François Hollande appelle le patronat et les syndicats à trouver "toutes les solutions" pour sauver les régimes complémentaires qui sont en grand danger. En jeu : une baisse des pensions et un report de l’âge de départ à la retraite.
C'est un sujet explosif que le gouvernement suit de près. Les syndicats et le patronat achèvent la négociation d'un plan de sauvetage des retraites complémentaires, dont le "trou" dépasse 5 milliards d'euros. Ils ont rendez-vous vendredi 16 octobre prochain pour une séance sous haute surveillance politique. Parmi les mesures envisagées, la plus sensible est une baisse des versements aux nouveaux retraités pendant deux ans. Autrement dit, l'âge de la pension complète serait reporté : il passerait à 64 ans au lieu de 62 ans.
AGIRC et ARRCO sont les plus concernées
François Hollande a encouragé les négociateurs à chercher "toutes les solutions", comme il l'a souligné mardi lors de son discours pour les 70 ans de la Sécurité sociale. Le gouvernement serait prêt à valider leurs conclusions. "Je souhaite que les partenaires sociaux trouvent un accord, pour les Français et pour le dialogue social", insiste Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales.
Le passage à 64 ans, s'il est acté, concernerait les régimes complémentaires obligatoires, dont la gestion dépend des partenaires sociaux. L'enjeu est lourd : l'Arrco sert 12 millions d'anciens salariés pour des montants pesant au moins 30% de leurs retraites ; l'Agirc fait vivre 2,7 millions d'ex-cadres et représente jusqu'à 65 % de leurs ressources. Ces caisses complètent celle de la Sécu, pour laquelle l'âge légal n'est pas remis en question.
Une proposition du Medef
La retraite à 64 ans est une proposition du Medef, parvenue jeudi aux syndicats. L'organisation patronale a reculé d'un cran : sa précédente revendication allait jusqu'à 65 ans. Dans son scénario, les salariés qui partiraient à 62 ans perdraient 25% de leur pension complémentaire, et 15% à 63 ans. Ceux qui partent plus tard toucheraient des bonifications de même ordre.
Plusieurs syndicats acceptent le principe, sans aller jusqu'à de telles coupes. La CFDT propose que les néoretraités versent une "contribution de solidarité intergénérationnelle" de 4% pendant deux années après la fin de carrière, quel que soit l'âge. La CFTC est d'accord pour une diminution de 5% à 62 ans, puis 4% et 3%. La CGC admet des "abattements temporaires raisonnables". Mais la CGT et FO, dont la position finale sera déterminante, ne veulent pas en entendre parler.
En contrepartie, toutes les centrales réclament que les employeurs paient davantage de cotisations. Or le président du Medef, Pierre Gattaz, effectue son mandat, au contraire, sur un programme de baisse des prélèvements. François Hollande a, lui, prié les entreprises de "prendre leur part" des besoins financiers. Le chef de l'État avait reçu Gattaz fin septembre pour évoquer le dossier.
Le régime des cadres sans réserves en 2018
Le Medef pourrait tolérer une augmentation pour les retraites à plusieurs conditions : que les syndicats signent sur l'âge de départ, que l'échéance de la cotisation survienne dans plusieurs années et qu'une autre soit en parallèle réduite – en l'occurrence, celle qui alimente la caisse des accidents du travail et maladies professionnelles, en excédent de près de 2 milliards d'euros à l'horizon 2019.
Il y a urgence. En l'absence de décision, le régime des cadres arrivera à épuisement de ses réserves en 2018 : ses prestations chuteront de 10%. La caisse complémentaire de tous les salariés, elle, dispose encore d'un matelas. Une fusion des deux est envisagée, au grand dam du syndicat des cadres CGC. Celui-ci dénonce la disparition programmée d'un élément constitutif du statut de l'encadrement.
En coulisses, les échanges se déroulent dans un climat peu serein. Les syndicats craignent que le Medef fasse capoter les discussions. "Ils veulent s'en remettre à une future majorité de droite en 2017 qui appliquerait toutes leurs idées", redoute un haut dirigeant syndical. "C'est de l'intox, nous n'avons aucun intérêt à perdre la main", réplique un responsable patronal.
Un échec des négociations porterait atteinte à la légitimité des deux parties. Il augurerait mal des futures séances sur l'indemnisation du chômage prévues en 2016. Dans ce cas, le gouvernement devrait prendre en charge les caisses sociales. Les syndicats et le patronat quitteraient la gestion des organismes, leur rôle se réduisant à celui de lobbys.
Source : leJDD.fr 11-10-2015