Les sanctions occidentales qui ont déjà frappé la Russie depuis plusieurs mois pourraient n’être que des broutilles à côté de ce qui vient de s’opérer dans le monde du pétrole. La Russie, le premier producteur de brut au monde, subit de plein fouet l’effondrement des cours. Une catastrophe pour Moscou !..
Vu de Moscou, le pire des scénarios l'a emporté jeudi 27 novembre dernier à Vienne au sommet de l'Opep, (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Une seule décision prise, le maintien sans états d'âme de l'objectif de production malgré une offre surabondante. Ce qui fait craindre à la Russie, qui n'appartient pas au cartel des douze pays, de perdre sa part de marché : "Aujourd'hui, il y a beaucoup de concurrents et l'Opep pompe seulement 30% de la production mondiale", a ainsi expliqué le ministre koweïtien du Pétrole. Le maintien de la production de l'Opep à 30 millions de barils/jour entraîne aussitôt une tempête sur les marchés et un nouvel effondrement du rouble. Deux chiffres intrinsèquement mêlés à retenir pour la journée d'avant-hier : le baril de brent (prix de référence mondial pour le pétrole brut du bassin atlantique) passe sous les 70 dollars pour la première fois depuis quatre ans et demi tandis que le rouble bat de nouveaux records de faiblesse par rapport à l'euro et au dollar : 62,20 roubles pour un euro (–17% en un mois). "La décision de l'Opep a durement frappé les marchés comme un cas de salmonellose à Thanksgiving", ironisent dans une note les analystes de la première banque de Russie, Sberbank.
La Russie premier producteur de brut au monde
Qui sait que la Russie est le premier producteur de pétrole brut au monde, devant l'Arabie saoudite et les États-Unis? Le budget russe dépend pour plus de la moitié des recettes des hydrocarbures. Or la chute des cours du brut se conjugue à la fuite massive des capitaux depuis un an et aux sanctions prises par les Occidentaux pour punir Moscou de son invasion partielle de l'Ukraine. "Le manque à gagner pétrolier est même bien supérieur aux pertes occasionnées par les sanctions au sujet de l'Ukraine", analyse Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques et directeur de la rédaction du bulletin « Le Pétrole et le Gaz arabes ». Les Russes évaluent en effet l'impact des sanctions à 35 milliards de dollars, contre 90 voire 100 milliards de pertes annuelles estimées par Antoin Simpuanov, le ministre des Finances russe, si la situation actuelle perdure sur les marchés pétroliers. "En réalité, la Russie subit en ce moment une triple peine, reprend Francis Perrin. Les sanctions occidentales, la chute du prix du pétrole, et du coup la chute du prix du gaz russe, qui est indexé sur celui du pétrole." Or les exportations russes sont constituées à plus de 60% par les hydrocarbures…
Le complot des Saoudiens et de Washington?
Avant le sommet de jeudi 27 novembre dernier, Rosneft, qui produit près de la moitié du pétrole russe, a tenté de peser sur l'offre mondiale surabondante, en proposant de réduire sa production de 25.000 barils par jour. "Soit 0,6% de leur production, ce qui est insignifiant" précise Francis Perrin. Les membres de l'Opep se méfient de la Russie qui, au début des années 2000 puis en 2008, n'a pas tenu sa promesse de réduire les exportations pour freiner deux précédentes chutes des prix. Il faut ajouter à cette méfiance le malin plaisir que certains, comme les États-Unis et l'Arabie saoudite, prendraient à voir la Russie souffrir. Une entente cordiale unirait en ce moment Riyad à Washington sur le dos de Moscou. Ou comment les deux autres géants du pétrole sont soupçonnés de s'entendre pour affaiblir le Kremlin et un autre ennemi commun, l'Iran, sixième producteur de brut au monde.
"La Russie est confrontée à une situation terrible"
En refusant jeudi de réduire leur production, contrairement aux demandes russes, les pays du Golfe emmenés par l'Arabie saoudite et encouragés par les États-Unis, ont démontré encore une fois que dans les prises de décisions cruciales, ils sont capables de faire bloc. Si l'Arabie saoudite a changé sa stratégie pétrolière ces dernières semaines, c'est surtout pour défendre et privilégier ses parts de marché et non plus pour batailler afin d'obtenir un prix du baril à 100 euros, estimant qu'un tel prix n'est plus adapté à la réalité du marché. Selon le ministre saoudien du pétrole, "le marché finira bien par se réguler de lui-même".
Reste que l'entente entre Saoudiens et Américains n'est que de façade, les premiers s'inquiétant de la montée en puissance des producteurs de gaz liquide et de pétrole de schiste américains. Les États-Unis risquent en effet de devenir rapidement les premiers producteurs d'hydrocarbures au monde, justement devant l'Arabie saoudite et la Russie.
"La Russie est confrontée à une situation terrible. Elle ne dispose d'aucun moyen de pression et se retrouve totalement démunie", explique Jean-Marie Chevalier, économiste et spécialiste des stratégies énergétiques. "Elle appartient à un groupe victime de "la malédiction pétrolière"…" Ces pays tels que l'Iran, l'Irak, l'Algérie, le Venezuela ou le Nigeria disposent de très importantes ressources mais dont le développement économique et le poids politique ne sont pas conformes à l'état de leurs ressources. Vladimir Poutine a beau affirmer que "l'hiver approche" et qu'il est "sûr que vers le milieu de l'année, le marché sera rééquilibré", rien n'est moins évident. "Poutine a proposé un contrat à sa population", reprend Francis Perrin, une sorte d'accord qui dit : "Tenez-vous tranquilles, en échange je m'occupe d'améliorer le niveau de vie." Or comment respecter sa part du contrat quand l'inflation dépasse les 8 % et que les recettes ne rentrent plus?
Source : leJDD.fr 30-11-2014
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