Témoin des récents événements qui se sont déroulés au Mali ou de la condamnation de Charles Taylor, Abdou Diouf, ancien président du Sénégal et secrétaire général de la Francophonie, livre son analyse au Journal Du Dimanche.
Putsch au Mali, coup d’État en Guinée-Bissau, attentats au Nigeria, guerre entre les deux Soudan, menaces terroristes et tentatives de déstabilisation, le continent africain n’a pas été épargné ces dernières semaines. Et pourtant, je reste fondamentalement afro-optimiste : il y a une autre Afrique ! À commencer par celle des alternances politiques réussies, comme dans mon propre pays le Sénégal ou l’on se passe le témoin de la démocratie pluraliste pour renouveler les équipes dans le respect des traditions républicaines. Quant aux coups d’État, il n’y a qu’à voir les réactions des populations et de la communauté internationale pour vérifier que ce sont des méthodes devenues inacceptables. Cette semaine, l’ancien président du Liberia Charles Taylor a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale. C’est un immense progrès contre l’impunité et je rappelle ici que le Sénégal fut le premier pays au monde à ratifier la Convention de la création de la CPI.
Le taux de croissance de l’Afrique est de 5 % par an et pourrait encore augmenter
Sur le plan économique, depuis 1995, l’Afrique voit son taux de croissance progresser en moyenne de 5% et je suis persuadé que nous ne tarderons pas à rejoindre les performances des pays émergents. Pour peu que nos progrès en matière d’éducation et de formation soient maintenus et que nos infrastructures se développent, cette croissance peut encore s’accélérer jusqu’à atteindre deux chiffres. C’est un paradoxe que de voir aujourd’hui un grand pays puissant comme l’Afrique du Sud faire 3,5 % de croissance, touchée plus que d’autres par les ricochets de la crise dans les pays riches alors que des pays bien plus pauvres ont une croissance presque deux fois plus importante. Certes, la pauvreté est toujours là et n’a pas partout reculé. Mais les classes moyennes en Afrique se sont considérablement développées. C’est l’une des conséquences des efforts fournis pour améliorer nos systèmes éducatifs. Aujourd’hui, 80% des jeunes Africains sont scolarisés. Ce taux pourrait atteindre 100% d’ici à 2050.
"En Europe, je constate que trop souvent on associe Afrique et immigration"
En Europe, je constate que trop souvent on associe Afrique et immigration. Comme si l’immigration était uniquement du sud vers le nord alors que le flux est bien plus important sur l’axe sud-sud, à l’intérieur même de l’Afrique et entre notre continent et le Moyen-Orient jusqu’en Asie. D’autres s’alarment de voir la Chine de plus en plus présente par ses investissements en Afrique. Je réponds que la Chine a besoin de nos matières premières et que cet échange est gagnant-gagnant. Mais l’Afrique n’appartient à personne, nous avons besoin de tous et l’Europe reste encore le premier contributeur d’aide publique au développement. Certes, l’objectif de reverser 0,7% du revenu national brut aux pays en voie de développement est loin d’être tenu par tous les pays riches mais, parallèlement, la thématique des financements innovants continue de progresser. Imaginez que sur les 4.000 milliards d’euros d’opérations de change au quotidien une taxe indolore de 0,005% soit prélevée et cela libérerait près de 200 millions d’euros par jour pour dynamiser les progrès des Africains. Afin que le XXIe siècle devienne, comme j’en suis convaincu, le siècle de l’Afrique.
Abdou Diouf dans « Le Journal du Dimanche » 30 avril 2012
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