Mis à l'index par le PS après sa sortie sur la "tronche pas catholique"de Fabius, le président controversé de la région Languedoc-Roussillon annonce son soutien à Strauss-Kahn. Les menaces de Martine Aubry ne semblent pas l'avoir ébranlé tant il est sur qu'une liste PS contre lui sera difficile à construire et même si la chose se faisait il a de très bonne chance de gagner !... Alors, puisque la provocation lui réussit si bien, il en rajoute ...
Ses amis lui conseillent de manier la langue de bois, et pour une fois, Georges Frêche a des fiches. Deux feuilles blanches qu’il a noircies de sa main et qui contiennent les formules qu’il voudrait qu’on retienne pour effacer la tempête. A 71 ans, le vieil homme est à nouveau sous le feu des médias, pour avoir dit que Laurent Fabius avait "une tronche pas catholique". Une déclaration faite en décembre lors d’un conseil d’agglomération mais que L’Express a exhumée cette semaine et qui provoque les foudres de Martine Aubry. Frêche est lâché par Paris, il s’en moque, et sert au JDD la formule qu’il a soigneusement préparée: "Je me vois dans la position de Chirac en 1995 quand Balladur lui donnait des coups de poignard dans le dos ; je suis le Villepin d’Aubry…"
"Les gens m’aiment!"
Sens de l’actualité, de la formule politiquement correcte cette fois-ci. Voilà pour les fiches et pour l’éternel refrain de la victime: "Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter tant de haine? Cette histoire fait de la peine à ma femme, à mes filles", récite Frêche, flottant dans son costume bien trop grand. Ses yeux s’animent peu à peu, l’animal politique se réveille et les feuilles blanches ne sont qu’un lointain souvenir. Le festival Frêche peut commencer, magnéto Georges!
Martine Aubry, la première secrétaire du PS à qui il n’a jamais parlé plus de cinq minutes? "Elle tranche comme si elle était une maîtresse d’école, mais elle ne pèse rien. Elle a été élue dans la triche, elle devrait être plus modeste quand elle donne des leçons de morale. Martine, qui se sent morveux qui se mouche! Je connais bien Lille, “Gros Quinquin” [surnom de Pierre Mauroy] était aimé, elle est tolérée. Martine croit que je terrorise les gens, mais il y a un secret qu’à Paris on ne comprend pas : les gens m’aiment! Je ferai tout avec mes amis pour que Martine ne soit pas candidate à la présidentielle…" Et que fera Frêche en 2012 si Dieu lui prête vie? "C’est Strauss-Kahn, mon ami, que je soutiendrai. Je l’ai vu, il y a trois mois à Washington pendant une heure. On était quatre, on a parlé du FMI, de la France, de la présidentielle, il ne s’est pas dévoilé. Je pense qu’il viendra, même s’il gagne beaucoup d’argent au FMI, c’est pas l’argent qui le motive."
"J’espère que je ne vais pas me mettre les ours à dos"
En attendant 2012, Frêche se concentre sur la bataille des régionales, une élection qu’il est sûr de gagner. "Plus le temps passe, plus je vais gagner. Martine Aubry me fait gagner deux points dans les sondages. Tout est fait pour transformer cette élection en référendum pro ou anti-Frêche. Je n’ai pas peur, moi le peuple je l’aime", fanfaronne-t-il. La maire socialiste de Montpellier, Hélène Mandroux, se lance dans la bataille contre celui qui fut son mentor. Frêche feint de s’en moquer. Quand le photographe glisse sur son bureau la une d’un journal local, où trône Mandroux, Frêche balaie le quotidien d’un revers de la main: "Elle a trop de rides, ça va gâcher la photo." Puis se fait menaçant: "Dans son conseil municipal, j’ai 24 socialistes sur 28 qui me soutiennent, on verra bien, elle prend des gros risques. C’est moi qui l’ai choisie en 2004 [pour lui succéder à la mairie], elle a fait quatre ans très bien, et en 2008, ça lui est monté à la tête. J’avais un chef de cabinet qui m’a trahi, elle l’a embauché. Elle cherche la guerre, je ne veux pas la détruire. Quand vous inventez quelqu’un, il vous tire dessus, c’est vieux comme le monde. Chirac a connu ça, il a été trahi par Balladur et Sarkozy. On est toujours trahi par les siens. J’ai épuisé le lot, je ne mets plus personne en avant, c’est mieux."
L’heure passe, Frêche est de plus en plus naturel. Paul Alliès, l’universitaire copain de Montebourg propulsé porte-parole de Mandroux face à Frêche? "Vaut mieux qu’il enseigne la science politique, en pratique il vaut un et demi sur vingt. Je vais me mettre à dos les Japonais, c’est un adepte des pantalons Kenzo." Ceux qui se lèvent contre lui?
"Des ours de bazar." Et Frêche se marre: "J’espère que je ne vais pas me mettre les ours à dos, je suis obligé d’inventer des formules." Mélenchon, qui avec son ami René Revol et sa liste PC-Parti de gauche-NPA entend faire perdre Frêche? "Je l’aime bien, il a le même avis que moi sur les Tibétains: il pense que ce sont des Chinois. Son problème est d’essayer d’éliminer Marie-George Buffet, ce n’est pas le mien." Nicolas Sarkozy, qu’il a comparé à un "grand Mamamouchi à talons compensés"? "Je maintiens, je suis plutôt tendance Carla dans le couple Sarkozy. C’est la meilleure première dame, ça change de tante Yvonne. La femme de Mitterrand était pas mal, elle était en désaccord avec lui, et elle venait d’une grande famille résistante."
Georges Frêche est content de lui: il a tapé sur tout le monde. Il observe d’un coin de l’œil les statuettes de Mao, Roosevelt, Churchill, Lénine, Jaurès et de Gaulle qui trônent sur son bureau. Il doit partir faire campagne. Son directeur de cabinet s’approche, Frêche s’appuie, attrape la canne qu’il lui tend, s’accroche à son épaule et se lève. Il commente: "Je vais me faire opérer après les régionales, une hanche en plastique." Le vieil homme veut croire qu’il a encore une vie politique devant lui. "Je ne veux pas me venger. J’ai écouté Villepin, j’ai la même admiration et la même tendresse pour Mandroux et Aubry que lui pour Sarkozy!" Et il nous quitte sur un tonitruant "Mes amitiés à Martine!"
Source : lejdd.fr 30-01-2010