
En déplacement dans le Vercors, le président français a inauguré jeudi le débat sur l'identité nationale, lancé par le ministre de l'immigration Eric Besson. A travers un discours riche en références, Nicolas Sarkozy a voulu "apporter sa contribution au débat".
"J'ai voulu un débat, je ne veux pas en imposer des conclusions d'avance, mais je veux apporter dès à présent une première contribution." Nicolas Sarkozy a inauguré jeudi 12 novembre, au mémorial de la Chapelle-en-Vercors, la réflexion voulue par Eric Besson sur l'identité nationale. Alors que l'opposition accuse l'Elysée de vouloir récupérer les voies d'extrême-droite à l'approche des élections régionales, le président de la République a tenté de clarifier sa position et de démontrer la nécessité du débat organisé par son ministre de l'immigration.
Nicolas Sarkozy a balayé les accusations de la gauche. "Parler d'identité nationale" n'est pas "dangereux", a-t-il affirmé, mais "nécessaire", car "la France doute d'elle-même". Le président s'explique: "En laissant penser que tout se vaut, on a porté un coup très rude à l'idée de civilisation et même de société". Les grands mots au service d'une attaque politicienne en règle: les valeurs de la République – les autorités du maître d'école ou de la police, le travail, la justice – ont été sapées par les réformes entreprises dans les années 90. Le mandat de Lionel Jospin est particulièrement visé: les 35 heures ou le manque d'encadrement du média Internet à ses débuts seraient, entre autres, des causes de la "désintégration civique et sociale".
L'opposition n'est pas la seule à en prendre pour son grade. "La crise [de l'an dernier] a fait éclater l'avènement de la civilisation des entreprises nomades, mondiales avant d'être rattachées à un pays…. Jusqu'à ce que ça aille mal!" Le président a ensuite visé les grandes banques, qui sont "tout à coup redevenues bien françaises" pour pouvoir "être sauvées". A ces multinationales sans attache et à ses financiers amoraux, Nicolas Sarkozy a opposé les ouvriers, artistes, entrepreneurs qui sont, selon lui, fiers d'être français.
Leçon d'Histoire
Avant de lancer ces quelques piques, le discours présidentiel était plus général, plus didactique aussi. A grand renfort de références – citant pêle-mêle l'historien Marc Bloch, l'écrivain Aimé Césaire, le général De Gaulle, André Malraux ou encore le paysan du Vercors –, Nicolas Sarkozy a tenu à clarifier certaines notions. Ainsi a-t-il défini "l'identité nationale", un concept politisé par le leader du Front national dans les années 70. Si l'expression n'est usitée que depuis peu, elle représente, selon lui, un "esprit français" qui "remonte à la guerre de cent ans". "La civilisation française s'est constituée sous l'ancien régime, s'est unifiée sous la République", assure le chef de l'Etat.
Mais, plus qu'"identité" et "civilisation", c'est bien le mot "République" qui est revenu le plus souvent dans son discours. Pour lui, débattre sur son sentiment national revient à affirmer les valeurs républicaines. A commencer par la laïcité. Le président a commenté le débat sur la burqa, justifiant son interdiction par le non-respect d'une religion pour la valeur égalitaire. "La république, c'est la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier", assène-t-il encore avant d'enfoncer le clou: "La République ne doit pas être le bouc-émissaire de tous nos échecs personnels."
En remplaçant "nationale" par "républicaine", Nicolas Sarkozy semble redéfinir le débat sur l'identité, quitte à le politiser. Il ne semble plus question de Marseillaise ou de drapeau français – symboles à peine évoqués dans son discours – mais bien, selon le président, d'intégration au sein d'un système politique et social. Dès lors, la dérive vers le sujet de l'immigration, crainte par plusieurs penseurs ces derniers jours, pourrait réapparaître.
Source :lejdd.fr 12-11-2009