En limitant le poids maximum des voitures de Grand Prix à 750 kg pour la saison 1934, l'Association Internationale des Automobiles Clubs Reconnus (AIACR), l'organe directeur du sport automobile, estimait ainsi pouvoir limiter les performances des voitures de course. A voir les Bugatti, Maserati, Mercedes-Benz et Alfa Romeo de l'époque, ils pensaient qu'avec ce poids maximum, il serait très peu probable d’avoir des moteurs dépassant les trois litres de cylindrée. Il s’agissait, en particulier, d’améliorer la sécurité des pilotes. Mais l’imagination des constructeurs automobiles est sans limite et les années suivantes ils ont allégé les châssis et les suspensions sans pour autant renoncer à la puissance des moteurs ce qui, évidemment, n'a pas rendu les voitures plus sûres du tout. Pour tenter de régler les choses, l'AIACR a fixé de nouvelles règles limitant la cylindrée des moteurs suralimentés à trois litres et ceux à aspiration naturelle à quatre litres et demi.
L'époque des 750 kg a été dominée par les deux équipes allemandes, soutenues par le gouvernement allemand, Mercedes-Benz et Auto Union. Alors que le premier s'appuie sur son expérience en course, le succès d'Auto Union est tout simplement du aux capacités d'ingénierie de Ferdinand Porsche et encore plus au talent du pilote Bernd Rosemeyer. Ferdinand Porsche construit une monoplace avec un moteur V16 de six litres de cylindrée en position centrale qui développe une puissance stupéfiante de 520 cv. La voiture Auto Union se fait rapidement une réputation de voiture impossible à conduire, à cause surtout de l'emplacement non conventionnel du moteur. Dans la réalité, les difficultés de pilotage sont plutôt dues à la suspension arrière à essieu pivotant typique de Porsche, aux pneus inadaptés qui n'ont pas été en mesure de faire face à la puissance. L'ancien coureur de motos, Rosemeyer était le seul capable de vraiment apprivoiser la bête. Malgré tout l'outsider Auto Union, remporte 18 victoires contre « seulement » 22 pour l'équipe de Mercedes-Benz.
Dans les années suivantes, Auto Union va perdre ses deux «atouts». Ferdinand Porsche quitte l’entreprise au début de 1937 pour se concentrer sur la Volkswagen du Führer. Au début de l’année suivante, c’est la tragédie de Rosemeyer frappé le 28 janvier 1938 quand il perd le contrôle d'une Auto Union Type C spécial pendant une tentative de record de vitesse sur l'autoroute. La petite équipe est frappée très durement mais elle va procéder à deux remplacements assez rapidement. D’abord le concepteur Eberan Von Eberhorst et plus tard dans la saison le pilote légendaire Tazio Nuvolari. Les nouveaux changements de règlementation ont fait que toutes les équipes ont dû repartir de zéro, mais Auto Union et ses bouleversements internes a un handicap supplémentaire. Après avoir perdu les trois premières courses, la marque présente le tout nouveau Type D qui fait ses débuts au Grand Prix de France.
La silhouette du nouveau type D a quelques ressemblances avec le type C mais la voiture a été profondément modifiée. A l’arrière on a implanté un essieu de Dion, le moteur est encore positionné derrière le siège du pilote mais c’est un tout nouveau V12 à 60° dont la cylindrée a été limitée à 3 litres et qui arbore un train de soupapes tout à fait original. Les soupapes d’admission sont actionnées par poussoir par un seul arbre à cames monté à l’intérieur du V alors que chaque groupe de soupapes d’échappement a son propre arbre à came. Le V12 de Von Eberhorst arbore donc trois arbres à cames. Alimenté par un Supercharger de type Roots, le nouveau V12 délivre une puissance maxi de 420 cv à 7000 tr / min. Un autre changement majeur a été le remplacement du réservoir central par deux réservoirs latéraux, ce qui a permis au conducteur de s'asseoir plus en arrière dans le châssis et d’améliorer l’équilibre de la voiture..
Bien qu'il y ait de nouveaux concurrents en provenance d'Italie et de France, la seule rivale sérieuse à l’Auto Union Type D vient de chez Mercedes-Benz, qui a également construit une voiture de 3 litres pour les Grands Prix, mais d'une conception plus conventionnelle. Les débuts des Type D au Grand Prix de France sont décevants avec l’abandon des deux voitures engagées dès le premier tour. Le moral est bien bas mais il remonte vite quand Tazio Nuvolari est embauché à la tête de l'équipe pour le reste de la saison 1938. En dépit de ses capacités, les débuts sont difficiles mais la victoire bien méritée arrive dans le Grand Prix d'Italie à Monza et au Grand Prix de Donnington. Pour 1939, le châssis et la suspension sont encore optimisés et les difficultés de pilotage sont maintenant complètement oubliées. Un nouveau compresseur à deux étages fait grimper la puissance à 485 ch ce qui rend la voiture très compétitive même par rapport au concurrent Mercedes-Benz. Malheureusement la situation dans le monde interrompt la saison automobile après juste quatre Grands Prix, dont un seul a été gagné par l'Auto-Union type D.
La voiture présentée ici (châssis 019) est l'une des trois voitures Auto Union type D qui ont fait leurs débuts au Grand Prix de Reims de 1939. Le moteur révisé a une puissance maxi qui atteint 485 cv. Avec une première, une deuxième et une sixième place, cette première sortie a été un véritable succès pour la nouvelle voiture.
Elle a survécu à la guerre et à un séjour de quelques années dans l'est de l’Allemagne. Au cours des années 1990, elle est récupérée par un Américain d'origine russe avec une autre type D à moteur moins puisant. Il fait restaurer les voitures par les experts britanniques Crosthwaite & Gardiner et les engagent au cours du Grand Prix Oldtimer de 1994 au Nurburgring. Alors que la deuxième voiture a été vendue à Audi, celle-ci est restée dans les mains d’un collectionneur privé.
Mise aux enchères en 2009 lors de la Bonhams Quail en août, elle a été adjugée pour plus de 10 Millions de Dollars.
Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale
ultimatecarpage.com
supercar.net
swisscarsighting.com
mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :
autogaleria.hu
Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)