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14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (41/50)

 

Camille DESMOULINS

 

 

 

 

L'OFFENSIVE INDULGENTE - LE "VIEUX CORDELIER" :

DECEMBRE 1793 - MARS 1794

  

 

 

 

 

    Le coup de frein donné par le Comité de Salut Public à la déchristianisation est un avertissement donné aux amis d’Hébert. Mais cette décision a aussi pour conséquence d’accorder quelque crédit, au moins pour un temps, aux thèses des « Indulgents ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Danton* a apporté son appui au Comité, dans les premiers jours de Décembre 1793. Il avait au moins deux bonnes raisons pour agir de la sorte : d'abord reconquérir une partie de sa popularité perdue ces dernières semaines et essayer de tirer d'affaire ses deux amis Bazire (1) et Fabre d' Eglantine (2), compromis dans la sombre affaire de la Compagnie des Indes, ensuite regrouper autour de lui l'opposition modérée qui commençait à se faire jour.

    Il semble bien que Robespierre n'ait pas vu le danger lorsqu'en Novembre dernier il s'est félicité du soutien de Danton* pour donner un coup d'arrêt à la campagne antireligieuse.

 

    Dès le 1er Décembre (11 Frimaire an II), Danton* signifie aux « piques » que leur action est maintenant terminée.. Mais la clémence prêchée par Danton*, même à mot couvert, n’est pas du goût de la majorité des Montagnards. Il l’a bien compris, aussi croit-il bon de repréciser qu’il est partisan des « justes » mesures révolutionnaires : « Non seulement je ne demande point le ralentissement des mesures révolutionnaires, mais je me propose d’en présenter qui frapperont et plus fort et plus juste ; car, dans la République, il y a un tas d’intrigants et de conspirateurs véritables qui ont échappé au bras national, qui en a atteint de moins coupables qu’eux… » Et, alors qu'il est attaqué aux Jacobins, il est défendu par Robespierre qui reste toujours soucieux de l'unité de la Montagne :

 

« La cause des patriotes est une, comme celle de la tyrannie. Ils  sont  tous  solidaires ! » (3)

 

    Mais déjà à l'Assemblée et même aux Jacobins, certains commencent à accuser Danton* et ses amis d'indulgence. Il s'en défend d'ailleurs vigoureusement mais en pure perte. Le 3 Décembre (13 Frimaire), il doit hausser très nettement le ton car les attaques se sont faites beaucoup plus vives. Il demande alors qu'une commission soit créée pour examiner sa conduite. Robespierre lui succède à la tribune et réaffirme, avec une certaine note d'humour, qu'il reste parfaitement solidaire de Danton*.

 

«  Danton* vous a demandé une commission pour examiner sa conduite. J'y consens, s'il pense que cette mesure lui soit utile, mais je soutiens que sa conduite ne peut être bien discutée qu'à la face du peuple. Je demande qu'on veuille bien préciser les griefs portés contre lui. Personne n'élève la voix ? Eh bien ! je vais le faire. Danton*!  Tu es accusé d'avoir émigré; on dit que tu avais passé en Suisse; que ta maladie était feinte pour cacher au peuple ta fuite; on dit que ton ambition était d'être régent sous Louis XVII; qu'à l'époque déterminée tout a été préparé pour le proclamer; que tu étais le chef de la conspiration; que ni Pitt, ni Cobourg, ni l'Angleterre, ni l'Autriche, ni la Prusse n'étaient nos véritables ennemis, mais que c'était toi seul; que la Montagne était composée de tes complices; qu'il ne fallait pas s'occuper des agents envoyés par les puissances étrangères; que les conspirations étaient des fables qu'il fallait mépriser; en un mot, qu'il fallait t'égorger (...)

«  La Convention sait que j'étais divisé d'opinion avec Danton*; que, dans le temps des trahisons de Dumouriez, mes soupçons avaient devancés les siens. Je lui reprochai alors de n'être pas plus irrité contre ce monstre. Je lui reprochai de n'avoir pas poursuivi Brissot* et ses complices avec assez de rapidité, et je jure que ce sont là les seuls reproches que je lui ai faits (..) Je me trompe peut-être sur Danton*; mais vu dans sa famille, il ne mérite que des éloges. Sous les rapports politiques, je l'ai observé : une différence d'opinion entre lui et moi me le faisait épier avec soin, quelque fois avec colère; et, s'il n'a pas toujours été de mon avis, conclurai-je qu'il trahissait sa patrie ? Non, je la lui ai vu toujours servir avec zèle (..)

«  Danton* ! Ne sais-tu pas que plus un homme a de courage et de patriotisme, plus les ennemis de la chose publique s'attachent à sa perte ? Ne sais-tu pas, et ne savez-vous pas tous, citoyens, que cette méthode est infaillible ?.. »  (4)

 

    Jamais Robespierre ne fera, pour un autre que Danton*, un si vibrant éloge. On sait combien l'Incorruptible est avare de compliments !...Mais si Robespierre et Danton*  se montrent, ce soir là, comme les meilleurs amis du monde, le tribun sort de cette séance profondément humilié. Il n’a du son salut qu’à l’intervention bienveillante de Robespierre car Hébert et ses amis étaient tout prêts à lancer contre lui l’attaque décisive. Le pacte implicite passé avec l’Incorruptible dans les derniers jours de novembre semble maintenant bien fragile. Ses amis, Camille Desmoulins*, Fabre d’Eglantine et même Chabot, du fond de sa prison, pressent Danton* de se démarquer nettement et au plus vite de la politique du Comité.. Et Danton fait son choix : Il reprend son indépendance d’esprit et sa liberté de parole….

 

    Le lendemain, 4 décembre (14 Frimaire an II), hasards de l'ordre du jour, on définit à la Convention ce qu'est le Gouvernement révolutionnaire provisoire : encore un peu plus de pouvoir dans les mains du Comité de Salut Public. En effet, si la Convention nationale est confirmée comme étant le « Centre unique de l'impulsion du gouvernement », le texte du décret ajoute aussitôt que « tous les corps constitués et les fonctionnaires publics sont mis sous l'inspection immédiate du Comité de Salut Public pour les mesures de gouvernement et de salut public ». Encore une raison supplémentaire donnée aux Indulgents pour augmenter leur pression.

 

    C'est Camille Desmoulins* qui va donner de l'ampleur à l'offensive dantoniste. Grand journaliste, Camille Desmoulins* lance « Le Vieux Cordelier », dont le premier numéro parait le 5 Décembre (15 Frimaire an II). Il y attaque les révolutionnaires avancés, en particulier Cloots et Chaumette, responsables de la déchristianisation. Il rend surtout, à toutes les pages, un vibrant hommage à Robespierre à qui il a fait relire les épreuves et qui s'est, bien évidemment, montré fort satisfait du talent de Camille.

   Robespierre éprouve pour Camille Desmoulins* une très grande sympathie et il est heureux de cette collaboration. Dans le même temps, Saint-Just*, en mission à Strasbourg mais qui suit de très près l'évolution de la situation dans la capitale, adresse un message à l'Incorruptible pour lui prodiguer des conseils de fermeté : « On fait trop de lois, trop peu d'exemples. Vous ne punissez que les crimes saillants, les crimes hypocrites sont impunis. » « Faites punir un abus léger dans chaque partie, c'est le moyen d'effrayer les méchants et de faire voir que le gouvernement a l'œil sur tout (..) Engagez le Comité à donner beaucoup d'éclat à la punition de toutes les fautes dans le gouvernement. »«  Vous n'aurez pas agi ainsi d'un mois que vous aurez éclairé ce dédale dans lequel la contre-révolution et la Révolution marchent pêle-mêle ». (5)

 

    Les Indulgents s'enhardissent pourtant, un peu plus de jour en jour, et les événements semblent même leur donner raison. Le 17 Décembre (27 Frimaire an II), Fabre d'Eglantine dénonce à la Convention deux des personnalités les plus en vue parmi les révolutionnaires « avancés » : Vincent (6), Secrétaire général du ministère de la guerre et le Général Ronsin (7). Ils sont, tous deux, décrétés d'arrestation. Collot d'Herbois, probablement inquiet pour lui-même mais aussi par l'évolution de la situation, revient précipitamment de Lyon, où il avait été envoyé en mission. Lui aussi prêche la fermeté aussi bien à l'Assemblée qu'aux Jacobins.

    Le 18 Décembre (28 Frimaire an II), sort le numéro 3 du « Vieux Cordelier ». Le journal va mettre le feu aux poudres d'une façon qui, en aucun cas, ne peut être involontaire de la part de son auteur. D'abord cette citation de Machiavel : « Dès que ceux qui gouvernent seront haïs, leurs concurrents ne tarderont pas à être admirés. » Mais surtout, s'abritant derrière une traduction très libre de Tacite, Camille rend ridicules, par de nombreux exemples, les accusations de « crime de contre-révolution » et la notion de « suspect ».

    Robespierre a-t-il été consulté, comme pour les deux numéros précédents ? N'a-t-il pas pris le temps de relire les textes que Camille lui aurait soumis ? Toujours est-il que ce troisième numéro a un style bien nouveau : il met en cause l'organisation même du gouvernement, sa politique, ses méthodes. Par ailleurs, il prône ouvertement les idées de Danton* : libération des suspects, amnistie,....

    Le Comité de Salut Public qui, jusqu'à présent était resté bien discret,  sort de sa réserve le 23 Décembre (3 Nivôse an II) et Robespierre, aux Jacobins, prend très clairement position contre l'offensive menée par les Indulgents.

 

« On veut vous arrêter dans votre marche rapide, comme si vous étiez parvenus au terme de vos travaux.. Vous ne savez donc pas que dans vos armées la trahison pullule, vous ne savez pas qu'à l'exception de quelques généraux fidèles vous n'avez de bon que le soldat. Au-dedans l'aristocratie est plus dangereuse que jamais parce que jamais elle ne fut plus perfide. Autrefois elle vous attaquait en bataille rangée, maintenant elle est au milieu de vous, elle est dans votre sein, et, déguisée sous le voile du patriotisme, elle vous porte, dans le secret, des coups de poignards dont vous ne vous méfiez pas. »  (8)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (41/50)

 

« Le Vieux Cordelier »  Journal de Camille DESMOULINS

 

 

    Mais, pour le jeune et fougueux Camille Desmoulins*, il n'est plus question de reculer. La campagne lancée dans son « Vieux Cordelier » défend une cause qu'il estime être juste. Le numéro 4, distribué le 24 Décembre (4 Nivôse an II), réclame à nouveau l'élargissement de tous les suspects incarcérés et la création d'un « Comité de clémence » : « Ouvrez les prisons à ces deux cent mille citoyens que vous appelez suspects !... Je pense bien différemment de ceux qui disent qu'il faut laisser la terreur à l'ordre du jour. Je suis certain au contraire, que la liberté serait consolidée et l'Europe vaincue si vous aviez un comité de clémence. Ce comité qui finirait la Révolution... » (9)

 

   Le lendemain 25 Décembre (5 Nivôse), Robespierre présente, de la tribune de la Convention  un rapport « sur les principes du Gouvernement révolutionnaire ». Un document qu'il peaufine depuis plusieurs semaines et qui va lui permettre de définir la position officielle du Comité de Salut Public. Une position qui ne laisse aucun doute sur ses intentions :

 

«  Les vertus sont simples, modestes, pauvres, souvent ignorantes, quelques fois grossières; elles sont l'apanage du malheureux et le patrimoine du peuple. Les vices sont entourés de tous les trésors, ornés de tous les charmes de la volupté et de toutes les amorces de la perfidie; ils sont escortés de tous les talents dangereux escortés par le crime. » (10)

 

    Et il poursuit :

 

« La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis, la Constitution est le régime de liberté victorieuse et paisible.. Le gouvernement révolutionnaire a besoin d'une activité extraordinaire, précisément parce qu'il est en guerre (..) En est-il moins juste et moins légitime ? Non; il est appuyé par la plus sainte de toutes les lois, le salut du peuple; sur le plus inébranlable de tous les titres, la nécessité. »  (11)

 

    Se plaçant délibérément au-dessus des partis, Robespierre condamne, de la même façon, et avec la même sévérité, les deux factions extrêmes:

 

«  Le Gouvernement révolutionnaire doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l'excès: le modérantisme qui est à la modération ce que l'impuissance est à la chasteté; et l'excès qui ressemble à l'énergie comme l'hydropisie à la santé. Les deux extrêmes aboutissent au même point. Que l'on soit en deçà ou au-delà du but, le but est également manqué. Rien ne ressemble plus à l'apôtre du fédéralisme que le prédicateur intempestif de la République universelle. L'ami des rois et le procureur général du genre humain s'entendent assez bien. Le fanatique couvert de scapulaires et le fanatique qui prêche l'athéisme ont entre eux beaucoup de rapports. Les barons démocrates sont les frères des marquis de Coblence, et quelquefois les bonnets rouges sont plus voisins des talons rouges qu'on ne pourrait le penser (..) Par l'un de ces abus, la République risquerait d'expirer dans un mouvement convulsif; par l'autre, elle périrait infailliblement de langueur. »  (12)

 

    De ce discours il ne ressort qu'une seule chose : pour Robespierre, l'heure de la fermeté a sonné. Le combat est engagé contre ceux qu'il qualifie de « conspirateurs qui créent des difficultés au gouvernement » :

 

«  Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection nationale, il ne doit aux ennemis du peuple que la mort... »  (13)

 

    C'est Camille Desmoulins*, l'ami de jeunesse, qui, le premier va être inquiété. Le 5 Janvier 1794 (16 Nivôse an II), parait le numéro 5 du « Vieux Cordelier » dans lequel il est revenu pourtant à plus de raison, se contentant d'attaquer Hébert. Il est déjà trop tard. Le 7, on dénonce le « Vieux Cordelier » au club des Jacobins et Robespierre semonce Camille en essayant, tout de même, de lui venir en aide :

 

«  Il y a quelque temps que je pris la défense de Camille, accusé par les Jacobins. Je me permis alors des réflexions sur son caractère; l'amitié les permettaient; mais aujourd'hui je suis forcé de tenir un langage bien différent. Camille avait promis d'abjurer les hérésies politiques, les propositions erronées, malhonnêtes, qui couvrent toutes les pages du Vieux Cordelier; Camille, enflé par le débit prodigieux de ses numéros, et les éloges perfides que les aristocrates lui prodiguent, n'a pas abandonné le sentier que l'erreur lui avait tracé. Ses écrits sont dangereux,; ils alimentent l'espoir de nos ennemis, et favorisent la malignité publique (..) Les écrits de Camille sont condamnables, sans doute; mais pourtant il faut bien distinguer la personne de ses ouvrages. Camille est un enfant gâté, qui avait d'heureuses dispositions mais que les mauvaises compagnies ont égaré. Il faut sévir contre ses numéros, que Brissot* lui-même n'eut osé avouer, et conserver Desmoulins* au milieu de nous. Je demande pour l'exemple que les numéros de Camille soient brûlés dans la Société. »  (14)

 

   C'est alors que Camille rétorque « C'est fort bien dit Robespierre, mais je te répondrai comme Rousseau : brûler n'est pas répondre ! » Veut-il faire un bon mot en lançant cette citation ? A-t-il la certitude que l'amitié de Maximilien suffit à le protéger ? Toujours est-il que Robespierre, piqué au vif, réplique aussitôt :

 

« Eh bien ! Je retire ma motion. Que les numéros ne soient pas brûlés mais qu'on y réponde ! Apprends Camille que si tu n'étais pas Camille on ne pourrait avoir autant d'indulgence pour toi. La manière dont tu veux te justifier me prouve que tu as de mauvaises intentions.... Brûler n'est pas répondre ? Mais cette citation peut-elle trouver ici son application ? »  (15)

 

    Robespierre, le lendemain matin, écrit à Camille ce petit mot dans lequel transparaît toute la tendresse qu'il éprouve à l'égard de son jeune compagnon :

 

«  Je t'ai aimé autrefois, parce que je t'ai cru républicain; je t'aime encore malgré moi-même; mais crains un amour jaloux, un amour en fureur qui ne te pardonnera pas si tu oses porter tes pas plus loin. »  (16)

 

    Desmoulins* est exclu des Jacobins à la demande des Hébertistes, mais Robespierre le fera réintégrer presque aussitôt. L'affaire, pour autant, n'est pas réglée. Le 7 Janvier (18 Nivôse an II), aux Jacobins l'Incorruptible dénonce, à nouveau, les deux factions qui, selon son expression, « s'entendent comme des brigands dans une forêt. »  (17)

 

« Il est inutile de lire le cinquième numéro du « Vieux Cordelier », l’opinion doit être déjà fixée sur Camille. Vous voyez dans ses ouvrages les principes les plus révolutionnaires à côté des maximes du plus pernicieux modérantisme. Ici il rehausse le courage du patriotisme, là il alimente l’espoir de l’aristocratie. Desmoulins tient tantôt un langage qu’on applaudirait à la tribune des Jacobins; une phrase commence par une hérésie politique; à l’aide de sa massue redoutable, il porte le coup le plus terrible à nos ennemis; à l’aide du sarcasme le plus piquant, il déchire les meilleurs patriotes. Desmoulins est un composé bizarre de vérités et de mensonges, de politique et d’absurdités, de vues saines et de projets chimériques et particuliers. »

« D’après tout cela, que les Jacobins chassent ou conservent Desmoulins, peu importe, ce n’est qu’un individu: mais ce qui importe d’avantage, c’est que la liberté triomphe et que la vérité soit reconnue. Dans toute cette discussion, il a beaucoup été question d’individus, et pas assez de la chose publique. Je n’épouse ici la querelle de personne; Camille et Hébert ont également des torts à mes yeux. Hébert s’occupe trop de lui-même, il veut que tout le monde ait les yeux sur lui, il ne pense pas assez à l’intérêt national. »

« Ce n’est donc pas Camille Desmoulins qu’il importe de discuter, mais la chose publique, la Convention elle-même, qui est en butte aux intrigues du parti de l’étranger, qui cause tous les maux dont nous sommes victimes, qui dicte la plus grande partie des erreurs, des exagérations dont nous sommes environnés ».

 « Ce sont ces petits ambitieux, qui, pour avoir occupé une place dans l’ancien régime, se croient faits pour régler les destinées d’un poussant empire; ce sont eux qu’il faut surveiller, puisque leurs passions nous sont devenues si funestes. »

 

« Citoyens, vous seriez bien aveugles si, dans tout ce conflit, et les opinions qui se heurtent avec tant de violence, vous ne voyiez que la querelle de quelques particuliers et des haines privés. L’œil observateur d’un patriote éclairé soulève cette enveloppe légère, écarte tous les moyens, et considère la chose sous son véritable point de vue. Il existe une nouvelle faction qui s’est ralliée sous les bannières déchirées du brissotisme. Quelques meneurs adroits font mouvoir la machine, et se tiennent cachés dans les coulisses. Au fond, c’est la même faction que celle de la Gironde, seulement les rôles sont changés, mais ce sont toujours les mêmes acteurs avec un masque différent. La même scène, la même action théâtrale subsistent toujours. Pitt et Cobourg, désolés de voir les trônes s’écrouler, et la cause de la raison triompher, n’ont plus d’autres moyens que de dissoudre la Convention nationale. Aussi tous les efforts des factieux sont-ils dirigés vers ce seul et unique but. Mais deux espèces de factions sont dirigées par le parti étranger. »

 

« Voici comment ils raisonnent. Tous moyens sont bons, pourvu que nous parvenions à nos fins; ainsi, pour mieux tromper le public et la surveillance du patriotisme, ils s’entendent comme des brigands dans une forêt. Ceux qui sont d’un génie ardent et d’un caractère exagéré proposent des mesures ultra-révolutionnaires; ceux qui sont d’un esprit plus doux et plus modéré, proposent des moyens citra-révolutionnaires. Ils se combattent entre eux; mais que l’un ou l’autre parti soit victorieux, peut leur importe; comme l’un ou l’autre système doit également perdre la république, ils obtiennent un résultat également certain, la dissolution de la Convention nationale. »

 

« On n’ose pas encore heurter de front le pouvoir des représentants du peuple réunis; mais on fait de fausses attaques; on tâte, pour ainsi dire, son ennemi. On a une certaine phalange de contre-révolutionnaires masqués, qui viennent, à certains temps, exiger de la Convention au delà de ce que le salut public commande. On a des hypocrites et de scélérats à gages; on propose aujourd’hui un décret impolitique, et le soir même, dans certains cafés, dans certains groupes, on crie contre la Convention, on veut établir un nouveau parti girondin: on dit que la Montagne ne vaut pas mieux que le Marais. On ne dira pas au peuple : Portons-nous contre la Convention; mais, portons-nous contre la faction qui est dans la Convention, sur les fripons qui s’y sont introduits. »

 

« Les étrangers seront de cet avis; les patriotes seront égorgés, et l’autorité restera aux fripons. Les deux partis ont un certain nombre de meneurs, et, sous leurs bannières, se rangent des citoyens de bonne foi, suivant la diversité de leur caractère. Un meneur étranger, qui se dit raisonnable, s’entretient avec des patriotes de la Montagne, et leur dit: Vous voyez que l’on enferme des patriotes (or c’est lui qui a contribué à les faire arrêter); vous voyez bien que la Convention va trop loin, et qu’au lieu de déployer l’énergie nationale contre les tyrans, elle la détourne sur les prêtres et sur les dévots. Et ce même étranger est un de ceux qui ont tourné contre les dévots la foudre destinée aux tyrans. »

 

« On sait que les représentants du peuple ont trouvé dans les départements des envoyés du comité de salut public, du conseil exécutif, et que ces mêmes envoyés ont semblé, par leur imprudence, manquer de respect au caractère de représentant. L’étranger ou le factieux dit aux patriotes: Vous voyez bien que la représentation nationale est méprisée; vous voyez que les envoyés du pouvoir exécutif (car on n’a pas osé encore mettre le comité de salut public en scène), vous voyez que les envoyés du conseil exécutif sont les ennemis de la représentation: donc le conseil exécutif est le foyer de la contre-révolution, donc tel secrétaire de Bouchotte est le chef du parti contre-révolutionnaire. »

« Vous voyez que le foyer de la contre-révolution est dans les bureaux de la guerre; il est nécessaire de l’assiéger. (On n’ose pas dire: Allez assiéger le comité de salut public.) »

« Je sens que ces vérités sont dures. Il est certaines gens qui ne s’attendaient pas si tôt à les entendre, mais la conjuration est mûre, et je crois qu’il est temps de prononcer. Vous apercevez d’un seul coup d’œil tout le système de conspiration qui se développe; vous distinguez les étrangers cherchant, par le moyen de certains fripons, à ressusciter le girondinisme. Peu leur importe que ce soit Brissot ou un autre qui en soit le chef. Les fautes apparentes des patriotes sont converties en torts réels; les torts réels sont transformés en un système de contre-révolution. Les fripons cherchent à faire croire que la liberté n’a plus d’autres ennemis que ceux que les agents étrangers ont désignés comme tels, afin de trouver un moyen de s’en défaire. On se permet de proposer à la Convention des mesures qui tendent à étouffer l’énergie nationale; et, d’un autre côté, on excite des inquiétudes, on dit que la Convention n’est pas à sa véritable hauteur. Il en est qui vont jusqu’à dire confidentiellement qu’il faut la changer. Dans le même moment, on fait à la Convention des propositions modérées, auxquelles les patriotes ne peuvent répondre, à cause des occupations qui les obligent de s’absenter; alors on fait colporter dans les groupes des motions dangereuses et des calomnies.

 

« Je vous l’ai déjà dit, les moyens ne sont que changés, afin qu’il soit plus difficile de les reconnaître. C’est une trentaine de scélérats qui ont corrompu le côté droit, en s’emparant dans les départements de l’opinion de ceux que le peuple appelait à la Convention: on avait eu soin de leur représenter Paris comme un fantôme épouvantable; chaque jour on augmentait leur terreur par des motions exagérées, que des gens affidés proposaient dans les sections, et par des affiches rédigées par des libellistes contre- révolutionnaires ».

« On était enfin parvenu à persuader à une foule d’hommes faibles que leurs ennemis étaient dans la Commune de Paris, dans le corps électoral, dans les sections, en un mot, dans tous les républicains de Paris: voilà le système qui est encore suivi actuellement. » (18)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (41/50)

 

Fabre d’Eglantine

 

 

Fabre-d’Eglantine se lève et descend de sa place. Robespierre invite la société à prier Fabre de rester à la séance. Fabre monte à la tribune et veut parler.

 

ROBESPIERRE : « Si Fabre-d’Eglantine a son thème tout prêt, le mien n’est pas encore fini. Je le prie d’attendre. »

« Il y a deux complots, dont l’un a pour objet d’effrayer la Convention, et l’autre d’inquiéter le peuple. Les conspirateurs qui sont attachés à ces trames odieuses semblent se combattre mutuellement, et cependant ils concourent à défendre la cause des tyrans. C’est la seule source de nos malheurs passés: ce serait celle de nos malheurs à venir, si le peuple entier ne se ralliait autour de la Convention, et n’imposait silence aux intrigants de toute espèce. »

« Si les tyrans paraissent si opiniâtres à la dissolution de la Convention actuelle, c’est parce qu’ils savent parfaitement qu’ils seraient alors les maîtres de créer une Convention scélérate et traîtresse, qui leur vendrait le bonheur et la liberté du peuple. A cet effet, ils croient que le plus sûr moyen de réussir est de détacher peu à peu beaucoup de patriotes de la Montagne, de tromper et d’égarer le peuple par la bouche des imposteurs. Notre devoir, amis de la vérité, est de faire voir au peuple le jeu de toutes les intrigues, et de lui montrer au doigt les fourbes qui veulent l’égarer. »

 

« Je finis en rappelant aux membres de la Convention ici présents, et au peuple français, les conjurations que je viens de dénoncer. Je déclare aux vrais Montagnards que la victoire est dans leurs mains, qu’il n’y a plus que quelques serpents à écraser. »

 

« Ne nous occupons d’aucun individu, mais seulement de la patrie. J’invite la société à ne s’attacher qu’à la conjuration, sans discuter plus longtemps les numéros de Camille Desmoulins, et je demande que cet homme, qu’on ne voit jamais qu’une lorgnette à la main, et qui sait si bien exposer des intrigues au théâtre, veuille bien s’expliquer ici; nous verrons comment il sortira de celle-ci. Quand je l’ai vu descendre de sa place, je ne savais s’il prenait le chemin de la porte ou de la tribune, et c’est pour s’expliquer que je l’ai prié de rester. » (18)

 

    Fabre d’Eglantine est, depuis quatre jours, convaincu d'avoir falsifié le décret sur la Compagnie des Indes. Il sera arrêté dans la nuit du 12 au 13 Janvier. L'intervention, plutôt timide, de Danton* en faveur de son ami ne parviendra pas à le sauver.

 

    L'offensive des Indulgents semble promise à l'échec alors même que les Exagérés continuent à faire pression pour obtenir d'abord la libération de Vincent et Ronsin, mais aussi une intensification de la terreur. La campagne est orchestrée par les Cordeliers, et bien appuyée par Hébert* dans son "Père Duchesne". Mais le 2 Février (14 Pluviôse an II), alors que l'on demande à nouveau la libération des prisonniers et que les dantonistes, comme d’habitude s'y opposent, c'est Danton* lui-même qui prend ses amis à contre pied. Il demande que soient libérés ceux qu'ils qualifient de « vétérans révolutionnaires » même s'ils ont parfois montré, à tort, un caractère « violent et impétueux ».

 

    Entre modérantisme et exagération, la voie est difficile à trouver pour le Comité de Salut Public. Robespierre va cependant être obligé de trancher, car il n'a plus ni le temps ni les moyens de concilier des points de vue aussi éloignés l'un de l'autre. Entre ces deux extrêmes il est convaincu, à la lumière des événements récents, qu'il n'y a qu'un recours : la Vertu sinon la Terreur. C'est ce qu'il expose le 5 Février (17 Pluviôse an II) dans un nouveau rapport « Sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention dans l'administration intérieure de la République ». Ce discours est d'une importance capitale car Robespierre y définit sa théorie de gouvernement, celle que le Comité, sous son impulsion, va mettre en œuvre. On retrouve, bien sûr, dans cette "théorie", de nombreuses idées empruntées à Montesquieu et à Rousseau.

 

«  ... Quel est le but où nous tendons ? La jouissance paisible de la liberté et de l'égalité; le règne de cette justice éternelle, dont les lois ont été gravées, non sur le marbre de la pierre, mais dans les cœurs de tous les hommes, même dans le cœur de l'esclave qui les oublie, ou du tyran qui les nie. »  (19)

 

    Robespierre entend montrer au monde entier que la France marche vers une conception d'état honnête et non pas vers le désordre et l'anarchie, comme le prétendent les ennemis de la Révolution, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières.

    Cela suppose, dans son esprit, une transformation intégrale de la nature humaine, sans doute utopique pour certains, mais à laquelle il croit fermement quand il annonce :

 

«  Nous voulons un ordre des choses où toutes les passions basses et cruelles soient inconnues, toutes les passions bienfaisantes et généreuses éveillées par les lois, où l'ambition soit le désir de mériter la gloire et de servir la Patrie, où les distinctions ne naissent que de l'égalité même, où le citoyen soit soumis au magistrat, le magistrat au peuple, et le peuple à la justice; où la Patrie assure le bien-être de chaque individu, et où chaque individu jouisse avec orgueil de la prospérité et de la gloire de la Patrie, où toutes les âmes s'agrandissent par la communication continuelle des sentiments républicains et par le besoin de mériter l'estime d'un grand peuple; où les arts soient les décorations de la liberté qui les ennoblit; le commerce, la source de la richesse publique et non pas seulement l'opulence monstrueuse de quelques maisons. »

« Nous voulons substituer dans notre pays, la morale à l'égoïsme, la probité à l'honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l'empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l'insolence, la grandeur d'âme à la vanité, l'amour de la gloire à l'amour de l'argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l'intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l'éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l'homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple frivole, aimable et misérable. C'est à dire toutes les vertus et les miracles de la République à tous les vices et tous les ridicules de la monarchie. »

«  Que la France jadis illustre parmi les esclaves, éclipsant la gloire de tous les peuples libres qui ont existé, devienne le modèle des Nations, l'effroi des oppresseurs, la consolation des opprimés, l'ornement de l'Univers! Et qu'en scellant notre ouvrage de notre sang, nous puissions voir au moins briller l'aurore de la félicité universelle!... Voilà notre ambition! Voilà notre but. »

«  Quelle nature de gouvernement peut réaliser ces prodiges ? Le seul gouvernement démocratique ou républicain; car ces deux mots sont synonymes malgré les abus du langage vulgaire (...) »

«  La démocratie est un Etat où le Peuple souverain, guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu'il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu'il ne peut pas faire lui-même. C'est donc dans les principes de gouvernement démocratique que vous devez chercher les règles de votre conduite politique (...) »

«  Or, quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique et populaire, c'est à dire le ressort essentiel qui le soutient et qui le fait mouvoir ? C'est la vertu : je parle de la vertu publique qui opéra tant de prodiges dans la Grèce et dans Rome

«  .. Il est dès ce moment de grandes conséquences à tirer des principes que nous venons d'exposer; puisque l'âme de la République est la vertu, l'égalité, et que votre but est de fonder, de consolider la République, il s'ensuit que la première règle de votre conduite politique doit être de rapporter toutes vos opérations au maintien de l'égalité et au développement de la vertu; car le premier soin du législateur doit être de fortifier le principe du gouvernement.

«  Tout ce qui tend à purifier les mœurs, à exciter l'amour de la Patrie, à élever les âmes, à diriger les passions du cœur humain vers l'intérêt public, doit être adopté ou établi par vous; tout ce qui tend à les concentrer dans l'abjection du moi personnel, à réveiller l'engouement pour les petites choses et le mépris des grandes, doit être rejeté ou réprimé par vous.

«  Dans le système de la Révolution française, ce qui est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. La faiblesse, les vices, les préjugés, sont les chemins de la royauté (..) »  (19)

 

    Mais Robespierre sait bien que sa théorie et tous ces beaux principes ne valent que si la Révolution est en passe d'aboutir, que si la guerre n'est plus à nos frontières, que si la contre-révolution est définitivement étouffée. Ce n'est pas, loin s'en faut, la situation actuelle de la France.

 

« Cette grande pureté des bases de la Révolution française, la sublimité même de son objet, est précisément ce qui fait notre force et notre faiblesse; notre force, parce qu'elle nous donne l'ascendant de la Vérité sur l'imposture, et les droits de l'intérêt public sur les intérêts privés; notre faiblesse, parce qu'elle rallie contre nous tous les hommes vicieux, tous ceux qui dans leur cœur méditaient de dépouiller le Peuple, et tous ceux qui veulent l'avoir dépouillé impunément, et ceux qui ont embrassé la Révolution comme un métier (20) et la République comme une proie (...) »

«  Au-dehors, tous les tyrans nous cernent; au-dedans, tous les amis de la tyrannie conspirent; ils conspireront jusqu'à ce que l'espérance ait été ravie au crime. Il faut étouffer les ennemis extérieurs et intérieurs de la république, ou périr avec elle. Or, dans cette situation, la première maxime de vertu politique doit être qu'on conduit le Peuple par la raison et les ennemis du peuple par la terreur. » (21)

 

    Si certains ont pensé qu'il était temps de mettre fin à la terreur, Robespierre leur démontre le contraire. Il lance même un avertissement clair à ceux qui actuellement prêchent le modérantisme : le temps de la clémence n'est pas encore venu !...

 

«  Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire dans la Révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu sans laquelle la terreur est funeste; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible; elle est donc une émanation de la vertu; et elle est moins un principe particulier qu'une conséquence du principe général de la démocratie appliqué au plus pressant des besoins de la Patrie (...)

«  Le gouvernement de la Révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. La force n'est-elle pas faite pour protéger le crime, et n'est-ce pas pour frapper les têtes orgueilleuses que la foudre est destinée ?

«  La nature impose à tout être physique et moral la loi de pourvoir à sa conservation : le crime égorge l'innocence pour régner, et l'innocence se débat de toutes ses forces dans les mains du crime. Que la tyrannie règne un seul jour; le lendemain, il ne restera plus un patriote. Jusqu'à quand la fureur des despotes sera-t-elle appelée justice, et la justice du peuple barbarie ou rébellion ? Comme on est tendre pour les oppresseurs, et inexorables pour les opprimés !..

«  Indulgence pour les royalistes, s'écrient certaines gens, grâce pour les scélérats! Non, grâce pour l'innocence, grâce pour les malheureux, grâce pour l'humanité ! (..)

«  Tous les élans de la fausse sensibilité ne me paraissent que des soupirs échappés vers l'Angleterre et vers l'Autriche. Eh ! pour qui donc s'attendriraient-ils ? Serait-ce pour deux cent mille héros, l'élite de la nation, moissonnés par le fer des ennemis de la liberté ou par les poignards des assassins royaux ou fédéralistes ? Non, ce n'étaient que des plébéiens, des patriotes. Pour avoir droit à leur tendre intérêt, il faut être au moins la veuve d'un général qui a trahi vingt fois la patrie; pour obtenir leur indulgence, il faut presque prouver qu'on a fait immoler dix mille Français, comme un général romain, pour obtenir le triomphe, devait avoir tué, je crois, dix mille ennemis.

«  Les ennemis intérieurs du Peuple français se sont divisés en deux sections, comme en deux corps d'armée. Elles marchent sous des bannières de différentes couleurs mais elles marchent au même but (...)

«  On a donné aux uns le nom de modérés; il y a plus de justesse dans la dénomination d'ultra-révolutionnaires, par laquelle on a désigné les autres. » (21)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (41/50)

 

ROBESPIERRE au Comité de Salut Public

 

 

    Vient alors dans le discours de l’Incorruptible un avertissement à Danton* et à ses amis qui militent depuis quelque temps pour l'arrêt de la terreur. Avertissement également adressé aux amis d'Hébert, les ultra-révolutionnaires. Ni Danton*, ni Hébert ne comprendront la mise en garde solennelle de Robespierre ce jour là. Ou plutôt chacun d'entre eux va considérer que l'avertissement vaut pour l'autre !...

 

« Le faux révolutionnaire est peut-être plus souvent en deçà qu'au-delà de la révolution. Il est modéré, il est fou de patriotisme, selon les circonstances (...) Il s'oppose aux mesures énergiques, et les exagère quand il n'a pu les empêcher. Sévère pour l'innocence, mais indulgent pour le crime; accusant même les coupables qui ne sont point assez riches pour acheter son silence, ni assez important pour mériter son zèle; mais se gardant bien de jamais se compromettre au point de défendre la vertu calomniée; découvrant quelquefois des complots découverts; arrachant le masque à des traîtres démasqués et même décapités; mais prônant les traîtres vivants et encore accrédités; toujours empressé à caresser l'opinion du moment, et non moins attentif à ne jamais l'éclairer et surtout à ne jamais la heurter; toujours prêt à adopter les mesures hardies, pourvu qu'elles aient beaucoup d'inconvénients; calomniant celles qui ne présentent que des avantages, ou bien ajoutant tous les amendements qui peuvent les rendre nuisibles; disant la vérité avec économie, et tout autant qu'il faut, pour acquérir le droit de mentir impunément; distillant le bien goutte à goutte, et versant le mal par torrents; plein de feu pour les grandes résolutions qui ne signifient rien, plus qu'indifférent pour celles qui peuvent honorer la cause du Peuple et sauver la Patrie (...)

«  Faut-il agir ? Ils pérorent. Faut-il délibérer ? Ils veulent commencer par agir. Les temps sont-ils paisibles ? ils s'opposent à tout changement utile. Sont-ils orageux ? Ils parlent de tout réformer  pour bouleverser tout. Voulez-vous contenir les séditieux ? Ils vous rappellent la clémence de César. Voulez-vous arracher les patriotes à la persécution ? Ils vous proposent pour modèle la sévérité de Brutus. Ils découvrent qu'un tel a été noble lorsqu'il sert la république, ils ne s'en souviennent plus dès qu'il la trahit. La paix est-elle utile ? Ils vous étalent les palmes de la victoire. La guerre est-elle nécessaire ? Ils vous vantent les douceurs de la paix. Faut-il reprendre nos forteresses ? Ils veulent prendre d'assaut les églises et escalader le ciel; ils oublient les Autrichiens pour faire la guerre aux dévotes .... »  (21)

 

  

 

 

 

 

 

(1)   BASIRE (Claude) : Né le 21 Octobre 1761. Elu de la Côte d'Or à l'Assemblée Législative, il siège à l'extrême gauche et fréquente le Club des Jacobins. Artisan de l'insurrection du 10 Août, ennemi des Girondins, il s'orientera pourtant vers le modérantisme et son amitié avec Chabot lui vaudra d'être arrêté le 17 Novembre 1793 et guillotiné avec Danton* le 5 Avril 1794.

 

(2)   FABRE d'EGLANTINE (Philippe François NAZAIRE FABRE, dit) : Né à Carcassonne le 21 Juillet 1750. Poète et comédien, à la fois vaniteux, instable et paresseux, il parcourt la France dans une troupe avant de s'établir à Paris en 1787. La Révolution est pour lui une bonne occasion d'assouvir ses ambitions. Membre du Club des Jacobins, il se lie avec Danton* et Marat*. Danton*, ministre de la Justice, l'engage comme secrétaire avec Camille Desmoulins* et ses appels au meurtre pendant cette période en feront un des responsables des massacres de Septembre 1792. Elu par Paris à la Convention, il trempe dans de nombreuses affaires louches. L'affaire de la Compagnie des Indes achèvera de la compromettre. Robespierre* se servira de Fabre d'Eglantine pour éliminer Danton*.

On doit à Fabre le calendrier révolutionnaire. Après avoir été exclu des Jacobins, il est guillotiné avec les dantonistes le 5 Avril 1794.

 

(3)   cité par Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 342

 

(4) cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. pages 402-403

 

(5)   Message de Saint-Just* à Robespierre du 14 Décembre 1793 (24 Frimaire an II) cité par B. VINOT

       "Saint-Just" , Fayard, Paris, 1985,  page 235

 

(6)  VINCENT  (Frédéric Nicolas) : Clerc de Procureur à la veille de la Révolution, il devient l'un des principaux orateurs des Cordeliers. En 1792, il sera nommé chef de bureau au Ministère de la Guerre, puis Secrétaire de ce même Ministère en 1793. Hébertiste, il sera traduit, en même temps qu'Hébert au Tribunal révolutionnaire et guillotiné le 24 Mars 1794.

 

(7)   RONSIN (Charles Philippe) : Capitaine de la garde nationale en 1789, il devient adjoint au ministre de la guerre le 23 Avril 1793. Promu général de brigade, il bat à Doué La Rochejacquelin. Général de division en Octobre 1793, Chef de l'armée révolutionnaire de Vendée, il est l'un des plus ardents des hébertistes.

Décrété d'arrestation par la Convention le 17 Décembre 1793, il sera libéré le 2 Février 1794. Arrêté à nouveau avec Hébert* et ses amis, il sera guillotiné le 24 Mars 1794.

 

(8)  Albert MATHIEZ  "La Révolution française"  op. cit.  page 498

 

(9)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 429

 

(10) Cité par Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 344

 

(11)  cité par Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 344

 

(12)  cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. page 415

 

(13)  cité par Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 344

 

(14)  cité par Pierre LABRACHERIE  "Camille Desmoulins"

        Hachette, Paris, 1948, page 208

        et André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. pages 427-428

 

(15)  cité par Pierre LABRACHERIE  "Camille Desmoulins"  op. cit. page 208

 

(16)  cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 431

 

(17)   cité par Albert SOBOUL  "La Révolution française"  op. cit. page 344

 

(18)  Discours prononcé par Maximilien Robespierre au Club des Jacobins le 7 janvier 1794 (18 Nivôse an II)

 

(19)   cité par Roger GARAUDY  "Les Orateurs de la Révolution française"

          Larousse, Paris, 1989, pages 120 à 129

 

(20)  Allusion à Danton*.

 

(21)   cité par Roger GARAUDY  "Les Orateurs de la Révolution française" op. cit. pages 120 à 129

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (42/50)

 

LA LUTTE DES FACTIONS : FEVRIER - AVRIL 1794

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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