S'il accepte l'offre de Patrick Drahi, le PDG de SFR, et vend Bouygues Telecom près de 11 milliards d'euros, Martin Bouygues, après avoir fait monter les enchères, mettra la main sur un sacré jackpot.
Il cache bien son jeu. À force de répéter qu'il a "l'esprit paysan", à l'inverse de ses concurrents obsédés par leur cours de Bourse, qu'il n'est ni énarque, comme le PDG d'Orange, ni polytechnicien, comme celui de SFR, on finit par croire que le fils de Francis Bouygues est dépassé. Presque ringardisé par le financier Patrick Drahi (SFR), le bluffeur Xavier Niel (Free) ou l'habile Stéphane Richard (Orange). En février, lors de la publication des comptes 2014 de son groupe, il avait martelé qu'il ne vendrait pas Bouygues Telecom. "Vous vendriez votre femme?", avait-il lâché au JDD.
Un vrai coup de poker
Évidemment, il s'agissait d'envoyer le signal à ses adversaires qu'il ne se laisserait pas manger tout cru. Celui qui chasse tous les week-ends en Sologne a su jouer la montre pour faire grimper aux arbres l'impatient Patrick Drahi. Bien que fragilisé, il a su résister pour renverser le rapport de force et se rendre incontournable. S'il vend sa filiale de téléphonie près de 11 milliards d'euros, Martin Bouygues touchera un jackpot inespéré alors que les marchés la valorisent entre 3 et 5 milliards… Onze milliards, c'est presque la valeur de tout le groupe Bouygues en Bourse. Un vrai coup de poker que les financiers apprécieront.
Il veut verrouiller le groupe pour sa famille
L'an passé, il avait déjà vendu Alstom, dont il détenait 30%, pour 12 milliards. Il en récupérera 1,2 milliard sous forme de rachat d'actions. Au total, son trésor de guerre pourrait s'élever à 12 milliards d'euros en cash. Qu'en fera-t-il? Ses proches soulignent que Martin Bouygues rêve de clore sa carrière – il a 63 ans et dirige le groupe depuis vingt-six ans – en verrouillant le contrôle de sa famille sur l'empire du BTP. Un rêve inassouvi par Francis Bouygues. Aujourd'hui, lui et son frère n'en détiennent que 20%.
En montant au-delà de 50%, il léguerait à ses trois enfants un groupe sécurisé. Loin des petits 6% dont il a hérité à la mort de son père en 1993 et qui lui valurent une offensive violente de Vincent Bolloré quatre ans plus tard. D'autres lui prêtent des vues sur des grands groupes français comme Veolia pour profiter de son exposition à l'international. Mais l'aventure Alstom l'a refroidi. À moins que le combatif Martin Bouygues ne reparte à la chasse.
Source : LeJDD.fr 21-06-2015