L'issue du scrutin du 21 mars ne fait plus de doute. Ce sera une défaite de grande ampleur pour l'UMP et ses alliés. Avant même le deuxième tour des régionales, la majorité se demande comment sauver le quinquennat. Les pistes en cinq points.

1/ Réformer les réformes

La réforme, c’est le sarkozysme. D’où l’émotion de la majorité quand Nicolas Sarkozy a annoncé une "pause" en 2011. "Cela a été mal interprété", assure un proche du Président. "Il voulait juste dire qu’en fin de mandat tout serait remis sur la table." Mais la confusion souligne le problème. "Nicolas Sarkozy en a trop fait, et c’est illisible", tranche l’écrivain Denis Tillinac, sarkozyste mais surtout ami du tranquille Jacques Chirac. Le "filloniste" Philippe Goujon, président de l’UMP parisienne, fait chorus: "Les réformes sont indispensables dans tous les domaines, mais elles ne sont pas identifiées dans le cadre d’un projet global et cohérent." Pour l’essayiste Alain-Gérard Slama, tout le problème repose sur l’asymétrie des réformes engagées: "D’un côté, on donne plus de pouvoir au Parlement, mais en réalité, on renforce la majorité! On assouplit la justice avec la suppression du juge d’instruction mais on donne plus de pouvoir au parquet ! On donne l’impression d’aller vers une télé plus culturelle, mais le Président en nomme le patron!" Sous les réformes, l’immobilisme, suggère Slama? Et les déçus du sarkozysme murmurent: "Cela commence à peine à se dire", souffle l’un d’eux, "mais le programme n’a pas été du tout appliqué. On peut se demander si, finalement, ce n’est pas quelqu’un qui faisait campagne sur la rupture mais qui ne la voulait pas."

2/ Valoriser la majorité

Au menu mardi prochain des députés de la majorité: séance de psychothérapie collective. Une heure de défouloir à huis clos lors de la réunion hebdomadaire de groupe. De quoi purger un malaise né d’une union de toutes les droites imposée au parti du Président? L’humiliation du premier tour a fait naître d’autres angoisses. "On sait bien que ce n’est pas le même scrutin et qu’il y a une grosse abstention, mais tous les députés ont regardé les résultats du premier tour dans leur propre circonscription, et ils ont eu peur", explique François Goulard, député proche de Dominique de Villepin. "Chez certains, la gauche a fait jusqu’à 60 %!"

Unie mais assiégée, la droite doit desserrer l’étau. François Fillon a multiplié les appels du pied en direction des électeurs écologistes. Et Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat aux Transports, a plaidé cette semaine pour la création d’un parti radical écolo et centriste autour de Jean-Louis Borloo. Un sarclage de voix "vertes" auquel Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, ne croit pas: "Si on va là-dessus, on admet que l’UMP ne peut pas porter les sujets environnementaux", redoute-t-elle, peu à l’aise dans un parti qui s’assumerait seulement conservateur.

3/ Fermer l’ouverture ?

L’ouverture est devenu le grand défouloir: c’est elle qui serait responsable de la désaffection de la droite dans les urnes. "On n’a pas voté Sarkozy pour avoir des gens de gauche nommés un peu partout", entend-on, même chez un modéré comme François Baroin. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, continue à défendre l’idée sacrée: "L’ouverture n’est pas un élément tactique politique: elle est indispensable sur la durée pour mener les réformes en profondeur." Mais elle n’a pas entraîné l’adhésion populaire… Le prochain test de la constance présidentielle viendra vite, avec la nomination du nouveau patron de la Halde. Le socialiste Malek Boutih, favori, a été violemment critiqué par le président des sénateurs UMP, Gérard Longuet.

4/ Changer le gouvernement

Place aux troupes fraîches pour la deuxième mi-temps? Le Président pourrait préparer une équipe "d’attaquants", lors du prochain réajustement, possible en début de semaine. Sans toucher aux ministères régaliens, Nicolas Sarkozy mettrait en avant un groupe de quadras déjà aux affaires. En lice: Bruno Le Maire, Benoist Apparu, Chantal Jouanno, Laurent Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet… Prémices d’un gouvernement de guerre en place en 2011, un an avant la présidentielle? Le nom de Christophe Béchu, tête de liste dans les Pays de Loire, comme nouvelle recrue revient fréquemment. "Simplement parce que Nicolas Sarkozy a dit qu’il avait fait une bonne campagne de premier tour", explique un proche du Président. Le mercato naît des rumeurs et d’un mot du souverain. L’idée d’un ministère des Retraites, du nom du principal chantier de l’année, serait également à l’étude.

5/Changer le président ?

C’est le chiraquien Tillinac qui le dit le plus clairement: "Ce qui est en jeu en ce moment, estime-t-il, c’est l’image présidentielle. Malgré le bling-bling, elle a été assez bonne jusqu’à la fin de la présidence de l’Union européenne. Après, il y a le coup de tabac de la crise financière. Des malentendus s’y sont ajoutés : Avec l’affaire de l’Epad, il a perdu les électeurs du FN qui n’aiment pas le népotisme, avec l’affaire Mitterrand et les soupçons de pédophilie, il a déçu les milieux catholiques conservateurs. Sans compter qu’il emmerde l’UMP avec l’ouverture à gauche. Au début, il donnait l’impression d’être très milieu fric rive droite et maintenant il surajoute le snobisme rive gauche, cela fait beaucoup!"

Donc le Président doit se réparer, ou il partira. L’économiste Nicolas Baverez avertit dans le Point: "Le pays se dirige en 2012 vers un nouveau 1981, avec une menace de vote sanction contre le Président et contre la crise." Menace n’est pas certitude. "Nicolas Sarkozy est un homme politique de talent, dit le socialiste Pierre Moscovici. Je ne vois pas comment il peut gagner et en même temps, je vois très bien comment nous pouvons perdre en 2012." Alain-Gérard Slama renchérit: "Le calendrier joue pour lui. Nicolas Sarkozy sera président du G20 en 2011 et va donc pouvoir s’offrir une de ces tribunes internationales qu’il affectionne tant. Seule une crise interne grave qui pourrait être liée à sa vie privée pourrait réellement le déstabiliser."

Source : lejdd.fr  20-03-2010       


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