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Emmanuel Macron attendait le résultat des élections législatives allemandes pour préciser son projet pour l’Europe. Il a dévoilé, dans un discours à la Sorbonne mardi 26 septembre, son projet pour «refonder» l'Europe.
Dès la campagne présidentielle, Emmanuel Macron l'avait annoncé: lui à l'Élysée, il ouvrirait une «nouvelle page» de l'Union européenne. Le chef de l'État a levé le voile sur ses intentions ce mardi 26 septembre après-midi, à la prestigieuse université de la Sorbonne à Paris. Emmanuel Macron y a dévoilé plusieurs «mesures emblématiques» et «concrètes», destinées selon l'Elysée à «lancer le débat» au niveau européen «avant la fin de l'année».
Encore plus de convergences avec l'Allemagne
Le chef de l'État souhaite que la France et l'Allemagne signent un nouveau traité de l'Élysée le 22 janvier prochain pour renforcer la coopération entre les deux pays. Il prône que d'ici 2024, dans un «esprit pionnier», les deux pays aient intégré totalement leurs marchés en appliquant les mêmes règles à leurs entreprises.
Un budget pour une zone euro renforcée
Emmanuel Macron a confirmé sa volonté de voir créé un budget de la zone euro, piloté par un ministre des Finances et contrôlé par un Parlement afin de faire de la zone euro le cœur de la puissance économique de l’Europe dans le monde. Les ressources de ce budget pourraient venir de la taxation du secteur du numérique, de taxes environnementales et, un jour d'un impôt, par exemple l'impôt sur les sociétés une fois l'harmonisation achevée.
Créer un budget devrait permette, en particulier, de financer des investissements communs.
Plus de convergence fiscale et sociale
Le président, qui assume l'idée d'une Europe à deux vitesses, propose de lutter contre le dumping social en Europe en revenant sur la directive «travailleurs détachés».
Par ailleurs, le président propose d'harmoniser l'impôt sur les sociétés: il souhaite que les états membres puissent fixer, d'ici 2020, déterminer une fourchette de taux qui les engageraient et qui conditionnerait l'accès au fonds européen de cohésion. Il s'agit d'éviter que les fonds structurels payés par l'Union ne servent à favoriser le dumping entre pays. Le président veut également dès le mois de novembre prochain une discussion pour déterminer un salaire minimum européen, et des niveaux de cotisations sociales moins disparates.
La généralisation d'Erasmus
Le chef de l'État souhaite que la moitié d'une classe d'âge puisse passer au moins six mois dans un autre pays européen, qu'il s'agisse d'étudiants ou d'apprentis. Il propose d'élargir le système aux lycées en installant «un processus d'harmonisation ou de reconnaissance des diplômes permettant les échanges dans tout le système secondaire européen.» Enfin, il propose la création d'une vingtaine d'universités européennes, qui délivreraient des diplômes à l'échelle de l'Union.
« Chaque étudiant devra parler au moins deux langues européennes en Europe d'ici à 2024 »
Un pas de plus vers l'Europe de la défense
«Je propose à nos partenaires d'accueillir dans nos armées nationales, et j'ouvre cette initiative à l'armée française, des militaires venant de tous les pays européens volontaires pour participer le plus en amont possible à nos travaux de renseignement, de planification et de soutien aux opérations», propose Emmanuel Macron pour construire l'Europe de la défense. «Au début de la prochaine décennie, l'Europe devra être dotée d'une force commune d'intervention, d'un budget de défense commun, et d'une doctrine de défense commune pour agir». Le chef de l'Etat propose également la création d'une «académie européenne du renseignement» et d'un «parquet européen de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme».
Création d’une taxe sur les transactions financières pour l'aide au développement
Pour faire face à la crise des migrants, «principal défi» de l'Europe, Emmanuel Macron préconise de «créer un véritable office européen de l'asile» et une «police des frontières européennes». Il souhaite que les fichiers soient «connectés» entre les services des partenaires européens, afin d'accélérer l'examen des demandes d'asile. Il propose également le «financement d'un large programme de formation pour les réfugiés».
Enfin, Emmanuel Macron souhaite «relancer la taxe sur les transactions financières européennes» pour financer la politique de développement, notamment en direction de l'Afrique.
Une réforme de la PAC
Le chef de l'État souhaite réformer la politique agricole commune pour «assurer la souveraineté alimentaire de l'Europe». La nouvelle PAC devra «nous protéger face aux grands marchés mondiaux, laisser plus de flexibilité aux pays, mettre moins de bureaucratie». Il souhaite également mettre en place une «force européenne de contrôle» pour garantir la sécurité alimentaire.
Création d’une taxe carbone aux frontières de l'Europe
Le président plaide pour qu'un prix plancher commun soit fixé pour la tonne de carbone: «Suffisamment élevé pour assurer la transition. En dessous de 25 ou 30 euros la tonne, ce n'est pas efficace». Emmanuel Macron souhaite l'amélioration des interconnections entre les pays européens sur les transports et la production d'énergie. Enfin, il appelle de ses vœux la mise en place d'une taxe carbone commune aux frontières de l'Europe, afin de pénaliser les industries étrangères affichant des standards inférieurs.
Une taxation plus équitable des géants du numérique
Emmanuel Macron souhaite une taxation des géants du numérique sur la base du chiffre d'affaires réalisé dans chaque pays, et non plus en fonction des bénéfices perçus dans des Etats à faible fiscalité. Le chef de l'Etat a repris là la proposition défendue depuis plusieurs semaines par la France, qui veut pouvoir taxer plus efficacement les «Gafa» (Google, Apple, Facebook et Amazon). Selon Emmanuel Macron, il s'agit de compenser les «désorganisations» et les «inégalités» induites par l'économie du numérique.
Réforme des élections européennes et moins de commissaires
Afin de relancer l'intérêt et les enjeux des élections européennes de 2019, Emmanuel Macron plaide pour l'introduction de «listes transnationales» pour l'élection des eurodéputés. Ces listes permettraient d'occuper les 73 sièges laissés vacants par les députés britanniques à Bruxelles, et constitueraient une réponse symbolique au Brexit. Emmanuel Macron voudrait voir de telles listes généralisées pour le scrutin suivant, avec une élection sur des listes transnationales pour la moitié du Parlement en 2025. Il prône également la réduction de 30 à 15 le nombre des commissaires européens, et propose que les pays fondateurs renoncent les premiers à leurs commissaires.
Désormais, le plus dur sera de convaincre l’Allemagne
Le projet établi, l'objectif d'Emmanuel Macron est désormais de convaincre ses homologues européens, et en particulier l'Allemagne, de se rallier à ses propositions. La chancelière allemande Angela Merkel a pour l'instant réservé un accueil plutôt timide aux premières idées du président français. «Ce n'est pas le vocabulaire à lui seul -ministre européen des Finances, budget de la zone euro- qui est important mais aussi ce qui se cache derrière. Et sur ce point, je suis en discussion avec le président français», a-t-elle encore souligné lundi 25 septembre dernier tout en précisant sèchement que «le moment n'est pas venu de dire ceci va ou ceci ne va pas.»
En plus de ces premières réticences, Emmanuel Macron devra aussi faire face à la nouvelle donne politique outre-Rhin. Angela Merkel n'a en effet remporté que d'une courte tête les élections sénatoriales dimanche. Pour gouverner, la chancelière se voit donc obligée de composer avec les libéraux du FPD. Pas franchement en phase avec l'idée de renforcer l'Europe, ces derniers pourraient bien venir mettre des bâtons dans les roues à Emmanuel Macron et ses ambitions européennes.
La nouvelle donne allemande contrarie le projet européen de Macron
Un éventuel bras de fer à venir donc auquel semble s'apprêter l'Elysée. «Face au scepticisme, au rejet de l'Europe parfois, nous ne devons pas être timides mais au contraire proposer et agir pour changer en profondeur l'Europe, qui est notre seule chance de peser face aux grands défis - sécurité, terrorisme, migrations, développement, changement climatique, révolution numérique, régulation de la mondialisation», explique-t-on dans l'entourage du président.
Source : LeFigaro.fr 26-09-2017