La Fédération hospitalière de France a présenté vendredi 27 janvier dernier son programme de réformes. À ses yeux, les établissements sont soumis à un plan d’économies qui ne veut pas dire son nom.
« C'est tous les jours l'état d'urgence à l'hôpital, Mme Touraine! » Postée sur Facebook le 11 janvier, en plein pic de grippe, la vidéo dans laquelle Sabrina Ali Benali dévoile crûment les difficultés du quotidien, entre manque de lits et patients sur des brancards, a fait le buzz. "Je voulais juste vous expliquer ce que c'était votre politique en vrai, pour les gens, pas les grands tableaux Excel", assénait l'interne sur le réseau social.
Peser sur la campagne des présidentielles
Accusée d'avoir exagéré le malaise, la jeune médecin, par ailleurs coresponsable de la "commission santé" du Parti de gauche, n'a pas retiré un mot de son "J'accuse" 2.0. Elle a trouvé la semaine dernière un renfort de poids. La Fédération hospitalière de France (FHF) a présenté, en effet, vendredi 27 janvier une plateforme politique iconoclaste pour la présidentielle. Ou comment le lobby des hôpitaux publics espère peser dans la campagne pour occasionner un vrai « big bang » du système de santé.
Le SOS des internes, infirmiers et aides-soignants
Afin d'étayer ce programme, Frédéric Valletoux, qui préside cette structure, a entamé il y a un an un tour de France des CHU et des centres hospitaliers. À chaque visite un même constat : "La situation à la fin de ce quinquennat est inédite. L'hôpital est vraiment en situation de burn-out. On a épuisé la machine, les organisations et les hommes. Le système est à bout de souffle." Internes, infirmiers, aides-soignants lui ont lancé un semblable SOS. "Ils racontent tous la même histoire : l'activité qui augmente, les tensions dans les organisations, l'impression d'être la variable d'ajustement à qui on demande toujours plus de travail avec de moins en moins de moyens."
La FHF vient également de faire travailler ses tableurs Excel. Conclusion : les chiffres accréditent un durcissement de la situation. Les salariés des hôpitaux ont travaillé plus (1,5% de gain de productivité par an depuis 2012) ; le déficit est reparti à la hausse à partir de 2013 (400 millions d'euros en 2015) ; les dépenses d'investissement ont reculé (5 milliards en 2014, contre 7 en 2012) ; le nombre de lits a diminué (6.600 de moins en trois ans).
22.000 suppressions de postes, soit 2% des effectifs
Cette année, les quelque 3 milliards d'euros d'économies prévues à l'hôpital devraient se traduire, selon la FHF, par 22.000 suppressions de postes (départs à la retraite non remplacés, intérimaires remerciés), soit 2% des effectifs. "Les hôpitaux sont soumis à un plan d'économies sans précédent et surtout sans les réformes de fond qui pourraient le rendre supportable", attaque Frédéric Valletoux.
Ce dernier, par ailleurs maire (LR) de Fontainebleau, se défend de noircir à dessein le bilan de la gauche : "Mon organisation n'est pas partisane. La ministre de la Santé, elle, n'assume pas. Elle parle de maîtrise de la masse salariale, ce qui est plus qu'un euphémisme. Elle nie tout en bloc : la suppression des lits, la diminution des effectifs." Vendredi, plusieurs pistes ont été évoquées par la FHF. "Il faut limiter le financement public aux acteurs de santé qui assurent vraiment des missions de service public, définir un corpus d'actes et d'interventions nécessaires et exclure le superflu", exhorte Frédéric Valletoux.
Au-delà d'une régulation plus musclée par l'Assurance maladie, le lobby proposera notamment de réguler l'installation des médecins dans les zones où ils sont déjà trop nombreux. "À un moment, on ne peut plus mettre de sparadrap", soupire le président de la FHF. De nouveau en grève mardi, les infirmiers ont usé du même genre de métaphore. Fustigeant le plan de Marisol Touraine pour l'amélioration de la qualité de vie au travail (30 millions d'euros sur trois ans), le responsable syndical Thierry Amouroux a ainsi lancé : "C'est comme nous dire : "Je vous ampute d'un bras mais je vous donne de quoi payer le pansement.""
Source : LeJDD.fr 29-01-2017