Emmanuel Macron est prêt à l'affrontement avec le Sénat. Plusieurs discussions avec Gérard Larcher ont montré que la droite du Sénat n’était pas décidée à composer avec l’exécutif sur une réforme qui comporte pourtant bien des sujets sur lesquels Les Républicains étaient eux-mêmes demandeurs lorsque François Hollande était à l’Elysée.
Le Premier ministre Edouard Philippe doit présenter, à partir de mardi 5 mars prochain, aux groupes parlementaires la teneur des réflexions sur la réforme constitutionnelle à venir. Et l'exécutif ne devrait pas céder face aux desiderata du président de la haute assemblée Gérard Larcher sur la question du cumul des mandats dans le temps. Le président de la République Emmanuel Macron est-il prêt au big bang institutionnel ? Oui, sans doute. S’il n’a pas les voix des sénateurs de droite pour faire accepter au Congrès la réforme constitutionnelle il ira au referendum…
Les mesures préconisées
Les mesures actuellement préconisées par l’exécutif sont celles qui avaient été annoncés durant la campagne présidentielle :
- Réduction d'un tiers du nombre de parlementaires (députés et sénateurs)
- Introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives – dont l'ampleur reste à définir –
- Limitation à trois mandats successifs pour les députés, les sénateurs et les présidents d'un exécutif local. Sur ce point, l'Elysée a décidé d'octroyer une exception aux maires des communes de moins de 3.500 habitants, mais pas aux sénateurs, pourtant vent debout contre cette disposition. Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, en a même fait une "ligne rouge" en menaçant de bloquer l'ensemble de la réforme si elle était franchie.
Trois projets de lois distincts
Pour mener à bien ce projet, le gouvernement va présenter trois projets de lois distincts (constitutionnel, organique et ordinaire). L'un des objectifs de la réforme est aussi d'améliorer l'efficacité du travail parlementaire. L'exécutif souhaite l'accélérer en supprimant les doublons, fréquents entre l'examen d'un texte en commission et le débat en séance publique. Le projet instaurera donc une procédure de filtre afin d'éliminer, avant l'examen en séance, les amendements déjà rejetés en commission ou sans rapport avec l'objet du texte principal.
Autres innovations prévues :
- Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) verra ses effectifs divisés par deux.
- Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) aura la haute main sur les nominations des magistrats du parquet (comme c'est le cas pour celles des juges du siège) et sera l'autorité compétente en matière disciplinaire.
- La Cour de justice de la République sera supprimée
- Les anciens présidents de la République ne seraient plus membres de droit du Conseil constitutionnel, à partir de 2022.
Référendum ou passage par le Congrès ?
Pour faire passer sa réforme, l'Elysée se dit prêt à utiliser l'arme du référendum et en particulier l'article 11 de la Constitution, déjà utilisé par De Gaulle dans le passé et qui ne fait pas l'unanimité chez les juristes. Cet article permet en effet au gouvernement de passer par-dessus le Parlement au contraire de l'article 89 qui oblige l'exécutif à obtenir l'accord des deux chambres sur un texte avant de le proposer au peuple. « Cette voie [de l'article 11] est complètement ouverte », confirme un proche, tout en soulignant les risques d'une confrontation pour les opposants : « Le Sénat devra décider s'il veut parler à l'opinion publique ou s'il veut parler aux seuls sénateurs. »
Dimanche 4 mars au matin sur Europe 1, le député insoumis Alexis Corbière a reconnu qu'Emmanuel Macron faisait preuve « d'habileté politique » avec cette idée de référendum. « C'est une posture qui se veut gagnant-gagnant car personne dans ce pays n'est pour le cumul des mandats, à commencer par moi », a-t-il reconnu.
Le calendrier
Tous ces chantiers doivent être présentés ces deux prochaines semaines par Edouard Philippe aux présidents des groupes parlementaires pour lancer le processus. Les présidents du Sénat, Gérard Larcher, et de l'Assemblée nationale, François de Rugy, ont rendez-vous à Matignon dans les prochains jours pour échanger. Les textes seront ensuite transmis au Conseil d'Etat, pour une présentation en Conseil des ministres mi-avril. Le gouvernement espère un vote en première lecture avant l'été.
Source : LeJDD.fr 04-03-2018