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19 février 2018 1 19 /02 /février /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (18/50)

 

Jean-Paul MARAT

 

 

 

 

 

    LA LIBERTE,  TOUJOURS ET ENCORE... : MAI 1791

  

 

 

 

    La liberté, encore une fois, est à l'ordre du jour des débats de l'Assemblée en ce début du mois de Mai. La proposition qui vient d'être faite est, à première vue, insignifiante pour la grande majorité des députés puisqu'il s'agit du droit de pétition. La bourgeoisie, et la plupart des députés qui représentent plutôt cette classe là, avait bien senti qu'il fallait légiférer dans ce domaine afin d'éviter, à l'avenir, les mouvements désordonnés des ouvriers. Tout naturellement, et bien que le débat n'ait pas vraiment passionné jusqu'à présent, on en était arrivé à définir un droit de pétition pour les citoyens « actifs ». Pétion lui-même semble plutôt d'accord avec le projet quand il déclare à la tribune, le 9 Mai : « Je suppose, par exemple, que vous établissiez un impôt sur les manufactures qui occasionne une diminution des salaires des ouvriers. Pourquoi ne voudriez-vous pas que ces ouvriers vous présentassent des pétitions ? Voulez-vous les exposer à employer la violence ? »  (1)

 

   Et c'est bien là l'opinion qui prévaut parmi les députés : plutôt les pétitions que la violence. Mais Robespierre voit, lui, le problème sous un angle un peu différent : les pétitions, oui évidemment, mais pour tous les citoyens sans distinction :

 

« Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés ; les despotes les plus absolus n’ont jamais osé contester formellement ce droit à ce qu’ils appelaient leurs sujets. Plusieurs se sont fait une gloire d’être accessibles et de rendre justice à tous. C’est ainsi que Frédéric II écoutait les plaintes de tous les citoyens. Et vous, législateurs d’un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français vous adressent des observations, des demandes, des prières, comme vous voudrez les appeler ! » 

« Non, ce n’est point pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c’est pour défendre les droits des citoyens ; et si quelqu’un voulait m’accuser, je voudrais qu’il mît toutes ses actions en parallèles avec les miennes, et je ne craindrais pas le parallèle. Je défends les droits les plus sacrés de mes commettants ; car mes commettants sont tous Français, et je ne ferai sous ce rapport aucune distinction entre eux : je défendrai surtout les plus pauvres. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition ; et c’est parce qu’il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez ! Dieu accueille les demandes non-seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n’y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n’étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples. Je crois donc qu’à titre de législateurs et de représentants de la nation, vous êtes incompétents pour ôter à une partie des citoyens les droits imprescriptibles qu’ils tiennent de la nature. »

 

« Je passe au titre II, à celui qui met des entraves de toutes espèces à l’exercice du droit de pétition. Tout être collectif ou non qui peut former un vœu, a le droit de l’exprimer ; c’est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible. Il suffit qu’une société ait une existence légitime pour qu’elle ait le droit de pétition ; car si elle a le droit d’exister reconnu par la loi, elle a le droit d’agir comme une collection d’êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leurs vœux. » (2)

 

    Et Robespierre ne s'arrête pas là. A ce droit de pétition individuel, qu'il revendique pour tous les citoyens, il veut aussi associer le droit de se rassembler pour faire ces pétitions :

 

« L’on voit toutes les sociétés des Amis de la constitution (3) vous présenter des adresses propres à éclairer votre sagesse, vous exposer des faits de la plus grande importance ; et c’est dans ce moment qu’on veut paralyser ces sociétés, leur ôter le droit d’éclairer les législateurs ! Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de miner la liberté ; je demande si ce n’est pas chercher à troubler l’ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté »

« Je réclame l’ajournement de cette question jusqu’après l’impression du rapport. » (2)

 

    Le raisonnement semble d'une justesse incontestable. Robespierre reprendra le lendemain son argumentation pour apporter encore des éléments nouveaux; et pourtant, il ne parviendra pas à enlever le doute dans l'esprit des députés. La majorité d'entre eux continue à avoir peur des manifestations populaires : la loi "Le Chapelier" interdisant aux citoyens passifs et aux sociétés populaires le droit de pétition sera finalement votée le 22 Mai .

 

    Il est une autre liberté qui, pour Robespierre, a un aspect tout aussi fondamental; mais son point de vue, sur ce chapitre, est quand même beaucoup moins désintéressé. Il s'agit de la liberté de la presse.

    Il observe, avec une certaine inquiétude, l'influence grandissante de la presse, notamment des nombreux titres, quotidiens ou périodiques, animés par les partis de la « réaction » qui détiennent le pouvoir.

    L'opposition qu'il représente a, elle aussi, besoin d'une presse qui lui permettrait de s'exprimer en dehors du  cadre trop restreint de l'Assemblée ou de la Société des Jacobins. Il devient impossible, alors que les journaux d'opinion foisonnent, de se priver d'un moyen d'expression écrit. Encore faut-il que la presse, surtout quand elle est la voix de l'opposition, soit une presse libre.

    C'est sur ce thème que Robespierre va prononcer, devant les Jacobins, un discours capital le 10 Mai 1791. Cette liberté ne doit, à son avis, supporter aucune restriction :

 

« .. Elle doit être entière et indéfinie ou elle n'existe pas. »

« (..) Que tous ces libelles répandus autour de vous par des factions ennemies du peuple ne soient point pour vous une raison de sacrifier aux circonstances du moment les principes éternels sur lesquels doivent reposer la liberté des nations.. Laissez passer ce torrent fangeux, dont il ne restera bientôt plus aucune trace pourvu que vous conserviez cette source immense de lumière, qui doit répandre sur le monde politique et moral la chaleur, la force, le bonheur et la vie (..) Que nous importent ces misérables écrits ? Ou bien la nation française approuvera les efforts que nous avons faits pour assurer la liberté, ou elle les condamnera. Dans le premier cas, les attaques de nos ennemis ne seront que ridicules; dans le second cas, nous aurons à expier le crime d'avoir pensé que les Français étaient dignes d'être libres, et pour mon compte, je me résigne volontiers à cette destinée.. »

«  (...)Il faut laisser aux opinions bonnes ou mauvaises un essor également libre puisque les premières sont, seules, destinées à rester... »  (4)

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (18/50)

 

Jacques-Pierre BRISSOT de WARVILLE

   

 

    Dans l'esprit de Robespierre, comme d'ailleurs dans celui de Marat*, le rôle d'une presse libre est aussi et surtout de dénoncer tous les complots « liberticides » qui se trament ici ou là. Il faut que tout citoyen dispose de :

 

« ... la faculté de s'expliquer et d'écrire sur la conduite des hommes publics, sans être exposé à aucune condamnation légale... »  (5)

 

    Mais, ce même citoyen doit pouvoir s'exprimer librement sans avoir à produire des preuves venant à l'appui de ses écrits !

 

 

    Décidément, les sujets de discorde ne manquent pas aux députés en ce début de mois de Mai !.. A la question de la presse succède un autre sujet tout aussi passionnel : l'affaire des Colonies. Plusieurs fois abordé depuis quelques semaines, c'est un thème d'affrontements privilégié pour au moins deux raisons : d'abord parce qu'il s'agit des droits de l'homme et que Robespierre et ses amis sont intransigeants sur ce sujet; ensuite parce qu'il met en cause des intérêts particuliers, défendus par Barnave et Lameth, et que Robespierre ne veut plus manquer une occasion d'attaquer ces deux hommes.

 

    Le débat reprend donc le 11 Mai : il s'agit de savoir si les hommes de couleur « libres » » vont bénéficier des droits des citoyens actifs, contre l'avis des blancs. Barnave est, à nouveau, l'inspirateur du projet : « si l'on veut encore des colonies, prétend-t-il, il faut faire confiance aux colons et éviter tout bouleversement ». Brissot et Barnave s'affrontent; Robespierre, le lendemain, intervient à l'Assemblée. Il proclame que l'idée qui consiste à prévoir, comme le propose Barnave,  un congrès général des colonies en vue de régler le statut des mulâtres, c'est comme si  « un congrès composé moitié d'ecclésiastiques et moitié de nobles » avait été chargé, en 1788, de statuer sur la double représentation de « ce que l'on appelait le Tiers Etats ».

 

«  Non, conclut-il, lorsqu'on est guidé, je ne dis pas seulement par la justice, mais par la saine politique, on ne déraisonne pas d'une manière contradictoire; lorsqu'on a quelque respect pour le corps législatif, on ne croit pas le séduire par des menaces ou des raisons aussi ridicules... » (6)

 

    Les discussions vont se poursuivre, sur ce ton, à l'Assemblée et aux Jacobins, pendant près de trois jours :

 

« C'est un grand intérêt que la conservation de vos colonies, mais cet intérêt est relatif à votre Constitution; et l'intérêt suprême de la Nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté. Eh ! Périssent vos colonies si vous les conservez à ce prix. Oui, s'il fallait ou perdre vos colonies ou leur sacrifier votre bonheur, votre gloire, votre liberté, je le répète, périssent vos colonies. Si les colons veulent, par les menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leur intérêt, je déclare (...) que nous ne leur sacrifierons ni la Nation, ni les colonies, ni l'humanité entière.. » (6)

 

    A la suite de ce débat, et de l'ascendant que Robespierre a pris sur Barnave et sur les frères Lameth, le pouvoir du député d'Arras aux Jacobins est plus grand qu'il ne l'a jamais été.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton......" op. cit. page 131

 

(2)   Discours de Maximilien Robespierre à l’Assemblée Nationale le 9 mai 1791

 

(3) Il s’agit du Club des Jacobins et des sociétés affiliées.

 

(4)   cité par Gérard  WALTER  "Robespierre" op. cit.  page 159-160

 

(5)   idem page 160

 

(6)   cité par Michel WINOCK  "L'Echec au Roi"  op. cit. page 71

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (19/XX)

 

ROBESPIERRE FAIT VOTER L'ASSEMBLEE CONTRE ELLE-MEME : MAI 1791

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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