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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 18:00

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En ces temps de crise, le porte-monnaie de David (il préfère ne pas donner son nom de famille) a quelque chose d'indécent. Ce trentenaire « carpe diem » s'est enrichi presque sans faire exprès en créant cinq petites affaires sur une plage touristique du bout du monde.

David nous a proposé que l'on passe son porte-monnaie au rayon X parce qu'il espère que son parcours atypique « peut donner envie à d'autres de se lancer dans l'aventure » et qu'il aime bien lire « les gens qui calculent combien ils peuvent gagner dans leur journée ». Lui ne calcule pas à la journée, ni même au mois ou à l'année, il ne calcule pas du tout et il a eu le plus grand mal à nous fournir des chiffres précis.

« Bac moins trois », comme il dit, David a commencé à travailler dès l'âge de 15 ans et demi. Coiffeur, comme sa mère, il navigue rapidement dans la mode, où il « drague trop les mannequins ». A 27 ans, après sa « troisième période basse », il s'envole pour l'Indonésie pour faire « un break ».

Le parcours de ce baroudeur fluctue au gré des rencontres, des amitiés, des opportunités. Il pose ses valises à Gili Trawangan, confetti de l'archipel indonésien. 6 km2, sans voiture ni de poste de police, 3 000 habitants « locaux », et quelques « resorts » chics fréquentés, à peu près toute l'année, par une clientèle internationale.

Sur ce paradis, David observe qu'il manque un cinéma. Les soirées sont un peu longues face à l'océan. Un mur blanc, quelques canapés et un projecteur, voilà un premier projet intitulé « Beautiful Life ». Manque de chance, on est en 2002 et un double attentat terroriste tue plus de 200 touristes sur l'île voisine de Bali : « Il n'y a plus eu personne pendant un an. J'ai vécu avec quelques euros par jour, et juste un matelas où dormir. »

« Le but : mettre un manager et ne s'occuper de rien »

Devant son Mac et un thé Mariage Frères, dans son studio parisien en bordel (« la femme de ménage est en vacances »), difficile d'imaginer David vivant avec rien là-bas. Il fait partie de cette caste de débrouillards chics qui sautent d'une station mexicaine à une boîte indonésienne avec le plus grand naturel, et sans que l'argent soit un problème.

Peu à peu, les touristes sont revenus sur l'île, et à la faveur des rencontres, David a monté plusieurs affaires, sans emprunter à la banque. Il a commencé par restructurer un hôtel, dont les murs sont loués 1 000 dollars par an. Année après année, il a grignoté, dans plusieurs secteurs, une toute petite part de marché touristique de Gili Trawangan. Aujourd'hui, il est à la tête :

·         d'un hôtel moyenne gamme de 17 chambres : il a loué cinq bungalows puis agrandi le tout, les prix vont de 10 à 50 dollars la nuit ;

·         d'un « deli », sandwicherie à la mode new yorkaise, en partenariat avec un Suédois ;

·         d'un bar-restaurant de plage, « Egoïste », qu'il vient de terminer de construire ;

·         d'un glacier, avec deux stands de vente à emporter (est paradoxalement le plus rentable de ses lieux) ;

·         d'une petite maison qu'il occupe quand il est sur place et loue le reste du temps.

Tout cela pourrait faire de lui un entrepreneur affairé à gérer ses équipes, ses stocks, sa clientèle … Mais pas du tout. David travaillotte quelques heures par ci par là, car comme il dit si bien : « Le but, c'est de mettre un manager et de ne s'occuper de rien. »

Voyons donc comment David parvient à gagner très bien sa vie en travaillant aussi peu.

 

Revenus : environ 21 000 euros par mois

 

La comptabilité de David est on ne peut plus simple. Trois colonnes : chiffre d'affaires, total des dépenses, et ce qui reste pour sa poche. Avec les responsables qu'il a placés à la tête de chaque enseigne, venus de tous horizons, une confiance absolue est nécessaire : « Bien sûr, des salariés me piquent parfois un peu d'argent, mais ce n'est pas grave. La plupart du temps, si on donne des responsabilités aux gens, ils rendent cette confiance. »

Depuis huit ans qu'il monte des affaires à Gili, il a organisé son année en trois périodes : trois mois sur place (l'été, quand la saison touristique bat son plein), deux à trois mois en France (en deux voyages, au printemps et à l'automne) et le reste du temps, il voyage sous des latitudes ensoleillées.

Parce qu'il ne « s'occupait pas du tout d'argent », il n'a rien mis de côté pendant huit ans : il a tout réinvesti dans le business suivant. A chaque fois, une idée originale l'a motivé : « Le premier hôtel pas cher de l'île, le premier glacier, la première sandwicherie bio, le premier beau bar de l'île. »

Chaque investissement se monte à quelques dizaines de milliers d'euros, et il prend sur ses profits pour réinvestir. Aucun bâtiment ne lui appartient, il paie la location du terrain (un bail de dix à quinze ans), et finance les constructions qu'il y réalise.

Son revenu moyen sur les six derniers mois s'établit à 21 000 euros « environ », selon ses calculs. Sur le mois de juillet, par exemple, le tableau qui lui est envoyé se décompose ainsi :

·         hôtel : 4 011 dollars (2 778 euros)

·         « deli » : 5 180 dollars (3 587 euros)

·         bar : 13 570 dollars soit (9 397 euros)

·         glacier : 13 503 dollars (9 351 euros)

·         autres : location de la maison, 1 501 dollars (1 039 euros), T-shirts, 272 dollars (188 euros) et cinéma, 5 000 dollars (3 463 euros). Le bail du cinéma arrive à son terme, il ne va pas le renouveler,

Total : 29 803 euros, dont il faut déduire les 5% d'intéressement (soit 1 490 euros) versés au manager allemand qui supervise le personnel de chacune des affaires.

La vraie mine d'or de David, ce sont les glaces. Regardons pourquoi : vendue 1,5 dollar le cornet simple, la « gelato » ne coûte presque rien à produire. Des fruits locaux, des produits laitiers, une mixture italienne, et le salaire des employés : 100 dollars par mois, soit près de 100 fois moins que lui. Quand je pointe cette différence de salaire, il arbore un sourire gêné. Puis rebondit : « C'est comme de dire que l'inventeur du Post-it gagne bien plus que celui qui les fabrique en usine. Il fallait juste avoir l'idée ! Je pourrais payer mes employés le double mais ils sont bien payés pour le pays et je dors tranquille. Et j'emploie 100 personnes ! »

David a aussi investi dans l'immobilier en France : il a acheté une maison qu'il loue et est en train de terminer de payer deux appartements neufs, le tout en banlieue parisienne, d'où il vient. La maison lui rapporte 18 880 euros par an, soit 1 573 par mois.

Son revenu disponible s'élève donc à 29 886 euros, en juillet, saison haute.

 

Dépenses fixes : 5 123 euros par mois

 

David touche l'essentiel de ses revenus en Indonésie, en dollars. Il a fait le gros effort de tout enregistrer ces derniers mois dans un logiciel de comptabilité très simple.

Exceptionnellement, il est à Paris depuis février, ce qui lui fait des dépenses bien supérieures à sa vie indonésienne. A Gili, il se nourrit dans ses restaurants, il n'y a presque pas de magasins, et comme il dit : « Je ne fume pas, ne bois pas, ne me drogue pas et ne vais pas voir les prostituées. »

Ce qui réduit considérablement les dépenses. A Paris, donc, il se rattrape.

·         Logement  : 1 000 euros

C'est son loyer pour son pied-à-terre de 35 m2 dans le centre de Paris. Quand il repartira en Indonésie, il le prêtera à ses neveux.

·         Prêts : 551 euros

Il rembourse 551 euros par mois pour le prêt de 90 000 euros qu'il a contracté pour les deux appartements. Ceux-ci lui rapporteront environ 800 euros chacun lorsqu'il les louera. Il a financé les 130 000 euros restants par de l'épargne.

·         Assurance voiture : 106 euros par mois

·         Internet : 45 euros

·         Portable : 70 euros pour un forfait illimité

·         Impôts : 2 508 euros

En Indonésie, il paie en moyenne 1 850 euros par mois, ce qui est peu vu ses revenus. A cela s'ajoute la redistribution informelle : « Je donne environ 550 euros par mois pour participer au tri des ordures, aux frais de l'école ou de la mosquée. Chaque entreprise installée sur l'île donne en fonction de ce que donnent les autres. J'ai aussi donné 2 000 euros pour construire une classe dans l'école du village. »

En France, il paie uniquement un impôt sur ses revenus immobiliers, 1 293 euros par an, soit 108 par mois.

·         Comptable et avocat : 346 euros par mois en Indonésie (500 dollars)

·         Femme de ménage en France : 122 euros pour deux heures par semaine

·         Santé : 375 euros

Cette somme couvre les médecins divers, dont un psy chaque semaine (70 euros la séance). Il n'a pas de mutuelle santé.

Les frais fixes sont très limités et le budget plaisir est conséquent.

 

Dépenses variables : 3 963 euros… ou plus

 

·         Nourriture : 730 euros « Je mange des produits bio achetés dans les petits magasins du coin. Je mange au restaurant quelquefois, mais je trouve que les ingrédients sont meilleurs à la maison. »

·         Vêtements : 1 125 euros

Parfois, il se « tape un coup de délire » et claque des milliers d'euros dans des fringues de marque dans une seule journée. Sa moyenne ces derniers mois s'établit à 1 125 euros.

·         Transport : 400 euros

Cette somme couvre l'essence et le parking de sa nouvelle voiture, et le train en France.

·         Culture : 300 euros

Des livres (pas mal de bandes dessinées), des spectacles, une carte de cinéma illimité.

·         Hygiène : 130 euros de produits divers (parapharmacie ou parfumerie)

·         Sport : 128 euros

C'est le prix de l'inscription dans une salle de sport, et de l'équipement qui va avec.

·         Voyages : 750 euros

C'est ce qu'il paye en hôtel et avion, mais il a bien moins voyagé ces derniers mois qu'avant.

·         « Gros plaisirs » : environ 400 euros (parfois plus)

Il appelle ça ses « gros plaisirs », et c'est ce qu'il est prêt à dépense pour réaliser des rêves de gosse, comme piloter un avion Cessna, conduire une Ferrari sur piste, naviguer sur bateau… Après avoir pris les commandes d'un avion de chasse, il envisage même de monter à bord d'un MIG 31 (avion d'interception russe), pour  « aller voir la stratosphère, quand on est à une vingtaine de kilomètres de la Terre et qu'on voit la courbe de la planète ».

Il lui reste parfois assez d'argent sur son compte courant pour se faire de très gros plaisirs, comme de s'acheter une BMW Z4 (21 500 euros, d'occasion).

Parfois, il doit faire face à de grosses dépenses, comme le rachat des parts de son associé (32 500 euros) ou le règlement d'un conflit avec un manager (11 500 euros).

Le total fait donc environ 9 000 euros, un budget parisien, à équilibrer avec les mois en Indonésie, qui font nettement baisser la facture à l'année. Le solde va partir en épargne ou en remboursement anticipé de son emprunt.

Il a 73 300 euros sur trois comptes d'épargne disponibles. Il ne sait pas combien il possède sur son compte courant.

David précise qu'il ne gagne aussi bien sa vie que depuis novembre 2010, date où il a arrêté de tout réinvestir. A 38 ans, il n'a rencontré son premier amour que l'an dernier. La rupture l'a bouleversé et l'a amené à reconsidérer le sens de son existence, explique-t-il. Maintenant, David affirme qu'il veut « sécuriser » sa situation pendant un ou deux ans, et se consacrer à des « projets caritatifs, aide aux jeunes entrepreneurs, à ma famille ».

 

 

 Source : Eco89  Août 2011

 

 

 

 

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