines, par exemple, n'ouvrent pas l'accès de leurs écoles aux enfants clandestins et cet accès reste très limité au Kenya ou en Arabie saoudite… En France, seuls les étrangers en situation régulière peuvent prétendre à d'autres prestations (RSA, allocations familiales…). Le pacte de Marrakech ne pourra pas servir à étendre ces droits, pas plus que l'objectif 22 n'ouvre de « droit universel à la Sécurité sociale ». Il s'agit, là encore, d'encourager les pays moins-disant à aider les travailleurs migrants à accéder à une protection sociale minimale.
En France, l'exécutif a décidé sans l'avis des Français VRAI… MAIS
Rien n'obligeait le Président à présenter le pacte de Marrakech au Parlement avant de l'endosser ni de le soumettre à référendum, puisqu'il ne s'agit pas d'un traité et qu'il ne modifie pas la législation existante. Cependant, rien ne l'empêchait non plus de prévoir un débat, voire un vote devant l'Assemblée. L'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, l'Italie, la Belgique ont engagé des débats publics… L'exécutif ne s'y est pas soumis, vu la sensibilité du sujet : selon un sondage IFOP réalisé fin novembre, dont le JDD avait publié les résultats, 52% des Français pensent que l'on accueille « trop d'étrangers ».
Les médias seront forcés de dire du bien des migrants, sinon ils perdront leurs subventions FAUX
Dans l'objectif 17 du pacte, les États s'engagent à « combattre les expressions, les manifestations et les actes de racisme […] et de xénophobie visant tous les migrants », à « sensibiliser les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente », et à « cesser d'allouer des fonds publics […] aux médias qui propagent systématiquement l'intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants ». Il précise toutefois que la liberté d'expression doit être respectée, de même que « le plein respect de la liberté de la presse ».
L'accord n'est pas juridiquement contraignant, mais cet engagement pourrait légitimer l'action d'un gouvernement désireux d'influencer les discours diffusés par les télés et les radios publiques. Cependant, le droit français, qui sanctionne la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, est déjà plus contraignant que le pacte. Ce débat ne date pas d'hier : la convention de l'OIT de 1949 sur les travailleurs migrants (signée par la France) appelait à « prendre toutes mesures contre la propagande trompeuse sur l'émigration et l'immigration ».