
Arthur Davis, membre de la Chambre des représentants, est un ami de longue date de Barack Obama. Les deux hommes, qui étudiaient ensemble le droit à Harvard, se voient régulièrement. Mais, vendredi 26 juin, Arthur Davis n'a pas hésité à s'opposer au président : il a voté, sans succès, contre le projet de loi sur le climat, qui instaure pour la première fois aux Etats-Unis une limitation des émissions de gaz à effet de serre, un texte que Barack Obama avait déclaré "extraordinairement important". Explication: "Le système de marché d'émissions de CO2 pénalise les régions industrielles. L'Alabama perdra des emplois", juge M. Davis, candidat au poste de gouverneur en 2010.
Malgré la défection des sept représentants de l'Alabama, le projet de loi sur le changement climatique a été adopté, offrant une victoire retentissante à M. Obama à un moment où son étoile a un peu pâli. Mais l'exercice a rappelé à quel point le président américain a du mal à faire régner la discipline dans son propre parti.
Pour M. Obama, qui a fait de l'énergie propre et de l'économie "verte" l'un des pivots de sa politique, le passage du texte était un test de crédibilité. Tant en politique intérieure que vis-à-vis de ses partenaires internationaux, qui le pressaient de prendre des engagements chiffrés dans les négociations sur le climat qui doivent aboutir en décembre à Copenhague.
Le Clean Energy and Security Act a donc été acquis à une faible majorité (219 voix contre 212). Malgré le lobbying intensif de la Maison Blanche, mobilisant Al Gore, le Prix Nobel 2007, pour passer des coups de fil aux élus récalcitrants, 44 démocrates ont voté contre, issus des Etats charbonniers du Sud-Est, de zones rurales ou de l'industrie automobile.
Mais il y a encore un an, une loi visant à lutter contre le changement climatique aurait été impensable, l'administration Bush n'ayant jamais véritablement admis la responsabilité humaine dans le réchauffement. Et il y a six mois, la plupart des Américains n'avaient jamais entendu parler du système de marché d'émissions (cap and trade) qui est proposé et que les républicains ont rebaptisé "taxe nationale sur l'énergie". Pour convaincre les producteurs de charbon et d'acier, les promoteurs du texte, Henry Waxman et Edward Markey, ont accepté que des permis de polluer soient accordés gratuitement aux industries les plus vulnérables.
Le projet demande une réduction des émissions de 17% en 2020 par rapport au niveau de 2005. M.Waxman était parti sur un chiffre de 20%; BarackObama avait évoqué, pendant la campagne, le chiffre de 14-15%. Les compagnies électriques devraient convertir 12% de leur production aux énergies renouvelables en 2020.
DÉBAT AGRESSIF
Le vote a été acquis à l'issue d'un débat agressif, que la présidente démocrate du Congrès, Nancy Pelosi, avait limité à trois heures, pour tenter de parvenir à une conclusion avant les vacances parlementaires de la fête nationale du 4 juillet. Chaque orateur n'avait droit qu'à une minute, ce qui a encore renforcé le caractère tranché des arguments.
Là ou M.Waxman a vu "une action historique" qui fera des Etats-Unis le "leader mondial dans l'économie de l'énergie propre", les républicains ont présenté une perspective apocalyptique: "Cette législation va détruire notre mode de vie, a affirmé le représentant Frank Lucas, de l'Oklahoma. Tout cela pour que les Etats-Unis puissent être les leaders sur la question du changement climatique!" Les républicains affirment que les propositions démocrates vont coûter plus de 3000 dollars à chaque famille, alors que le Congressionnal Budget Office a chiffré le surcoût annuel à 175 dollars.
Les républicains savent que l'idée de marché de droits d'émissions n'est pas très populaire. Selon un sondage Washington Post-ABC, 75% des Américains pensent que l'Etat fédéral devrait réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Mais ils ne sont que 52% à soutenir l'idée d'un marché de droits d'émissions. "Le principal objectif de ce texte est de permettre au président de faire une photo en décembre à Copenhague", s'est insurgé le représentant Mike Conaway, du Texas, évoquant les négociations de l'ONU sur le climat.
M.Obama va maintenant devoir convaincre le Sénat, où les opposants au cap and trade disposent des moyens de lui faire obstruction. Depuis plusieurs mois, Barbara Boxer, sénatrice de Californie, essaie de bâtir discrètement un consensus sur un projet. Sachant que les parlementaires ont les yeux rivés sur la Chine, Mme Pelosi s'est rendue à Pékin fin mai pour parler de l'environnement.
Mais le vote de vendredi permet à M.Obama d'aborder le G8, qui doit se tenir du 8 au 10juillet en Italie, dans une posture plus confortable. Recevant la chancelière allemande Angela Merkel à la Maison Blanche, le président américain a reconnu que l'Europe avait été "plus rapide que les Etats-Unis" pour s'attaquer à la question climatique. "Cette législation montre que d'énormes progrès ont été faits, a-t-il dit. Mais nous savons tous que ce n'est qu'un début."
Source : lemonde.fr 27-06-2009