Après l'échec à l'issue d'une nouvelle rencontre des ministres des Finances de la zone euro jeudi 18 juin dernier, le gouvernement grec mise sur un accord avec ses créanciers au sommet européen de lundi.
Face à une situation qui devient «critique», le président du Conseil européen, Donald Tusk, a sommé la Grèce de vite s'entendre avec ses créanciers, faute de quoi elle ira «droit vers le défaut de paiement». Ce scénario mènerait tout droit à une sortie de la zone euro, un «Grexit» (de «Grèce» et «exit»), aux conséquences dramatiques pour le pays mais aussi pour tous ses partenaires européens.
Brandie à maintes reprises au cours des négociations entre Athènes et ses créanciers, cette menace aurait ainsi des conséquences très concrètes pour les Français. Tour d'horizon des répercussions d'un scénario-catastrophe.
Une facture salée pour le contribuable.
Première conséquence d'un abandon de l'euro, Athènes ne pourrait plus payer ses créances contractées dans la devise européenne. Cela se traduirait pour les Français par une ardoise d'un peu plus de 68 milliards d'euros, soit une facture de 1.035 euros par habitant, selon les calculs d'Eric Dor, directeur des études économiques à l'Ieseg School of Management. Pour arriver à ce montant, ce dernier a additionné le prêt accordé par la France à Athènes en 2010 (11,39 milliards d'euros), la part française des garanties apportées sur l'emprunt octroyé par le FESF (Fonds européen de stabilité financière) en 2012 (31,02 milliards d'euros) mais aussi l'exposition de la France à des créances détenues par la Banque centrale européenne et l'Eurosystème (estimée à 26,08 milliards d'euros).
De son côté, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, avait estimé en février qu'une réduction de la moitié de la dette grecque signifierait «1.000 ou 1.200 euros d'impôts de plus» pour les Français. «Ca ne veut pas dire que, du jour au lendemain, Michel Sapin va envoyer une facture à chaque foyer fiscal», tempère Eric Dor. D'autant que les garanties au FESF, par exemple, sont étalées dans le temps, puisqu'elles seraient activées aux dates d'échéance des prêts de cet organisme à la Grèce.
Des finances publiques sous pression.
Si elle ne se traduirait pas forcément par des hausses d'impôts, cette ardoise grecque gonflera progressivement la dette publique française, qui dépasse déjà les 2.000 milliards d'euros. «Comment les marchés vont-ils réagir à cet alourdissement des dettes européennes qui sont déjà trop élevées ? Il y a un risque que le niveau moyen des taux d'intérêt augmente dans la zone euro», souligne Eric Dor. «Cela rendra la situation budgétaire de la France encore plus critique, problème qu'elle partagera avec les autres Etats fortement endettés (Italie, Espagne, Belgique...)», poursuit l'enseignant de l'Ieseg.
Concrètement, en cas de Grexit, la France paierait davantage pour emprunter de l'argent sur les marchés. Or, le niveau des taux d'emprunt entre en compte dans ses prévisions budgétaires, une trop forte hausse pouvant les faire déraper. Toute la question est de savoir l'ampleur de la hausse des taux d'emprunt que provoquerait un Grexit. Pour les optimistes, dont fait partie la Commission européenne, les différents mécanismes mis en place depuis 2010 et la politique monétaire de la BCE (Banque centrale européenne) suffiront à limiter la hausse. Mais les pessimistes estiment qu'un Grexit pousserait les marchés à se demander qui serait le prochain maillon faible et donc à incorporer une prime de risque de sortie de la zone euro dans les taux d'intérêts. «On voit déjà que les taux commencent à remonter timidement. La contagion sera sûrement limitée mais par les temps qui courent quelques points supplémentaires sur les taux font très mal au budget des Etats», note Eric Dor.
Des épargnants plutôt favorisés.
Pour les épargnants, une remontée du taux d'intérêt des Etats se traduirait par de plus forts rendements sur leurs contrats d'assurance-vie, par exemple. Mais il ne faut pas oublier que ce gain risquerait d'être compromis par une plus forte pression fiscale.
Incertitudes sur l'euro.
Certains pensent que la monnaie unique filerait sous la parité avec le dollar en cas de Grexit, d'autres estiment au contraire que cela renforcerait l'euro, car «ce que détestent les opérateurs, c'est le manque de visibilité, pas les quelques 350 milliards que représente la dette grecque», note Nicolas Chéron, stratégiste chez CMC Markets France.
Peu d'effets sur le secteur privé.
Les banques françaises sont très peu exposées à la Grèce: elles n'ont plus de titres d'Etat et selon les données de la Banque des règlements internationaux, leur exposition s'élevait à 1,31 milliard d'euros fin 2014 (contre plus de 50 milliards d'euros il y a 5 ans). Les effets d'un Grexit devraient également être limités pour le secteur non financier, la Grèce ayant un commerce extérieur "qui n'est pas orienté vers ses partenaires européens, mais plutôt vers la Russie et le Moyen-Orient", selon M. Dor, qui souligne que le pays pèse moins de 2% du PIB européen.
Source : Le Parisien.fr 20-06-2015