Martine Aubry avait dit, il y a quelques semaines déjà, qu’elle s’exprimerait et qu’elle ferait des propositions. Et bien c’est fait, Martine Aubry a enfin parlé. L'ancienne candidate à la primaire socialiste exprime dans une interview publié par le « JDD » ses inquiétudes et critiques sur la politique menée.
La politique menée depuis deux ans peut-elle réussir ?
« Regardons la vérité en face. La politique menée depuis deux ans, en France, comme presque partout ailleurs en Europe, s’est faite au détriment de la croissance. Les efforts fiscaux et les économies réalisées sur les budgets publics ont engendré des pertes de recettes liées à la moindre croissance qu’ils ont provoquée. Les déficits ne se sont pas résorbés, et le chômage augmente. Entendons-nous bien : la question n’est pas de renoncer à réduire les déficits. Je sais de quoi je parle : pour moi, bien utiliser chaque euro qui nous est confié par les Français est une obligation. J’ai rétabli les comptes de la Sécurité sociale, ma ville est bien gérée… Il n’y a pas d’un côté les sérieux et de l’autre les laxistes. Mais je demande une inflexion de la politique entre la réduction des déficits et la croissance. Je demande qu’on réoriente la politique économique. »
A la question de savoir si elle est dans la même logique que les « Frondeurs » du PS Martine Aubry est très claire : « Je partage leurs propositions dans ce domaine et je regrette que le Parlement n’ait pas pu en discuter. J’espère que la prise de conscience sera là, que le débat aura lieu. En tout cas, plus on sera nombreux à le dire à gauche – élus nationaux ou locaux, mais aussi dans la société civile – plus on aura une chance d’être entendus. Dans le passé, faute d’avoir débattu, nous avons souvent payé le prix. Il est temps de retrouver le bon chemin, débattons-en. Et puis, ne peut-on arrêter d’appeler "frondeurs", des députés qui connaissent l’économie, souhaitent le succès du gouvernement, et portent une vision de la Ve République où le Parlement est pleinement respecté dans ses prérogatives? »
A propos du travail du Dimanche :
« Croire qu’il y a là des gisements d’emplois est un mirage. Le pouvoir d’achat ne va pas s’accroître par miracle parce que l’on consomme un jour de plus. Dans la plupart des cas, les extensions se feraient au détriment du petit commerce – si essentiel à la vitalité de nos quartiers – et donc, in fine, aussi de l’emploi. Et puis surtout, pour moi, il s’agit de choisir dans quelle société nous voulons vivre. La consommation doit-elle être l’alpha et l’oméga de notre vie? Ne peut-on préserver un jour dans la semaine pour soi, pour sa famille, pour la culture, pour le sport?
La réforme de l’assurance chômage
« On ne réforme pas l’assurance-chômage au moment où il y a tant de chômeurs. Un accord vient d’être signé entre les partenaires sociaux, avec une application jusqu'en 2016 : respectons-le. Quand la situation économique était bonne et le chômage en baisse, comme sous Lionel Jospin, le patronat n’a jamais accepté qu’on mette de l’argent de côté pour pouvoir passer des périodes plus difficiles. Remettre aujourd'hui en cause ce système, c’est vouloir dire que les chômeurs sont responsables du chômage ou qu’ils sont des fraudeurs. J’ai rendu efficient, comme ministre du Travail en 1992, le contrôle des chômeurs. Je ne supportais pas qu’on puisse penser que les chômeurs l’étaient parce qu’ils le voulaient et qu’ils fraudaient. Et quand c’est le cas, il faut sanctionner. Mais c’est très minoritaire. Mettre de tels débats sur la table alors que le chômage est si important, me choque profondément.
Le projet de Martine Aubry
« Une nouvelle social-démocratie, qui reconnaît le marché, mais veut un État stratège pour l’orienter et le réguler. Le marché a tout envahi. On spécule sur tout, y compris les aliments. Tout se marchande, jusqu'à nos corps. C’est le règne du chacun pour soi. Il faut remettre des règles qui défendent la coopération avant la compétition, le bien-être avant le "tout avoir", la préservation de l’avenir avant le profit immédiat. Bien sûr, l’État doit se moderniser, avec des services publics qui apportent des réponses personnalisées à chacun dans le domaine de l’école, de la santé, ou du vieillissement. Je défends un État qui donne toute sa place aux pouvoirs locaux, un État qui régule la mondialisation. Le président de la République défend cette nécessité au niveau européen. Aujourd'hui, les multinationales imposent leur loi aux États. Contre cela, seuls, nous ne pouvons rien, ensemble, en Europe et dans le monde, il faut nous organiser et protéger les biens communs universels. Et puis, cela ne vous étonnera pas, car j’ai dédié une partie de ma vie au monde du travail, cette nouvelle social-démocratie accorde une importance essentielle aux syndicats de salariés et d’employeurs. Mais elle parie aussi sur les citoyens, les mouvements associatifs et coopératifs.
En résumé il n’y a pas beaucoup d’éléments dans la politique de François Hollande et de Manuel Valls qui trouve grâce aux yeux de Martine Aubry. Quelles peuvent en être les conséquences politiques ? On verra très bientôt à l’Assemblée Nationale comment se comportent les nombreux amis de Martine Aubry lors des votes budgétaires.
En fait c’est plutôt du coté du Parti Socialiste que cela risque de chauffer car évidemment Martine Aubry va amener sa « contribution » aux Etats Généraux en cours et probablement au prochain congrès ….
Source : leJDD.fr 19-10-2014
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