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Le dernier banquet des Girondins
QUE VOULAIT DONC DANTON ? : JUIN 1793
Danton avait toutes les raisons de vouloir se venger de ceux qui, pendant des mois, se sont acharnés contre lui à tout propos et parfois avec une extrême violence. Il a, sans aucun doute, approuvé l'insurrection du 31 Mai. Il n'a, en tous cas, rien fait publiquement pour calmer le mouvement. Mais il n'a rien fait non plus pour participer à l'action sauf si, comme certains l'ont prétendu, il est l'auteur de la pétition décisive du 31 Mai ?....
Toujours est-il que, dans les jours qui suivent, ce sont ses propres amis qui lui reprochent sa tiédeur et son absence lors de ces journées révolutionnaires. Reproche mérité car il semble bien que Danton n'ait pas souhaité l'élimination de la Gironde, tout au moins de cette manière là !.. Mais que voulait-il au juste ? On ne peut l'imaginer assez naïf pour croire que les mesures prises à l'encontre des Girondins ne manqueraient pas, tôt ou tard, de les conduire à la guillotine. Alors on s'interroge. Que souhaitait-il exactement ?...
L'attitude de Danton, lors de ces journées du 31 Mai au 2 Juin, est une fois encore bien ambiguë. D'autant plus que, dans les jours qui vont suivre, il ne fera rien non plus pour donner une idée plus claire de sa position, bien au contraire. Le 8 Juin, alors que Robespierre* réclame le bannissement des étrangers, Danton prend leur défense. Deux jours plus tard, alors que le fédéralisme est en train de se transformer en insurrection de la province contre Paris, Danton ne trouve rien de mieux que de prendre la défense des citoyens de Bordeaux !...
Ce n'est que le 13 Juin, lorsque la Convention apprend que la résistance girondine vient de faire arrêter deux commissaires de la Convention dans le Calvados, que Danton se décide enfin à dissiper les malentendus qui commençaient à lui attirer les soupçons de la Montagne et des Jacobins. Il prend, ce jour là, la parole à la tribune non seulement pour faire un vibrant éloge de Paris mais aussi pour clamer que l'insurrection a eu d'heureux résultats, et surtout pour indiquer qu'il y a pris une part active :
« Nous touchons au moment de fonder véritablement la liberté française, en donnant à la France une Constitution républicaine. C'est au moment d'une grande production que les corps politiques comme les corps physiques paraissent toujours menacés d'une destruction prochaine. Nous sommes entourés d'orages, la foudre gronde. Eh bien, c'est du milieu de ses éclats que sortira l'ouvrage qui immortalisera la nation française. »
« Rappelez-vous, citoyens, ce qui s'est passé du temps de la conspiration de La Fayette*. Nous semblions être dans la position dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Rappelez-vous ce qu'était alors Paris; les patriotes étaient opprimés, proscrits partout; nous étions menacés des plus grands malheurs. C'est aujourd'hui la même position; il semble qu'il n'y ait de péril que pour ceux qui ont créé la liberté. La Fayette* et sa faction furent bientôt démasqués : aujourd'hui, les nouveaux ennemis du peuple se sont trahis eux-mêmes, ils ont fui, ils ont changé de nom, de qualité, ils ont pris de faux passeports. »
« Ce Brissot, ce coryphée de la secte impie qui va être étouffée, cet homme qui vantait son courage et son indigence en m'accusant d'être cousu d'or, n'est plus qu'un misérable qui ne peut échapper au glaive des lois, et dont le peuple a déjà fait justice en l'arrêtant comme un conspirateur. On dit que l'insurrection de Paris cause des mouvements dans les départements; je le déclare à la face de l'univers, ces événements feront la gloire de cette superbe cité; je le proclame à la face de la France, sans les canons du 31 Mai, sans l'insurrection, les conspirateurs triomphaient, ils nous donnaient la loi. Que le crime de cette insurrection retombe sur nous; je l'ai appelé, moi, cette insurrection, lorsque j'ai dit que, s'il y avait dans la Convention cent hommes qui me ressemblassent, nous résisterions à l'oppression, nous fonderions la liberté sur des bases inébranlables (1) (...)
« Je demande que vous vous expliquiez loyalement sur l'insurrection qui a eu de si heureux résultats. Le peuple voit que ces hommes qu'on avait accusés de vouloir se gorger du sang du peuple ont plus fait depuis huit jours pour le bonheur du peuple que la Convention, tourmentée par des intrigants, n'en avait pu faire depuis son existence. Voilà le résultat qu'il faut présenter au peuple des départements : il est bon, il applaudira à vos sages mesures. Les hommes criminels qui ont fui ont répandu des terreurs partout sur leur passage; ils ont tout exagéré, tout amplifié; mais le peuple détrompé réagira plus fortement, et se vengera sur ceux qui l'ont trompé (..) »
« Je demande que la Convention déclare que, sans l'insurrection du 31 Mai, il n'y aurait plus de liberté... » (2)
Danton, après huit à dix jours d'une attitude un peu floue, épouse la thèse jacobine des événements des 31 mai-2 juin. Quel soulagement pour ses amis qui commençaient à douter sérieusement de lui !.....
Les sans culottes menacent les députés Girondins à l'Assemblée
(1) Danton rappelle ici les propos qu'il a tenus le 27 Mai dernier.
(2) Hector FLEISCHMANN "Discours civiques de Danton" op. cit. Pages 165 à 169
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (41/52)
POUR L’AMOUR DE LOUISE : JUIN - JUILLET 1793