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La Fayette prête serment au Roi lors de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790
LES ECHECS ELECTORAUX : MAI - SEPTEMBRE 1790
Depuis son élection au début du mois de janvier, le rôle de Danton au sein de la Commune provisoire n'est pas, on s'en doute, un rôle facile à tenir. Président des Cordeliers, il s'est toujours montré un farouche partisan de l'autonomie des Districts et, par là même, adversaire déterminé des autorités parisiennes. Sa position est donc pour le moins inconfortable !.. On l'a vu faire voter aux Cordeliers de nombreuses motions condamnant l'organisation qui est sur le point de se mettre en place.
A l'Hôtel de Ville, par contre, il tente de se donner l'image d'un modéré. Double langage, certes, mais Danton est très habile et sait composer son personnage !
Car, s'il met en doute l'efficacité de la représentation parisienne, telle qu'elle est en train de s'élaborer, il entend bien avoir une place parmi les élus de la capitale. La tribune des Cordeliers lui parait maintenant bien insuffisante pour combler ses ambitions. Sa voix tonitruante dont il sait qu’elle « fait peur », il aimerait bien la faire entendre dans toute la capitale.
Dans la nouvelle organisation, plutôt complexe, les Assemblées primaires sont chargées d'élire le Maire et les 144 membres du Conseil Général de la Commune qui, lui-même, doit élire les 48 Officiers Municipaux qui formeront le « Corps Municipal ». Le Conseil Général désignera enfin, parmi les 48 Officiers Municipaux, 16 Administrateurs formant le « Bureau Municipal » et 32 autres formant le « Conseil Municipal ».
Il est prévu, en outre, que la Municipalité soit assistée d'un « parquet » composé d'un Procureur-Syndic et de deux Substituts. On aurait pu trouver plus simple !.. Mais ce qui intéresse Danton dans l’immédiat c’est qu’il y a de nombreux postes à pourvoir…. dont plusieurs lui conviendraient très bien !..
Il n'y a donc rien dans cette affaire compliquée qui puisse choquer Danton; il a même bon espoir de se faire élire au Conseil Général ou, pourquoi pas, au poste de Maire puisque sa popularité n’a cessé de grandir à Paris durant ces derniers mois ?
Ce qui va être, pour lui, beaucoup plus difficile à admettre, c'est la constitution des Assemblées primaires : ces Assemblées ne seront plus constituées sur la base des Districts mais des « Sections » au nombre de 48. Chaque section devra désigner trois membres du Conseil Général.
C'est donc la fin du District des Cordeliers au sein duquel Danton avait si bien assis son autorité et où il avait acquis son prestige par des moyens qui, nous l'avons vu, n'ont pas toujours été très clairs pour les observateurs extérieurs !
Et pourtant, le 11 mai 1790, Danton accepte que son « cher District », auquel on a accolé une partie des Districts de l'Abbaye et de Saint-André des Arts, devienne la 41ème section de Paris, dite section du « Théâtre Français ».
La réforme est adoptée par étapes entre le 27 avril et le 27 juin, mais c'est la loi du 21 mai qui consacre la dissolution des 60 Districts parisiens. Et c'est à la fin du mois de mai que Danton prononce son dernier discours devant l'assemblée générale des Cordeliers. Très conscient de son pouvoir, il s'imagine, en ce jour, que les Cordeliers sont devenus les maîtres de la capitale. Il reste même convaincu que l'ascendant qu'il a pris sur le peuple, au sein des Cordeliers, est l'une des raisons principales de la réforme de la Commune. Cette réforme, ce démantèlement des districts parisiens, ont été faits uniquement pour lui porter tort, pour tenter de briser son influence ! On craint beaucoup Danton ! Et rien ne peut lui faire plus plaisir !
Fête de la Fédération au Champs de Mars le 14 juillet 1790
D'ailleurs, en ce début d'été 1790, Danton s'estime particulièrement comblé par la vie : le 18 juin, il conduit sur les fonds baptismaux de l'Eglise Saint-Sulpice son second fils Antoine. Le « Journal du Diable », journal patriote, saluera cette naissance avec le ton qu'il se doit :
« Tremblez, tyrans, ministres, un nouveau Danton vient de naître, qui marchera, n'en doutez pas, sur les traces de son père; il porte déjà la marque du salut public. Les premières paroles qu'il balbutiera, a dit le vigoureux Danton, seront "vivre libre ou mourir". Madame Danton, oubliant ses douleurs, son premier soin a été d'attacher la cocarde nationale à son fils qui, je crois, sera mieux élevé que M. le Dauphin.. » (1)
Pendant que Danton est tout à son bonheur familial, les nouvelles sections parisiennes se mettent en place et préparent les élections. Celle du Théâtre Français s'installe le 29 juillet et Danton a, plus que jamais, très bon espoir d'être élu. Il n'a pas cessé pour autant de s'agiter, sans bien se rendre compte que cette attitude le fait passer, aux yeux de bon nombre de parisiens, pour un énergumène.
L'élection du Maire a lieu le 2 Août et voit la victoire de Bailly par 12 550 voix sur un peu plus de 14 000 votants. Premier échec pour Danton mais pas des moindres car il ne recueille, lui, que 49 voix !
Suivent les élections du Procureur-Syndic et de ses deux Substituts qui conduisent le champenois à des échecs tout aussi cuisants, malgré un nombre de suffrages tout de même un peu plus élevé : 129 voix lors de l'élection du Procureur; 193 et 197 voix lors des élections du premier et deuxième substitut.
Il ne lui reste plus qu'à espérer être élu au Conseil Général où trois sièges sont attribués à chaque section. Il y est effectivement élu, sans aucune difficulté, retrouvant, dans cette élection, ses fidèles amis de l'ancien District des Cordeliers, majoritaires au sein de la section du Théâtre Français.
Mais, la loi stipule, par ailleurs, que la liste des 144 membres élus du Conseil Général doit être ratifiée par l'ensemble des 48 Sections. A la mi-septembre, Danton est radié par 42 des 48 Sections parisiennes. C'est pour lui un coup très dur. D'autant plus qu'il est le seul à être ainsi écarté. Il ne va pas longtemps se demander pourquoi une telle humiliation lui a été infligée. Derrière cette décision se cachent ses deux plus fidèles ennemis : Bailly et La Fayette* qui n'ont pas oublié ni les attaques que le Président des Cordeliers n'a cessé de porter contre eux, ni le soutien que celui-ci a accordé à Marat*....
A la fin du mois de Septembre 1790, le fier Danton est retombé dans l'anonymat le plus profond : il n'a plus de mandat, plus de tribune.... Lui qui se voyait déjà Maire de Paris a subi une série d’échecs cuisants..
Mais il sait attendre son heure. Il tente de se rassurer en expliquant que ces élections ne sont pas l'expression de la pensée populaire. Il reconnaît aussi qu'il n'a pas joué, à la Commune provisoire, le rôle qu'il aurait dû y jouer pour recueillir des suffrages. Il sait surtout que La Fayette*, l'orgueilleux commandant de la garde nationale, qui vient de triompher lors de la Fédération nationale du 14 juillet dernier, est devenu l'obstacle principal à sa carrière politique. Il saura s'en souvenir !
Camille Desmoulins*, moins subtil dans ses analyses, constate :
« ...que la capitale est devenue bien aristocratique puisque le plus robuste athlète des patriotes, le seul tribun du peuple qui eût pu se faire entendre dans les Champs de Mars, Danton, avait été proscrit au profit de Bailly, bien plus fait pour un fauteuil d'Académie que pour la chaise curule.. » (2)
(1) cité par Frédéric BLUCHE "Danton" op. cit. Page 95
(2) cité par Louis BARTHOU "Danton" op. cit. Page 41
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (9/52)
LE CHEF REVOLUTIONNAIRE :
SEPTEMBRE - DECEMBRE 1790