
La chasse aux députés absents est ouverte
Traumatisée par le rejet de la loi Création et Internet, jeudi dernier à l’Assemblée, où seulement quinze députés de droite étaient présents, la majorité semble décidée à sévir.
Roger KAROUTCHI, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement, est bien placé pour le savoir, qui passe sa vie à l’Assemblée : « Sur 577 députés, il y en a 150 qu’on voit tout le temps, atteste-t-il. Puis 250 environ qu’on voit… moyennement. Et enfin une centaine qu’on ne voit jamais ! » Mais comment mesurer l’absentéisme ? Un député est « présumé présent » au Palais-Bourbon.
Copé et Bertrand pour des sanctions financières
Et seule la participation aux scrutins publics est comptabilisée. Sauf que, grâce à la délégation de vote, un élu peut parfaitement participer à un scrutin sans être physiquement présent dans l’Hémicycle. « Le nombre de fois où j’ai voté pour Jean-Michel Boucheron lorsqu’il était en Argentine ! » s’esclaffe ainsi René Dosière, apparenté PS, qui propose de supprimer la délégation de vote. Et d’exiger la présence des députés à l’Assemblée les mardi-mercredi-jeudi, de la même façon qu’une entreprise exige la présence de ses employés tant de jours par semaine.
Jean-François Copé, président du groupe UMP, estime lui aussi que « les députés devraient être présents du mardi matin au jeudi soir ». Soulignant que « c’est tout à fait compatible avec un mandat local », puisque 501 députés sur 577 sont des cumulards.
Les sanctions existent dans le règlement intérieur de l’Assemblée depuis 1959, mais ne sont pas appliquées*. Par manque de volonté selon les uns, parce que la mesure est trop compliquée selon les autres. Il est en effet prévu qu’un député qui aurait pris part, « pendant une session, à moins des deux tiers des scrutins publics » se verrait frappé d’une « retenue du tiers de l’indemnité de fonction ». Celle-ci s’élevant à 1 500 €, la retenue serait de 500 €, sur environ dix mois de session parlementaire, soit… 50 € par mois !
« La sanction financière ne doit rester qu’une mesure extrême »
Pas très dissuasif. Et inappliquée jusqu’à présent, « parce que le travail législatif n’était pas programmé : les députés ne savaient pas à l’avance quand ils devaient être dans l’hémicycle », justifie Bernard Accoyer. Tout cela devrait donc changer avec la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle et son « temps programmé », veut croire le président de l’Assemblée nationale.
Mais l’idée de frapper les absents au porte-monnaie n’est guère populaire, on l’imagine, au Palais-Bourbon. « La sanction financière ne doit rester qu’une mesure extrême », prévient déjà Copé. Au Sénat cependant, Gérard Larcher a suggéré que la répartition entre les sénateurs de la fameuse « réserve parlementaire » (une cagnotte dont disposent les groupes) soit fonction de l’assiduité des sénateurs. Une mesure incitative, suggère Karoutchi, dont devrait s’inspirer l’Assemblée. « Car on n’a quand même pas donné plus de pouvoirs au Parlement pour ne pas avoir plus de députés présents ! » s’agace le ministre. « Les députés seront là le jour où ils auront le sentiment qu’ils servent à quelque chose, corrige, désabusé, le député PS Jean-Jacques Urvoas. Le fond du problème, c’est que l’histoire ne s’écrit plus à l’Assemblée… »
* Un système de sanction financière est en vigueur au Parlement européen. Les eurodéputés ne doivent pas manquer plus de la moitié des séances plénières. Dans le cas contraire, ils doivent rembourser 50 % de leurs indemnités de frais de secrétariat (qui s’élèvent à 3 500 € mensuels). Pour favoriser l’assiduité, une prime est par ailleurs versée aux députés qui viennent en séance.
Source : leparisien.fr 15-04-2009