L'eldorado automobile américain n'est plus ce qu'il était. La crise financière a provoqué un plongeon des ventes en octobre, 12ème mois consécutif de baisse du marché, et fragilise un peu plus des constructeurs américains au bord de la rupture. Confiance des ménages en berne, accès au crédit plus difficile, gamme longue à s'adapter au marché, General Motors, Ford et Chrysler accumulent les obstacles...
Le pire mois depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C'est en ces termes que General Motors a qualifié octobre 2008. "Le carnage est général... Durant mes 27 années passées dans l'industrie, je n'ai jamais vu un mois pareil", a indiqué le patron des ventes nord-américaines du constructeur, Mark LaNeve. Les principaux constructeurs automobiles officiant sur le marché américain ont dévoilé hier leurs performances commerciales mensuelles. Les Japonais Toyota et Honda ont vu leurs ventes reculer respectivement de 23 et 25%, Ford et Chrysler de plus de 30%, et General Motors, le géant aux pieds d'argile, de 45%! Nissan, le partenaire de Renault, a pour sa part subi un décrochage de 33%.
"Le profond recul des ventes de véhicules est causé par une chute significative de la demande sur le marché de la distribution, du fait des incertitudes grandissantes sur la crise du crédit qui ont pesé sur la confiance des consommateurs", a expliqué General Motors, qui avait sauvé les meubles en août et en septembre en proposant tous ses véhicules à "prix employés". Le constructeur a indiqué qu'il poursuivrait sa politique en faveur de véhicules plus économiques, plus fiables et moins polluants pour tenter de se relancer, mais il est conscient qu'il continuera à faire face à des conditions déplorables.
GM veut un soutien fédéral
Les constructeurs redoutent le début d'année 2009, après la période de promotions qui sera encore lancée ce mois-ci pour tenter de relancer les ventes et écouler les stocks avant la fin de l'année. Mais l'optimisme n'est pas de mise : la chute d'octobre a eu lieu alors que des mesures sans précédent ont été mises en place par les constructeurs. Outre le programme "prix coûtants" de GM, Toyota avait par exemple instauré une offre de financement à 0%, ce qui ne l'a pas empêché de subir une contraction de 23% de ses ventes.
Au final, les ventes globales d'octobre aux Etats-Unis ont reculé de 31,5% à
838.156 unités, et démontrent une fois encore que les constructeurs asiatiques s'en tirent mieux que les mastodontes américains. Selon les données compilées par Autodata Corp, la part de marché des firmes asiatiques (japonaises et coréennes essentiellement) a augmenté de 3,3 points à 44,4% des voitures vendues outre-Atlantique.
Les dirigeants de General Motors ont profité de l'argument-choc que constituent ces ventes pour appeler une nouvelle fois les autorités américaines à aider un secteur clef de l'économie du pays. Ils avaient déjà sollicité, jusque-là sans succès, un soutien Fédéral pour mener à bien un projet de rapprochement avec Chrysler. Les analystes pensent que la situation pourrait s'éclaircir après l'élection présidentielle, d'autant que Barack Obama, qui fait la course en tête dans les sondages, a promis de rencontrer tous les acteurs du secteur pour mettre en place un plan spécifique de relance.
Fermetures temporaires d'usines françaises
En attendant, les marchés spéculent sur un éventuel mariage entre GM et Chrysler, même si une union rend pas mal de spécialistes dubitatifs : si à long terme un tel projet pourrait avoir un intérêt stratégique, à court terme il revient à marier deux grands convalescents qui se heurteront à de gros problèmes sociaux et à des besoins en financement colossaux pour leur restructuration. Une telle fusion "serait intéressante seulement si elle sert d'alternative à une pire issue, comme la faillite", a résumé John Casesa, qui dirige l'entreprise de conseil Casesa Shapiro, au micro de Bloomberg TV. Si ce point de vue extrême n'est pas partagé par tous les spécialistes, la méfiance domine largement sur le projet, ce qui explique sans doute en partie la réticence des autorités américaines à intervenir plus avant dans le processus.
La débâcle d'octobre aux Etats-Unis n'a pas de quoi rendre optimiste sur les marchés européens, dont les statistiques globales seront disponibles au milieu du mois. En septembre, l'ACEA, l'organisation qui regroupe les constructeurs européens, avait fait état d'immatriculations de véhicules particuliers en baisse de 8,2% sur le continent par rapport à septembre 2007, portant le reflux sur neuf mois à 4,4%. Tous les pays européens ne sont pas aussi avancés dans la crise que les Etats-Unis, mais les constructeurs du vieux continent savent d'ores et déjà que le dernier trimestre 2008 sera particulièrement éprouvant pour eux. Les économies les plus fragilisées affichent déjà des statistiques alarmantes. Ainsi en Grande-Bretagne, les immatriculations ont chuté de 7,5% sur les neuf premiers mois de l'année. Et que dire de l'Espagne, en fin de "miracle économique", où les ventes de voitures neuves ont plongé de 22% sur la période? En France, où le marché résiste mieux, Renault et Peugeot ont annoncé le mois dernier des mesures d'arrêt temporaire sur certaines lignes de production, de façon à tenter d'écouler les stocks.
Source : JDD du 7-11-2008