
Une enquête sur le travail des parlementaires à l'Assemblée nationale, député par député, montre que l'activité de certains est quasi nulle. Le socialiste Didier Migaud remporte la médaille d'or des députés les plus actifs. Le bonnet d'âne est décerné à l'UMP Pierre Bédier.
C'est une enquête qui va sans doute apporter du grain au moulin de Roger Karoutchi. Alors que l'épisode Hadopi a motivé le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement à relancer le débat sur l'application de sanctions financières contre les députés trop peu présents, le journaliste Vincent Nouzille* vient de se pencher sur l'activité des députés à l'Assemblée depuis les dernières élections législatives.
Une enquête qui comptabilise les rapports parlementaires, propositions de loi, interventions en séances et commissions, et les questions de chaque député pour dresser un palmarès du plus absent au plus actif. Le constat est sans appel : 142 des 577 députés sont intervenus moins de dix fois en séance ou en commission depuis juin 2007, soit plus de 21 mois. Parmi ces 142 mauvais élèves figurent notamment les UMP Xavier Bertrand (ministre jusqu'en janvier 2009), Christian Estrosi (ministre jusqu'en mars 2008), Jean Tiberi, Eric Raoult, Patrick Balkany ou Dominique Perben, et les socialistes Jean-Christophe Cambadélis, André Vallini, Daniel Vaillant, Jack Lang ou encore Claude Bartolone. Même si certains d'entre eux ont pu rédiger plusieurs questions sans intervenir en séance ou en commissions.
C'est au député UMP Pierre Bédier que revient le bonnet d'âne de l'Assemblée. Avec aucune activité (zéro question, intervention, rapport ou proposition de loi), le président du Conseil général des Yvelines et ancien ministre termine bon dernier. Chargé en octobre d'une mission parlementaire sur le développement solidaire et l'immigration, Pierre Bédier a tout récemment décidé de renoncer à son mandat de député et de céder sa place à sa suppléante. Egalement mal classé (deux interventions au compteur), Jack Lang critique un décompte qui relève d'un «manque d'honnêteté» et d'une «vision comptable, formaliste et incomplète» du travail parlementaire.
«La soumission du parlement à l'exécutif décourage certains»
A l'autre extrémité du classement et avec 303 interventions, le socialiste Didier Migaud, président de la commission des finances et premier au classement, peut se targuer d'une remarquable activité à l'Assemblée. «Je veille à équilibrer ma présence à Paris pour contrôler l'action gouvernementale, et dans ma circonscription pour faire du travail de terrain», affirme-t-il au figaro.fr. Quant aux mauvais élèves, le député de l'Isère se garde bien de les accabler. «Quand on voit la soumission du parlement à l'exécutif, cela décourage certains qui préfèrent se consacrer au terrain», avance-t-il. Certains observateurs préfèrent soulever la question du cumul des mandats.
Toujours est-il que le récent rejet du projet de loi Création et Internet a ravivé un vieux débat : l'application de sanctions financières contre les députés peu actifs. Aujourd'hui, l'indemnité mensuelle d'un député s'élève à 5.219€ nets. L'article 162 du règlement intérieur de l'Assemblée, qui prévoit une pénalité pécuniaire contre les absentéistes (sous forme de retenue d'un tiers à deux-tiers de l'indemnité, selon la participation), n'a jamais été appliqué. «C'est une règle sans sanction et qui ne veut donc pas dire grand-chose», reconnaît Didier Migaud. Et le plus actif des députés français de considérer que si «rien ne change, il faudra tirer des conséquences».
Le 15 avril, le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer avait cependant défendu les députés, dénonçant un «hallali injustifié». «Les parlementaires travaillent, ils travaillent beaucoup et d'ailleurs s'ils ne travaillaient pas (...) ils seraient sanctionnés par leurs électeurs», avait-il affirmé.
*Vincent Nouzille s'était déjà penché en 2006 sur l'activité parlementaire dans «Députés sous influences», un ouvrage publié chez Fayard.
Source : lefigaro.fr 22-04-2009