
La vraie-fausse mort du président du Gabon Omar Bongo provoque de fortes tensions entre Paris et Libreville. Au matin du lundi 8 juin, l'ambassadeur de France dans la capitale gabonaise, Jean-Didier Roisin, a été convoqué au ministère gabonais des Affaires étrangères, qui lui a transmis une protestation verbale.
Les autorités locales sont particulièrement remontées contre les médias français, coupables d'avoir annoncé - de manière prématurée - le décès du chef de l'Etat, hospitalisé dans une clinique de Barcelone depuis début mai, dans un état grave. Le Premier ministre gabonais, Jean Eyeghe Ndong, a catégoriquement démenti cette information, donnée hier 7 juin par le Point.fr et reprise par l'AFP, citant une «source proche du gouvernement français».
Soupçons de double jeu
Depuis plusieurs mois, le pouvoir gabonais accuse les journalistes français de mener une campagne de dénigrement systématique à son encontre. Les relations franco-gabonaises sont également polluées par l'affaire dite des «biens mal acquis»: plusieurs plaintes ont été déposées par des ONG contre trois présidents africains, dont Omar Bongo, accusés d'avoir acquis un vaste patrimoine immobilier en détournant des fonds publics. Paris a beau réaffirmer que la justice et les médias sont indépendants, rien n'y fait. Le clan Bongo soupçonne l'Elysée de double jeu.
En l'espèce, la confusion est entretenue par l'existence d'une «source proche du gouvernement français» qui aurait confirmé à l'AFP le décès du doyen des chefs d'Etat en Afrique, au pouvoir depuis 1967. Avant son élection à l'Elysée, Nicolas Sarkozy avait promis de mettre fin aux réseaux parallèles qui perdurent dans les relations avec les ex-colonies françaises sur le continent noir. Mais, comme l'ont bien montré Antoine Glaser et Stephen Smith dans leur dernier ouvrage (1), l'Elysée s'appuie côté pile sur un groupe de conseillers africains dirigés par Bruno Joubert (l'ex-cellule Afrique de l'Elysée) et côté face sur des émissaires proches du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. Parmi eux figure notamment l'avocat Robert Bourgi, proche de la présidence gabonaise.
A l'heure qu'il est, des rumeurs contradictoires circulent sur l'état de santé réel d'Omar Bongo. Si les proches du président gabonais, ainsi qu'une source diplomatique espagnole, récusent formellement qu'il soit mort, on observera que l'hôpital Qiron, à Barcelone, n'a publié aucun communiqué, dans un sens ou dans l'autre. L'une des hypothèses les plus plausibles serait que Bongo soit dans un état désespéré, et que ses proches aient décidé de le ramener dans son pays avant d'annoncer sa disparition.
(1) Sarko en Afrique, Plon.
Source : liberation.fr 08-06-2009