L’INDE, la plus grande démocratie du monde, comme on a coutume de le dire, est bien loin de la France. Lancé depuis près d’un mois dans des élections législatives, cet immense pays de 1,1 milliards d’habitants et de 714 millions d’électeurs, n’attire pas la foule des journalistes européens !.. Et pourtant, l’enjeu est d’importance. Les deux grands partis traditionnels s’affrontent : le BJP et le Congrès. Mais cette fois apparaît un Troisième Front, mené par Mayawa Kumari, l’égérie des indiens "intouchables", qui rend à peu près impossible tout pronostic sur le résultat du scrutin. Voir notre article du 18-04-2009 "INDE : 714 millions d'électeurs, 1 mois de scrutin"
La revue Aujourd’hui l’Inde a rencontré quelques uns de ces électeurs.
Buddah Valu Kondar a 19 ans et vit dans le petit village de Purushwadi, dans le district tribal d’Akole à quelques centaines de kilomètres de Bombay. Il vient d’une famille d’agriculteurs et a récemment été engagé par Oikos, une petite entreprise qui promeut le design et l’architecture écologiques. Buddah a arrêté l’école quand il avait 14 ans, mais s’il était Premier ministre il sait ce qu’il ferait
Allez-vous voter ?
J'ai su qu'il y avait les élections générales il y a seulement quelques semaines. En ce moment, il est très difficile de voyager d'un village à un autre : les hommes politiques ont réquisitionné tous les moyens de transport pour leurs propres déplacements. Je ne me suis pas inscrit sur les listes électorales, donc non, jeudi, je n'irai pas voter
Si vous aviez une carte électorale, à quel parti donneriez-vous votre voix ?
Je ne sais pas. En ce moment dans mon village il y a deux ou trois meetings par jour. J'en ai écouté plusieurs, mais les candidats des différents partis promettent tous la même chose : la construction d'une route, d'un oléoduc, de sanitaires… Ils viennent toujours nous voir au moment des élections, ils nous annoncent de bonnes nouvelles, distribuent des billets à certains, mais ensuite ils disparaissent, et rien ne se passe. Quatre ans après ils reviennent…
Etes-vous satisfait de votre condition d'agriculteur ?
Ma famille possède sa propre terre. Nous avons notre ferme, nos animaux et nos champs ce qui nous permet de produire notre nourriture. Les bonnes années, on vend le surplus, ce qui nous permet de gagner un peu d'argent. Mais une mauvaise mousson ou un membre de notre famille malade et c'est la catastrophe. En tant d'agriculteur, je m'inquiète de la pluie, et j'accepte de dépendre de la nature, mais l'insécurité qui en découle est quand même difficile à vivre.
Que feriez-vous si vous étiez Premier ministre ?
J'arrêterais la déforestation. Couper un arbre c'est tuer une famille. Moins il y a de végétation, moins il y a de pluie et moins les récoltes sont bonnes. Les paysans qui n'arrivent plus à nourrir leur famille quittent leur terre pour aller tenter leur chance en ville. Mais moi je n'ai pas envie de dormir sur un trottoir à Bombay. Ensuite je construirais des routes intelligentes qui prennent en compte la nature et la réalité de la population locale. Si nous avions les infrastructures adéquates cela nous permettrait de nous entraider : une famine, causée par une maladie du riz dans un village, pourrait être évitée si le surplus réalisé dans un autre village pouvait être acheminé facilement.
De quoi rêvez-vous ?
Quand j'étais enfant, je rêvais d'être quelqu'un d'important et de gagner beaucoup d'argent mais quand j'ai quitté l‘école j'ai cessé d'y croire. Récemment grâce à une ONG qui travaille dans mon village, j'ai rencontré le dirigeant d'Oikos, une entreprise qui propose des solutions écologiques et il m'a engagé pour ma connaissance des plantes. Je fais un travail de recherche, je traque les espèces rares, les photographie, j'adore ça. Je rêve désormais d'enrichir mon savoir et de le partager. Je veux me marier et avoir des enfants qui seront heureux de vivre sur ma terre.
Source : Aujourd'hui l'Inde mai 2009