Le Conseil d'Etat estime, dans son rapport sur la burqa rendu mardi 30 mars au Premier ministre, qu'une interdiction générale du port du voile intégral dans "l'ensemble de l'espace public" serait exposée "à de sérieux risques au regard de la Constitution et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales".
La burqa promet d’être un des sujets phares des prochains mois. Au lendemain des élections régionales, le président de la République, dans un brusque coup de barre à droite, a promis une loi d’interdiction et lancé du même coup le compte à rebours. Jeudi, dans la plus grande confidentialité, le Conseil d’Etat a adopté un rapport sur les moyens juridiques permettant de concocter une telle loi. Rapport qu’il doit remettre au Premier ministre cette semaine. Or les sages ont conclu, au vu de la jurisprudence existante, que la prohibition totale était impossible.
L’interdiction fondée sur la "protection de la dignité humaine", principal argument envisageable, ne peut être invoquée que si "la victime" n’est pas consentante. Or dans le cas du port du voile intégral, la grande majorité des adeptes déclarent le contraire.
Calmer les ardeurs des députés UMP
Face à l’extrême sensibilité du sujet, François Fillon, considérant qu’il serait difficile de faire l’impasse sur ce texte, avait en effet, le 30 janvier dernier, demandé aux magistrats du Conseil de lui préparer le terrain. Une manière de calmer les ardeurs de certains parlementaires, comme le chef de file des députés UMP Jean-François Copé, qui avait déjà rédigé une proposition de loi et fixé le montant des amendes encourues! Pendant la campagne des régionales, l’appétit de la droite s’est encore aiguisé. Sur le terrain, les conseillers régionaux de la majorité ont acquis la conviction que le sujet était incontournable pour leur électorat. "A l’applaudimètre, la burqa est ressortie gagnante de tous les meetings", raconte un candidat. Les bons résultats du Front national n’ont fait que conforter leur avis. Pourtant, selon les rares études policières disponibles, la burqa – le voile intégral dans la plupart des cas – serait seulement portée par quelque 2.500 femmes en France. La consultation par anticipation du Conseil d’Etat est un exercice assez exceptionnel.
"Nous sommes généralement habitués à rendre des avis sur des textes législatifs déjà rédigés, explique un des magistrats du Palais-Royal. Il est rare que l’on nous demande comment les rédiger". C’est Olivier Schrameck, l’ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, réputé pour sa mesure, qui a dirigé les travaux de la "section des rapports et des études".
Des arrêtés à la discrétion des préfets
L’étude du Conseil d’Etat devrait conduire le gouvernement à chercher à limiter, plutôt qu’à interdire, la circulation des personnes qui choisissent de revêtir le voile intégral. Les préfets devraient en effet pouvoir, à leur discrétion, prendre des arrêtés pour prohiber l’usage de celui-ci dans certaines zones. Le Conseil entrevoit également la possibilité de sanctions, en punissant notamment "toute personne qui en contraindrait une autre à porter un vêtement en fonction de son âge, de sa religion, de son orientation sexuelle"…
Plusieurs ministres sont prêts à se saisir de la question pour monter au créneau devant les parlementaires. Eric Besson, ministre de l’Immigration, mis à mal après son débat sur l’identité nationale, pourrait être contraint de céder sa place à la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, ou plus sûrement au ministre des Cultes, Brice Hortefeux. Ce dernier, qui n’avait pas de conseiller religion jusqu’à présent, s’apprêterait à étoffer son staff en vue du prochain débat parlementaire.
Source : lejdd.fr 30-03-2010
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