Si vous considérez que je suis un pourri, condamnez-moi», a-t-il lancé mercredi devant la Cour de justice de la République. Le réquisitoire est attendu jeudi.

Au terme de deux semaines de débats devant la Cour de justice de la République, que reste-t-il des 56 tomes des dossiers Sofremi, Annemasse et Gec Alsthom? Les trois dossiers qui ont abouti à de multiples condamnations définitives devant des juridictions de droit commun trônent toujours dans une demi-douzaine de caisses en plastique vert disposées en demi-cercle à quelques mètres du fauteuil de Charles Pasqua.

À l'écrit, les trois dossiers contiennent encore les dépositions accablantes recueillies depuis neuf ans à l'encontre de l'ancien ministre d'État. Ce sont elles qui l'ont conduit ici. Mais, à l'oral, les revirements des témoins à la barre depuis deux semaines ont peu à peu changé la couleur des trois affaires.

«Je vous regarde les yeux dans les yeux»

Charles Pasqua entend en profiter: mercredi soir, quand il est invité à prendre la parole une dernière fois avant que ne commencent le réquisitoire et les plaidoiries, l'ancien ministre n'a pas un œil pour les douze caisses vertes du dossier mais son regard se plante en revanche dans celui des douze parlementaires, de leurs suppléants et des trois magistrats professionnels. Un homme seul face à une Cour de justice de la République qui semble aux aguets. «Vous aurez, le moment venu, à vous décider. Les choses ne seront pas faciles. (…) Pour les juges parlementaires, si vous considérez que je suis un pourri, condamnez-moi, n'hésitez pas, faites-le. Mais je vous regarde bien, tous autant que vous êtes. Je vous regarde les yeux dans les yeux. Pas pour vous menacer! - je dis cela parce que j'ai entendu que le fait de m'être approché à 50 centimètres d'un témoin avait fait beaucoup parler - je vous regarde! J'ai la faiblesse de penser que vous me connaissez mieux que ça.»

Après un instant de silence suivront douze questions de la part des parlementaires et des juges. À deux jours du verdict, on aborde pêle-mêle et dans le désordre un point obscur de l'un des trois dossiers, la conception générale des actes que l'on peut accomplir «au service de la France» ou bien évidemment le poids de l'entourage. «Ne trouvez-vous pas étonnant que les renseignements généraux ne vous aient pas protégé de ce milieu interlope auquel vous avez été confrontés?» interroge le sénateur Courtois en faux candide.

Impressions favorables

Une demi-heure plus tôt, Charles Pasqua avait commencé son discours à ses collègues parlementaires avec son intonation caractéristique de bon sens: «Voilà, la question qui domine est simple: est-ce que c'est le procès de Charles Pasqua? C'est le procès de l'environnement. C'est le procès de la rumeur (…) Je ne suis pas un homme d'acier. Comparaître devant vous me touche profondément. Je suis humilié.»

On entendra aussi l'ancien ministre d'État faire référence à Outreau, à l'histoire ou… à la versatilité de l'opinion publique.

En creux de ces échanges avec les parlementaires se mesure tout l'enjeu du procès: quel équilibre les juges parlementaires trouveront-ils entre le poids des accusations venues des trois dossiers et les impressions favorables apparues à l'audience.

Le verdict est attendu vendredi midi, le réquisitoire de l'avocat général, Yves Charpenel, ce matin. Lui compte bien puiser ses ressources dans les 56 tomes contenus dans les boîtes vertes.

Source : lefigaro.fr  28-04-2010

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