
Alors que la semaine dernière Bernard Tapie annonçait, à grand bruit, qu'il voulait revenir "dans les affaires" et qu'il s'inrterressait au Club Med. Alors que le titre est chahuté en bourse, le PDG du Club, Henri Giscard d'Estaing met les choses au point et défend sa stratégie. C'est le Figaro du 12 mai dernier qui receuille cet interview.
Vous venez de lancer une augmentation de capital pour renforcer les fonds propres du Club de 98 millions d'euros. Pourquoi une telle opération maintenant ?
Le besoin de renforcer sa situation financière n'est pas propre au Club Med et n'est pas nouveau. Dans son principe, cette opération a été approuvée par le comité stratégique depuis longtemps. Nous avons décidé de la mettre en œuvre il y a plus d'un mois. Une augmentation de capital est une opération complexe qui ne se décide pas du jour au lendemain. Depuis le début de l'année, soixante entreprises européennes sont augmenté leur capital, un record ! Les conditions de marché se sont améliorées. Il nous est donc apparu que c'était le bon moment.
Les déclarations d'intérêt de Bernard Tapie pour le Club n'ont donc pas joué dans le calendrier ?
Non ! Cette décision s'inscrit dans notre stratégie de long terme et dans la perspective de nos prochaines échéances de remboursement. Il n'y avait pas d'urgence, mais nous n'avions pas intérêt à attendre. La dette du Club Med est supérieure à 300 millions d'euros. Trois de nos principaux actionnaires ont décidé de suivre l'opération : Rolaco, Air France et la Caisse de dépôt et de Gestion du Maroc qui veut même se renforcer. Nous avons aussi la confiance de la Caisse des dépôts et consignations et celle du Crédit agricole, notre banquier historique. Ils garantissent le succès de l'augmentation de capital et devraient devenir actionnaires.
L'intervention de la Caisse des dépôts peut paraître surprenante…
La CDC a été un important actionnaire du Club pendant des années et elle est restée un partenaire financier de premier plan. Nous avons rénové notre village des Boucaniers en Martinique en partenariat avec elle. Dans les Alpes, nous étudions comment l'associer au projet de création d'un nouveau village à Valmorel. Je suis heureux qu'une institution comme la Caisse des dépôts considère son intervention dans le Club comme stratégique. Car c'est le cas. La France, où nous sommes très présents (notamment pour le ski) est la première destination touristique au monde et nous voulons faire du Club, d'origine française, le spécialiste mondial des vacances haut de gamme, conviviales et multiculturelles.
Vous répétez souvent que le Club est ouvert à de nouveaux partenaires. Pourquoi pas Bernard Tapie ?
Nous sommes ouverts aux partenariats qui permettent d'accélérer la stratégie de développement, notamment à l'international où le potentiel est très important. D'ici la fin de l'année, nous aurons déterminé un nouveau partenaire en Chine, où nous avons des projets d'ouverture. C'est du concret. A sa demande, j'ai rencontré Bernard Tapie il y a trois semaines, de façon informelle. Il m'a dit son intérêt pour le Club. Mais je n'ai pas perçu dans cette conversation beaucoup d'éléments concrets s'intégrant dans cette vision stratégique.
L'arrivée de Bernard Tapie est-elle, selon vous, une menace pour l'avenir du Club ?
Le Club a un projet «industriel» de long terme. Ce qui m'importe, c'est qu'il ait des actionnaires qui partagent et soutiennent activement la stratégie fixée. Ce que nous faisons c'est un changement en profondeur. En trois ans, nous avons investi 400 millions d'euros dans la montée en gamme du Club. Cela a pris du temps mais c'est quasiment finalisé.
Vous avez saisi l'Autorité des marchés financiers suite aux «déclarations contradictoires » de Bernard Tapie. Pensez-vous qu'il va investir dans le Club ?
Très honnêtement, je n'en sais rien. Mais chacun a le droit de faire une offre. Que ce soit, en plus, le moment de s'intéresser au Club, ne fait aucun doute. Bernard Tapie dit qu'il a le soutien de trois ou quatre actionnaires. Que ceux-ci se fassent connaître ! Il multiplie des déclarations changeantes et contradictoires qui pourraient abuser, en période d'augmentation de capital, des actionnaires sur ses intentions réelles.
Bernard Tapie critique violemment votre stratégie. Que lui répondez-vous ?
Quand Bernard Tapie dit qu'on ne peut pas être positionné haut de gamme (comme l'est le nouveau Club Med) et laisser ses clients porter leurs valises, il a raison. Seulement… ce n'est, bien sûr, pas le cas au Club ! Il devrait le savoir… Je ne peux pas admettre non plus qu'il évoque l'amateurisme des salariés du Club ! C'est faux et blessant quand on connaît l'engagement des GO, leur dévouement et leur talent au service de nos clients. J'ai la forte conviction, et beaucoup de nos actionnaires avec moi, que le Club Med est sur la bonne voie. Dans le tourisme, il faut clairement choisir son camp : le low cost ou le haut de gamme. Nous avons choisi le tout compris haut de gamme pour les familles et, sans faire de pêché d'orgueil, je constate que le Club résiste mieux que d'autres dans le secteur et gagne aujourd'hui des parts de marché tout en améliorant sa rentabilité opérationnelle. Au premier semestre, comme tout le monde, nous avons perdu des clients mais nous continuons à en gagner dans nos villages quatre et cinq tridents. Nos réservations sont, à ce jour, en recul de 17% pour l'été. Et cela avant que le late booking se produise. Mais certains de nos concurrents ont publié tout récemment des chiffres faisant état d'un recul de leurs réservations de plus de 20%. Nous avons pris la bonne direction. Et mon seul souci est la réussite de cette belle entreprise.
Source : lefigaro.fr 12-05-2009