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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 07:00
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (7)

 

 

 

L'HERITAGE DES VASSAN : 1770

 

 

 

    Après avoir contribué, modestement, et à sa manière, à la pacification de la Corse, Gabriel-Honoré s'embarque, au printemps 1770, pour regagner le continent et plus précisément la Provence. Il a pour projet d'aller saluer son oncle le Bailli avec qui il entretient depuis quelques années des relations que l'on peut qualifier de plutôt bonnes. Encore que, depuis son affaire de désertion à Saintes, le Bailli ait pris quelques distances avec son bouillant neveu. Lorsqu'il avait appris la nouvelle de la désertion du jeune Lieutenant, le Bailli avait même conseillé à son frère d'envoyer Gabriel-Honoré dans une lointaine colonie hollandaise, d'où il ne reviendrait pas de si tôt, et où il ne risquait pas de déshonorer la famille !...

    Le jeune Pierre-Buffière sait donc ce qui l'attend : il va être reçu assez fraîchement, pour le moins. Il est donc bien décidé à faire ce qu'il faut pour s'attirer les bonnes grâces de son oncle. Il sait, depuis les années de pension chez l'abbé Choquard, et il a eu maintes fois l'occasion de le vérifier depuis, notamment dans sa prison de l’Ile de Ré : il possède un talent de séduction incomparable. Il a appris à en user à bon escient, voire même à en abuser quand cela lui parait nécessaire. Et dans le cas présent cela va être fort utile !...

 

   Effectivement, dès les premiers jours, l'oncle est totalement conquis. Il écrit d'ailleurs aussitôt à l'Ami des Hommes une lettre dans laquelle il ne tarit pas d'éloges à propos de son neveu :

 

«  S'il n'est pas pire que Néron, il sera meilleur que Marc-Aurèle, car je ne crois pas avoir jamais trouvé tant d'esprit. Ma pauvre tête en était absorbée (..) Ou c'est le plus adroit et habile persifleur de l'univers, ou ce sera le plus grand sujet de l'Europe pour être pape, ministre, général de terre ou de mer, chancelier et peut-être agriculteur. Tu étais quelqu'un à vingt-deux ans, mais pas la moitié... » (1)

 

    On imagine aisément, en lisant ces lignes, que Gabriel-Honoré a joué à son oncle vraiment le grand jeu. On imagine tout aussi aisément dans quel état de fureur la lecture de ce courrier a pu mettre l'Ami des Hommes. Il ne décolère pas; autant contre la naïveté de son frère cadet que contre la fausseté de son diable de fils qui sait si bien manœuvrer ceux qui le connaissent mal !...

 

   Malgré les critiques de son frère, le Bailli est enchanté d'avoir retrouvé un neveu pour qui il a toujours eu un a priori assez favorable. Il s'empresse de conduire le jeune homme au château de Mirabeau. Avec fierté et enthousiasme, Gabriel-Honoré parcourt ses terres de long en large, se montre aux paysans du voisinage, discute avec eux. Il en profite même pour faire la conquête de la propriétaire d'un château voisin, la marquise de Limaye-Coriolis. Affublée d'un mari impuissant, la belle et fougueuse marquise est rapidement séduite, elle aussi, par la vigueur de Gabriel-Honoré. C'est l'été et l'on voit bientôt les deux amants parcourir, côte à côte, la campagne à cheval. Gabriel-Honoré nage en pleine insouciance lorsque, un beau matin, le 25 Août 1770, il reçoit un message de son père. Il s'agit plutôt d'un appel lancé par l'Ami des Hommes à son fils. Un appel qui n'est pas du tout désintéressé, ce que Gabriel-Honoré va comprendre tout de suite : Madame de Vassan, la belle mère du marquis Victor de Mirabeau, l'Ami des Hommes, est mourante. La fortune que le marquis convoite depuis plus de vingt-cinq ans est donc enfin à sa portée. Encore faut-il qu'il mette tout en œuvre pour que, cette fois-ci, elle ne lui échappe pas. En l'occurrence, il compte beaucoup sur les talents de persuasion de Gabriel-Honoré pour convaincre sa grand-mère, pendant qu'il en est encore temps, de ne pas oublier madame de Mirabeau dans son testament.

    Gabriel-Honoré se sent plutôt flatté que son père ait fait appel à lui pour une mission aussi délicate. C'est bien la première fois qu'on lui accorde un tant soit peu de confiance ! Il quitte donc précipitamment le domaine pour se rendre au chevet de sa grand-mère. Là, sûr de son talent, il la flatte autant qu'il le peut, fait de son mieux pour s’attirer ses bonnes grâces, mais ne parvient pas à ses fins. Madame de Vassan a rédigé son testament depuis bien longtemps et ce n'est pas l'intervention de ce petit fils, qu'elle n'a pas vu depuis des années, qui va lui faire changer d'avis. Elle rend donc son dernier soupir sans avoir changé le moindre mot dans ses dernières volontés. Le document stipule que la jouissance d'une de ses terres échoit à la marquise de Mirabeau, quant au reste de ses biens, ils tombent dans la communauté.

 

   Cet épisode a tout de même eu le mérite de sceller entre le père et le fils une sorte de réconciliation. Il semble qu’ils se font mutuellement confiance ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps..D’ailleurs une nouvelle mission, tout aussi importante que la précédente, est confiée à Gabriel-Honoré : dépêché à nouveau par son père, il doit se rendre précipitamment chez sa mère pour obtenir que la communauté des biens soit gérée par l'Ami des Hommes. Mais là, une désagréable surprise l'attend : sa mère qui l'a toujours soutenu, même dans les moments les plus difficiles, se rend compte qu’il a tourné casaque et qu'il œuvre maintenant pour les intérêts de son père. Elle entre alors dans une colère épouvantable, saisit un pistolet et tire sur son fils aîné. Heureusement, la main de madame de Mirabeau tremble et la balle manque son but !... Le cours de la Révolution aurait pu, ce jour là, être considérablement modifié !...

 

 

 

 

 

 

(1)   Cité par A. MAZIERES  "La Vie de Mirabeau"  op. cit. page 46

 

 

 

ILLUSTRATION : Jean-Antoine Riqueti, bailli de Mirabeau. Oncle de Gabriel-Honoré

 

 

 

 

A SUIVRE

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MIRABEAU (8)

PREMIERE EXPERIENCE POLITIQUE ET ENTREE A LA COUR :

1770 - 1771

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

F
N'est ce pas dans son château qu'ont été tournés Jean de Florette et Manon des Sources ?
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