Les constructeurs s’insurgent contre le système de vignettes voulu par Ségolène Royal, qui stigmatise les motorisations diesel. Ils investissent des milliards d’euros pour rendre ces moteurs toujours plus propres.
Vous venez d'acheter une voiture neuve, motorisation de dernière génération, et vous vous réjouissez à l'idée de pouvoir coller sur le pare-brise la vignette vert acidulé présentée cette semaine par Ségolène Royal. Cette pastille vous permettra de circuler partout, même quand la circulation alternée sera mise en place dans les villes qui l'ont adoptée. Elle récompensera votre participation à l'effort collectif en matière de lutte contre la pollution. Si, comme 59% des Français, vous persistez à acheter une voiture diesel, même conforme aux toutes dernières normes européennes, cette vignette vous passera sous le nez : elle ne concerne que les véhicules neufs essence.
Pour les constructeurs automobiles, c'est une injustice criante. Et un nouveau coup dur pour une industrie française qui chiffre à 2,5 milliards d'euros ses investissements dans le diesel propre. En se pliant au standard Euro 6, déjà adopté par de nombreuses marques et obligatoire au 1er septembre, les moteurs au gasoil ont pourtant franchi une étape déterminante dans la lutte contre la pollution de l'air.
Recul de 6% des immatriculations diesel sur 12 mois en France
Les constructeurs ont réduit drastiquement les émissions de particules fines, comme ils l'ont déjà fait pour les émissions de CO2 des moteurs essence. Tous les spécialistes reconnaissent qu'aujourd'hui, le diesel dernière génération n'est pas plus polluant que l'essence. Alors pourquoi ne pas lui attribuer cette fameuse vignette? "Cette exclusion est inacceptable, s'étranglent les constructeurs par la voix de leur comité national. Elle est à la fois infondée sur le plan technique et sérieusement contestable sur le plan juridique." Le comité des constructeurs va se réunir pour envisager la riposte à la décision ministérielle. La mobilisation s'organise aussi au niveau européen. Mercredi, l'association des constructeurs européens a exprimé "sa surprise et sa déception" de voir les plus propres des véhicules diesel absents du système de vignettes imaginé par l'État français. Elle s'inquiète de cette mesure discriminatoire alors même que les ventes de diesel attendaient un coup de pouce lié à l'entrée en vigueur de la norme Euro 6. En France, les immatriculations de voitures au diesel ont reculé de 6% sur douze mois. En Europe, elles se situent toujours autour de 55% et ne devraient connaître qu'une érosion modérée, pour se stabiliser autour de 48% à horizon 2021, si l'on en croit les études du spécialiste IHS.
Le reste du monde s’intéresse au diesel
A contrario, dans le reste du monde, plusieurs pays commencent à s'intéresser au diesel, comme à toutes les alternatives à l'essence, coupable au regard de la couche d'ozone. C'est le cas de la Chine, où les préoccupations environnementales grossissent à la vitesse du parc automobile. C'est aussi celui des États-Unis, où le durcissement de la politique en matière de réduction d'émissions de CO2 a permis au diesel de passer de 2 à 3 % des immatriculations. La nouvelle est plutôt encourageante pour des constructeurs français qui ont fait du diesel l'une de leurs grandes expertises et qui vont tenter de garder leur avance. Pour Carlos Tavares, patron de Peugeot-Citroën, sans un parc automobile au gasoil significatif, l'Europe ne tiendra pas les engagements fixés en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Bruxelles avait parié sur une invasion des routes par des véhicules électriques : vu la faible pénétration de l'automobile zéro émission, l'Europe est loin du compte.
Renault et d’autres développent de nouveaux moteurs diesel
Pour Renault, pas question non plus de renoncer au diesel, malgré le virage électrique pris par le groupe. "Le marché est en demande", confirme-t-on au siège du constructeur. De fait, des projets se multiplient dans les usines auto du monde entier. Volvo, propriété du chinois Geely, comme Jaguar Land Rover du groupe indien Tata, vont commencer à produire de nouveaux moteurs diesel. Chez Audi, dont les véhicules gasoil représentent 80% des ventes en France, les premiers litres d'un nouveau gasoil viennent d'être produits par le constructeur et l'un de ses partenaires. Ce e-diesel est obtenu à partir d'électricité renouvelable, de CO2 et d'eau. Au Japon, Mazda porte aussi depuis trois ans un ambitieux projet d'hybride diesel. Un pari auquel PSA a annoncé avoir renoncé il y a quelques mois.
Il n’y aurait donc que le Gouvernement français et plus spécialement Madame Royal, qui rêve de voitures tout électriques depuis des lustres, pour ne pas avoir pris en compte les évolutions du moteur diesel. C’est d’autant plus consternant que la France est l’un des constructeurs de moteurs les plus performants dans le monde.