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Place de la Bastille avant le révolution
L'AVOCAT SANS CAUSE : 1780 - 1785
Danton est un colosse. Il ne se ménage pas surtout lorsqu’il pratique le sport. Tombé malade, probablement à la suite de baignades dans la Seine trop froide, il doit subir une longue convalescence et met à profit cette période d'inactivité forcée pour assouvir son ardeur pour la lecture. Voltaire, Montesquieu, Rousseau, les Encyclopédistes deviennent ainsi ses auteurs préférés. Il se forge, seul, une culture solide ; celle qu’il n’a pas pu acquérir au Collège d’abord parce qu’il n’y est pas resté assez longtemps, ensuite parce qu’il n’y a pas prêté toute l’attention qui aurait été nécessaire.
L'inventaire de sa bibliothèque, effectué lors du décès de son épouse en 1793, montrera son goût pour les anciens : Hérodote, Démosthène, Lucrèce, César, Ovide,.... On découvrira également beaucoup d'ouvrages dans le texte, soit en anglais soit en italien, notamment Shakespeare et Richardson. Et, pour ce qui concerne les Français, on trouve évidemment Voltaire en quatre-vingt-onze volumes, Rousseau en seize volumes mais aussi Rabelais, Montaigne, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Mme de Sévigné, La Bruyère, Bayle, Montesquieu, Buffon, l'abbé Raynal, Helvétius,...(1)
Certains, pendant la période révolutionnaire, railleront cette culture, la jugeant bien modeste par rapport à celles d'hommes comme Marat*, Camille Desmoulins* ou même Robespierre* qui tous ont fréquenté le collège beaucoup plus longtemps et aussi plus assidûment que lui. Danton ne sera jamais, même dans ses discours les plus éloquents, un homme de citations. Son franc-parler, sa fougue, ses emportements masqueront souvent les connaissances qu'il a acquises pendant ces longs jours de solitude.
Remis sur pieds, il décide, comme beaucoup d'autres à l'époque, d'aller passer son diplôme d'avocat à Reims. La faculté de Droit de Paris lui fait peur et la facilité avec laquelle on passe ses examens à l'université de Reims est légendaire. Certains prétendaient même qu'il était possible d'y acheter son diplôme. (2) Il n'en a sûrement pas les moyens; on peut donc penser que son diplôme, à lui, est bien obtenu suivant les règles. Et d’ailleurs il séjourne à Reims d’avril à septembre 1984 où il loge avec un compagnon d’Arcis rue des Anglais.. En 1785, il est reçu avocat stagiaire au parlement. Dès cette date, Danton peut donc ajouter à sa signature la mention : « Licencié en Droit ». Une grande fierté pour le jeune homme qui voit s’ouvrir devant lui la porte de la grande carrière dont il a toujours rêvé..
Il revient alors à Paris et bat la semelle au Palais dans l'espoir de décrocher quelques clients. Il plaide effectivement, mais de petites causes, sans grand éclat, dont la postérité ne retiendra pratiquement rien. Danton vivote, à peu près dans les mêmes conditions que lorsqu’il était clerc chez Me Vinot et encore, c'est en grande partie grâce aux modestes subsides que sa famille lui fait parvenir.
On raconte souvent avec force détails l’une des premières causes plaidées par Maitre Danton : l’affaire du berger contre le seigneur de son village. Le jeune avocat fait triompher la cause du berger devant la justice royale annonçant ainsi, pour certains, l’homme de la Révolution qui n’aura de cesse de plaider pour les plus humbles. C’est oublier un peu vite que Danton, à cette époque, n’a aucunement les moyens de choisir les causes qu’il peut défendre !.. Il prend ce qui vient. Bien content encore d’avoir l’opportunité de plaider…
Madame Roland, qui n'a pas toujours eu pour Danton beaucoup de sympathie, dira de lui quelques années plus tard :
« il était un misérable avocat, chargé de dettes plus que de causes. » (3)
(1) cité par André STIL « Quand Robespierre et Danton.. inventaient la France » Grasset, Paris, 1989, Page 25
(2) Lanthénas et Roland, deux autres personnages importants de la Révolution française, firent de même.
Roland affirmera même, dans ses "Mémoires", qu'il avait été reçu licencié en huit jours
(3) cité par Louis BARTHOU "Danton"
Albin Michel, Paris, 1932, page 21
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (4/52)
AVOCAT AU CONSEIL DU ROI : 1786 - 1787