Faisant fi des mesures répressives prises par les autorités, un nombre croissant de femmes iraniennes continuent de s'afficher tête nue en signe de contestation. Les dissidentes risquent désormais de se voir imposer un traitement psychiatrique.
Le pouvoir iranien accroît sa répression en enjoignant aux autorités judiciaires de multiplier les condamnations à des « soins psychologiques » pour les femmes hostiles au port du voile. Dans le pays et à l'international, cette mesure soulève des inquiétudes quant à l'utilisation détournée de la psychiatrie par le pouvoir judiciaire. Le 19 juillet dernier, l'actrice Afsaneh Bayegan a été condamnée à une peine de deux ans de prison avec sursis, avec l'interdiction de quitter le pays et d'utiliser les réseaux sociaux, après s'être montrée en public sans se couvrir la tête. En supplément, il lui a été imposé de se rendre dans un « centre psychologique » une fois par semaine, pour « traiter son trouble mental de la personnalité antifamiliale », a fait savoir l'agence de presse Fars. Elle devra présenter un certificat de santé, attestant de la fin de son traitement, au tribunal.
Pour avoir porté un chapeau plutôt qu'un voile lors d'un enterrement, la comédienne Azadeh Samadi a été soumise à la même sentence. Les juges ont conclu à « un trouble de la personnalité antisociale » chez la quadragénaire, contrainte de suivre une thérapie. En outre, une jeune femme a été condamnée par un tribunal de Téhéran à deux mois de prison et à six mois de traitement. Il lui a été décelé « un trouble psychologique contagieux qui entraîne une promiscuité sexuelle » lors de son procès pour non-respect du port du voile.
France 24 rapporte que le ministre iranien de l'Éducation, Youssef Nouri, a également admis que des écolières sans foulard avaient été arrêtées dans leur établissement ou dans des lieux publics. Elles sont désormais détenues dans des « centres médico-psychologiques » pour « rééducation ». Dans un communiqué, le syndicat des enseignants iraniens a indiqué qu'il craignait que « les centres de rééducation deviennent des camps militaires ».
Les professionnels crient à l'abus
Les professionnels de la santé en Iran, qui considèrent que le diagnostic de troubles mentaux doit relever de la compétence des psychiatres et non des juges, ont tiré la sonnette d'alarme. Dans une lettre ouverte adressée au chef du pouvoir judiciaire, Gholamhussein Mohseni Ejei, le 23 juillet, les présidents de quatre associations de santé mentale ont accusé la justice « d'abus ». Ce détournement de la psychiatrie montre « avant tout le désarroi du pouvoir », analyse Azadeh Kian, professeure de sciences politiques à l'université Paris Diderot et spécialiste de l'Iran, auprès de France 24.
Pour étouffer toute contestation, un projet de loi vient d'être proposé au Parlement iranien, prévoyant des peines encore plus sévères pour les femmes refusant de se plier à l'obligation du voile. Ce texte propose notamment la création d'un nouveau crime de « promotion du dévoilement ».
Cette « surenchère » répressive risque de renforcer les tensions entre la République islamique et la population, en criminalisant davantage les femmes qui osent défier le pouvoir, exacerbant ainsi le climat de méfiance ambiant.
Source :LeJDD.fr 06-08-2023
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