
"Le premier mot que je voudrais prononcer en son nom est pardon, pardon pour ses torrents de mensonges", a plaidé jeudi l'avocat d'Imad Lahoud, faussaire présumé de l'affaire Clearstream, pour tenter de sauver son client qui depuis un mois déclenche les rires de l'assistance. Me Olivier Pardoa toutefois estimé que "son rôle n'est pas d'excuser ces mensonges mais de les expliquer".
Mardi, le parquet avait requis deux ans de prison dont 18 mois ferme et 45.000 euros d'amende à l'encontre d'Imad Lahoud, un agrégé de mathématiques franco-libanais : celui-ci est soupçonné par le ministère public d'avoir falsifié les listings Clearstream et d'y avoir ajouté le nom de personnalités, dont celui de Nicolas Sarkozy, afin de faire croire qu'elles détenaient des comptes occultes à l'étranger.
"Il a menti parce qu'il était tenu par des protecteurs puissants, par des parrains de haut vol qui pendant les faits, pendant l'instruction, le tenaient", a plaidé Me Pardo, avant de citer l'ancien vice-président d'EADS, Jean-Louis Gergorin, l'ex-ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin et le général Philippe Rondot. Étape après étape, le conseil a rappelé "la folle carrière" d'Imad Lahoud, un diplômé de mathématiques qui "devient consultant de la première entreprise d'armement française, EADS, par la grâce de Jean-Louis Gergorin".
Mais sa carrière "ne s'arrête pas là : le trader spécialiste de la finance va se retrouver informaticien de génie", puisqu'il va être propulsé par son mentor à la tête du centre de recherche d'EADS. Ensuite, selon l'avocat, le 25 mars 2004, alors qu'il est en garde à vue pour une affaire d'escroquerie annexe, "une main encore plus puissante va le prendre pour le protéger", Dominique de Villepin. Une intervention que l'ancien Premier ministre a toujours niée.
Nullité de l'entière procédure réclamée
Selon Me Pardo, toutes ces personnes lui auraient dit : "Si tu ne fais pas ce que je veux, on te lâche et on s'essuie les pieds sur toi". "C'est pour cela sans doute qu'il a menti, et encore menti". Dans cette affaire, a conclu l'avocat, de nombreux doutes subsistent et "le doute doit bénéficier au prévenu".
Mardi, le vice-procureur Romain Victor avait brocardé un "escroc", dont "la propension au mensonge est incomparable". Fort d'une "responsabilité immense" dans la manipulation, Imad Lahoud n'aurait toutefois eu, selon le parquet, qu'un "rôle subalterne" par rapport au maître d'oeuvre Jean-Louis Gergorin. La défense de Dominique de Villepin place, elle, Imad Lahoud à l'origine de la machination. Selon elle, ce serait lui et lui seul qui aurait habilement manipulé Jean-Louis Gergorin.
Faux, a répondu Me Pardo, selon lequel Jean-Louis Gergorin est lui aussi un menteur, seulement, "quand il ment, lui on le croit, parce qu'il est vice-président d'EADS, parce qu'il est polytechnicien, énarque. Et ces gens-là, ça ne ment pas". Quant à Dominique de Villepin, il connaissait Imad Lahoud, a assuré l'avocat. Un "secret" qu'il protège farouchement depuis le début de l'audience. Selon Me Pardo, c'est ce qu'a prouvé, en creux, le témoignage des époux Piloquet, la belle-soeur et le beau-frère de Dominique de Villepin, voisins d'Imad Lahoud à l'époque des faits. Énervement ou inquiétude, M. de Villepin s'est alors longuement retourné pour fixer l'avocat, exerçant sur lui une lourde pression.
Vendredi 23 octobre, les avocats de Jean-Louis Gergorin prendront le relais pour clore le procès. Dès jeudi, Me Paul-Albert Iweins a plaidé brièvement que les propos de Nicolas Sarkozy qualifiant les prévenus de "coupables", pouvaient justifier à eux seuls que le tribunal prononce la nullité de l'entière procédure.
Source : lepoint.fr 23-10-2009