Premier discours de ministre de l’Economie d'Arnaud Montebourg ce jeudi 10 juillet ou plutôt grand show Montebourg avec décor et mise en scène.

Il a soigné le décor. Lumière tamisée, spots bleus, mots-clés projetés au mur ("débat", "anticonformisme"…). Et lui debout dans la lumière. Arnaud Montebourg a délivré son premier discours de ministre de l’Economie ce jeudi 10 juillet à Bercy devant environ 500 personnes, pour la plupart des représentants d’entreprises. Un discours aux apparences policées. Mais qui, sur le fond, diverge des orientations de François Hollande et Manuel Valls.

Certes, le ministre de l’Economie n’a pas ouvertement remis en cause les 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, ni les baisses d’impôts pour les entreprises, ni le Pacte de responsabilité. Voilà pour les apparences. Pourtant, si l’on traduit ses préconisations, il propose bel et bien un autre chemin en matière de politique économique. "Il ne s’agit pas de remettre en cause les 50 milliards d’économie, il s’agit de bien les utiliser", a-t-il lancé. La nuance est de taille. Montebourg veut que les efforts financiers soient répartis en trois parts égales. Une pour réduire le déficit, une autre pour les entreprises, une autre pour les ménages.

C’est loin d’être le cas. L’essentiel des économies (2,5 point de PIB) doit servir à réduire le déficit public, qui atteindrait selon les projections du gouvernement 1,3% du PIB en 2017 contre 3,8% cette année – sous réserve que ce premier objectif soit atteint. Les baisses de prélèvements à venir sont surtout mises en œuvre pour réduire les charges des entreprises (environ 2 points de PIB). Les baisses d’impôts pour les ménages sont plus limitées (un quart de point de PIB).

Montebourg rejoint implicitement les "frondeurs"

Sur la base de 50 milliards, le partage façon Montebourg conduirait mécaniquement à maintenir un déficit public un peu supérieur à -3% du PIB en 2017. Comment échapper à une sanction de Bruxelles? Le co-patron de Bercy (avec Michel Sapin) fait appel aux "flexibilités dernièrement conquises par le président de la République dans le cadre de la réorientation de l’Europe". Qui restent à définir... Le ministre pense surtout que ses choix auraient pour conséquence de doper la croissance économique – ce qui renflouerait automatiquement les caisses. Il n’a toutefois livré aucun chiffrage.

Reste peut-être le principal : avec ce discours, l’ancien candidat à la primaire socialiste rejoint implicitement les "frondeurs" et autres socialistes critiques, qui ont réclamé davantage de mesures pour les ménages. Et il prend clairement ses distances avec le Président. François Hollande fut d’ailleurs la cible subliminale de ce "Montebourg show" de trois quart d’heure. Jamais le ministre n’a cité son nom. Il s’est permis avec ironie de pasticher sa plus célèbre tirade du discours du Bourget. "Je n’ai qu’un seul ennemi, c’est l’immobilisme. Il n’est pas candidat, et pourtant, il gouverne". A quatre jours de la traditionnelle intervention du 14-juillet, le chef de l’Etat est renvoyé à ses positions de campagne – une autre antienne des frondeurs et assimilés. En redescendant de la tribune, Arnaud Montebourg s’est aussi plu à souligner la présence au premier rang devant lui de Jean-Claude Mailly, le leader de Force ouvrière qui a boycotté la conférence sociale chère à Hollande. Manuel Valls s’en sort mieux. Quoique. Montebourg a cité deux fois son nom, ainsi qu’un passage de son discours de politique générale portant sur le niveau de l’euro. Histoire de ne pas se fâcher tout de suite, sans doute…

Qu'en pense François Hollande ? Qu'en pense Manuel Valls ? Se sont-ils répartis les rôles pour essayer de réunifier un parti socialiste qui part en miettes ? Toujours est-il que si les entrepreneurs attendaient des éclaircissements pour embaucher et relancer les investissements c'est encore raté !... 

Source : leJDD.fr  10-07-2014

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