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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 11:00

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François Hollande a bien senti que la rivalité entre Manuel Valls et Christiane Taubira, mise sur la place publique, risquait de lui compliquer encore un peu plus une rentrée qui sera de toute façon difficile. Dès le 2 août, le Président de la République a convoqué Manuel Valls et Christiane Taubira. Il a demandé à la garde des Sceaux de revoir sa loi pénale. Récit d'une crise.

Il couvait depuis des mois. Entre Valls et Taubira, le tonnerre a claqué en plein mois d'août, avec toute la violence des orages d'été. Depuis la "fuite", dans « Le Monde », de leur désaccord, le discours officiel est à l'apaisement. Tous les porte-parole affirment que "Manuel et Christiane" continueront à "travailler ensemble". Mais l'affaire devrait laisser des traces. D'ici à fin septembre, tant leurs divergences sur la loi pénale paraissent insurmontables, il y aura un gagnant et un perdant. "La question est simple, résume un conseiller, Taubira peut-elle claquer la porte si sa réforme pénale accouche d'une souris? Que fera Valls si une loi qu'il juge 'dangereuse' est mise en chantier?" Retour sur une crise en quatre actes.

1- La conférence de consensus

Christiane Taubira porte le projet de réforme pénale depuis plus d'un an. "C'est sa grande réforme. Elle est en phase avec les promesses du candidat Hollande pour supprimer les peines planchers de Nicolas Sarkozy", explique-t-on Place Vendôme. Dès 2012, la ministre lance une "conférence de consensus", réunissant les meilleurs experts du monde judiciaire. Le résultat de leurs travaux tombe en février dernier. En préambule, ils remettent en cause "la prison en terme de prévention de la récidive". Ils proposent d'abandonner les peines planchers automatiques pour les récidivistes et d'instaurer une nouvelle peine, indépendante de la prison, dite "peine de probation". Elle consiste en un suivi, par un magistrat, d'une série de mesures obligatoires (travaux d'intérêt général, réparation aux victimes, soins). Sur le papier, la plupart des spécialistes du monde judiciaire sont plutôt d'accord sur l'analyse… Mais c'est sur sa mise en œuvre que les avis divergent.

2 - L'absence de consensus

Depuis février, la chancellerie planche à l'écriture d'un projet de loi qui devait d'abord être présenté au Parlement avant l'été, avant de se voir repoussé en septembre. « Il y a eu des discussions interministérielles », admet-on Place Beauvau. « À plusieurs reprises, on a souhaité apporter des modifications… » De fait, la plupart des syndicats de police sont réticents. Et si, côté justice, la ministre peut s'appuyer sur le Syndicat de la magistrature (25% aux élections de juin), elle n'a pas le soutient de l'USM, majoritaire (65%). « Christiane Taubira avait été acclamée debout à notre congrès de Colmar d'octobre 2012, mais aujourd'hui la déception est grande », s'inquiète Christophe Régnard, le président de l'USM. « La chancellerie est enfermée dans son dogmatisme. Le système de probation, pour fonctionner, a besoin de moyens que l'on n'a pas. Dans les pays où ça marche, il y a un conseiller de probation pour 20 condamnés. Aujourd'hui en France, on en est à 1 pour 120 et, même en recrutant, en passant à 1 pour 60, cela ne sera pas assez. » Régnard exprime ce que certains magistrats redoutent : "Si les magistrats en charge de la probation sont débordés, à la moindre récidive un peu spectaculaire, nous passerons encore une fois pour de dangereux laxistes. Même si cela dure deux ans, il faudrait prendre le temps d'une grande réforme du code de l'exécution et de l'application des peines", propose-t-il. Reçu à l'Élysée par le conseiller justice du président, Christophe Régnard a fait remonter ses craintes… "Valls exagère sur la forme mais sur le fond, il n'a pas tort", prévient-il.

3 - L'arbitrage du 2 août

À l'Intérieur, les réticences sont du même ordre qu'à l'USM : "Sur ces questions sensibles, nous avons besoin d'un large consensus", avance un conseiller. Le 12 juillet, l'avant-projet de loi préparé par la chancellerie arrive Place Beauvau. À sa lecture, les conseillers de Manuel Valls s'étranglent. Le texte, qui doit partir pour avis au Conseil d'État début août, est jugé "inacceptable en l'état". Sans en informer Christiane Taubira, Manuel Valls décide en urgence d'en appeler à l'arbitrage présidentiel. Une fusée rouge. Son courrier, daté du 25 juillet, est sanglant : "J'attire votre attention sur les désaccords", commence-t-il, avant de lister les désaccords "sur la méthode" et ceux "sur le fond". « Valls ne veut pas de ce projet de réforme pénale », explique un policier. « Il estime que l'automaticité des libérations aux 2/3 de la peine, notamment pour les multirécidivistes, est une mesure dangereuse. Il estime aussi que pour être efficace, comme au Canada, un service de probation digne de ce nom a besoin de moyens énormes… que l'on n'a pas aujourd'hui, faute d'une grande réforme préalable de tout l'appareil judiciaire. » Valls redoute aussi de voir les syndicats de police en ébullition.

Le 2 août, à 8 h 30, juste avant le dernier Conseil des ministres, une réunion est organisée à l'Élysée autour du Président et du Premier ministre avec Manuel Valls, Christiane Taubira et leurs conseillers. L'ambiance est tendue. La veille, à Chartres, des policiers ont accusé le parquet d'avoir laissé en liberté trois personnes, faute de place en prison. La veille également, l'Élysée a transmis à la garde des Sceaux le courrier de Valls, ainsi que son annexe. Taubira fulmine. François Hollande écoute les désaccords entre ses deux ministres. Puis il décide de repousser à septembre la remise de l'avant-projet de loi au Conseil d'État. Le Président demande aussi, comme le propose Valls, de supprimer l'automaticité des libérations conditionnelles aux 2/3 des peines. Il constate que la probation aura "besoin de moyens", qui restent à trouver, "sur les deux ou trois ans"… et demande que l'on "réfléchisse à un dispositif de remplacement des peines planchers". Pour Christiane Taubira, une douche froide. Sa copie est à revoir…

4 - La fuite et la suite

Onze jours après cette réunion à l'Élysée, Le Monde publie la lettre du ministre de l'Intérieur du 25 juillet… mais sans son annexe ni les solutions proposées par l'Intérieur, et sans évoquer la discussion du 2 août et les arbitrages déjà rendus par François Hollande. C'est dire si, à l'Élysée, cette "fuite" provoque la colère présidentielle. Qui a choisi de rendre publics ces désaccords? Les destinataires de la lettre ne sont pas nombreux. Coup de pied de l'âne de Taubira, prête à claquer la porte se sentant désavouée? Manip de Valls voulant enfoncer le clou? Coup de billard à deux bandes de Matignon pour affaiblir le ministre de l'Intérieur? Initiative isolée d'un conseiller? Selon nos sources, tous ont juré au Président qu'ils n'y étaient pour rien. Manuel Valls et Christiane Taubira, en vacances, se sont parlé cette semaine et ont "regretté mutuellement" cette fuite. La prochaine étape? Les services de la chancellerie ont quinze jours pour tenter d'élaborer un compromis… qui semble introuvable. "Un texte sera présenté en Conseil des ministres en septembre et sera discuté au Parlement après les municipales", explique-t-on Place Vendôme. Reste à savoir quel texte… et quels ministres de la Justice et de l'Intérieur le défendront devant les députés.

 

Source : leJDD.fr  19-08-2013

 

 

 

 

 

 

 

 

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