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Office clandestin célébré par des prêtres "réfractaires" en 1792
LA LIBERTE RELIGIEUSE : NOVEMBRE 1792
Danton ne sera jamais dogmatique. D'abord parce qu'il est impulsif et que son jugement sur un certain nombre de problèmes dépend essentiellement du contexte dans lequel se déroule le débat, mais également de la manière dont il ressent les choses dans l’instant. Cette attitude le conduira à bon nombre de contradictions, mais il ne s'en soucie guère. Il préfère de beaucoup rester lui même en toutes circonstances.
Sa tolérance et son ouverture d'esprit lui vaudront quelques conflits sérieux avec ses amis de la Montagne. Même sur de grands sujets, chaque fois qu'une question se pose, il n'a qu'une seule réponse : la liberté. La question religieuse sera donc un des thèmes d'affrontements avec ses collègues. A la Convention, Danton interviendra à plusieurs reprises dans ce débat et, en particulier le 7 Novembre, lorsqu'il parle en faveur des prêtres :
« Sans doute il est douloureux pour les représentants du peuple de voir que leur caractère est plus indignement, plus insolemment outragé par le peuple lui-même que par ce La Fayette*, complice des attentats du despotisme. On ne peut se dissimuler que les partisans du royalisme, les fanatiques et les scélérats qui, malheureusement pour l'espèce humaine, se trouvent disséminés sur tous les points de la République, ne rendent la liberté déplorable. Il y a eu une violation infâme, il faut la réprimer; il faut sévir contre ceux qui, prétextant la souveraineté nationale, attaquent cette souveraineté et la souillent de tous les crimes. Il y a des individus bien coupables, car qui peut excuser celui qui veut agiter la France ? N'avez-vous pas déclaré que la Constitution serait présentée à l'acceptation du peuple ? Mais il faut se défier d'une idée jetée dans cette Assemblée. On a dit qu'il ne fallait pas que les prêtres fussent salariés par le trésor public. On s'est appuyé sur des idées philosophiques qui nous sont chères; car je ne connais d'autre bien que celui de l'univers, d'autre culte que celui de la justice et de la liberté. »
« Mais l'homme maltraité de la fortune cherche des jouissances éventuelles quand il voit un homme riche se livrer à tous ses goûts, caresser tous ses désirs, tandis que ses besoins à lui sont restreints au plus étroit nécessaire, alors il croit, et cette idée est consolante pour lui, il croit que dans une autre vie ses jouissances se multiplieront en proportion de ses privations dans celle-ci. »
« Quand vous aurez eu pendant quelque temps des officiers de morale qui auront fait pénétrer la lumière auprès des chaumières, alors il sera bon de parler au peuple de morale et de philosophie. Mais jusque là, il est barbare, c'est un crime de lèse-nation que d'enlever au peuple des hommes dans lesquels il peut trouver encore quelques consolations. Je penserais donc qu'il serait utile que la Convention fit une adresse pour persuader au peuple qu'elle ne veut rien détruire, mais tout perfectionner; que si elle poursuit le fanatisme, c'est parce qu'elle veut la liberté des opinions religieuses. »
« Il est encore un objet qui mérite l'attention et qui exige la prompte décision de l'Assemblée. Le jugement du ci-devant roi est attendu avec impatience; d'une part, le républicain est indigné de ce que ce procès semble interminable; de l'autre, le royaliste s'agite en tous sens, et comme il a encore des moyens de finance et qu'il conserve son orgueil accoutumé, vous verrez, au grand scandale et au grand malheur de la France, ces deux partis s'entrechoquer encore. S'il faut des sacrifices d'argent, si les millions mis à la disposition du ministre ne suffisent pas, il faut lui en donner de nouveaux; mais plus vous prendrez de précautions sages, plus aussi doit éclater votre justice contre les agitateurs... » (1)
En cette période, l'opinion de Danton tranche par rapport à celles de bon nombre des membres de la Montagne qui ne voient dans la religion catholique et dans ses prêtres que des survivances de l'ancien régime. Danton prend d'ailleurs soin, en défendant les ministres du culte, de rappeler que le peuple et ses représentants attendent avec impatience que le sort du monarque soit enfin décidé. Une façon de dire qu’il y a d’autres urgences à traiter avant de légiférer sur la question religieuse..
(1) cité par Hector FLEISCHMANN "Discours civiques de Danton"
op. cit. Page 33 à 36
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (28/52)
PREMIERE MISSION EN BELGIQUE : NOVEMBRE 1792 - JANVIER 1793