A partir de l’année 1948 deux lignes distinctes de modèles sont disponibles chez Ferrari : les « 166 MM » et les « 166 INTER ». Bien que leur nom rappelle des courses prestigieuses en Italie, MM pour « Mille Miglia » et INTER pour « Copa Intereuropa », ces deux modèles ne sont pas typés course. Seul le 166 MM est commercialisé comme un véhicule de compétition. Le 166 Inter est considéré comme un véhicule de tourisme avec une motorisation moins puissante et un empattement plus long.

Les deux versions sont équipées du moteur V12 de 2 litres de cylindrée conçu par l’ingénieur Giacchino Colombo et constitué d’un bloc et d’une culasse en alliage d’aluminium. Le nombre 166 indique la cylindrée unitaire du moteur en cm3. Il est alimenté soit par un simple carburateur Weber et développe ainsi une puissance maxi de 115 cv soit par un triple carburateur et la puissance augmente jusqu’à 140 cv. Le moteur est accouplé à une boite de vitesses manuelle à 5 rapports qui a été développée également par Ferrari.

Les voitures sont livrées aux carrossiers sous la forme de châssis roulants et comme le client peut exprimer tous les souhaits possibles dans le domaine de la garniture intérieure il n’y aura, en fait, pas deux modèles 166 Inter identiques. Les carrossiers utilisés par Ferrari sont presque tous italiens : Touring, Vignale, stabilimenti Farina, Bertone et Ghia. Le modèle le plus populaire dans les années 1948-49 sera le coupé Touring.

Au début de 1950 le modèle « 166 Inter » est officiellement remplacé par un « 195 Inter » avec un moteur quasiment identique mais à cylindrée augmentée. Un an plus tard c’est une nouvelle version qui apparait le « 212 Inter » qui ne sera fabriqué que jusqu’en fin 1952.

Le modèle 212 Inter présenté ici est un modèle unique qui a fait ses débuts comme show-car de Ferrari. La voiture est le 49 ème exemplaire d’une petite série  de 73 exemplaires construits. L’assemblage est achevé à la fin de l'été 1952 (châssis no. 0233 EU). Conçu comme une voiture d’exposition, le châssis a été envoyé à Ghia à Turin et habillé par une carrosserie unique de style coupé. Il est équipé d’un moteur V12 à 60° de 2 563 cc de cylindrée alimenté par trois carburateurs Wéber 36 DF3. Il développe une puissance maxi de 170 cv à 6 500 t/mn ce qui permet à la voiture d’atteindre la vitesse de pointe de 200 km/heure. La Ferrari est dotée d'un intérieur particulièrement somptueux qui regorge de détails ergonomiques bien pensés.

La 212 Inter de Ghia fait ses débuts au Mondial de l'Automobile de Paris en octobre 1952, sur le stand Ferrari, aux côtés d’un cabriolet carrossé par Pinin Farina. C'est là que la voiture aurait été repérée pour la première fois par son futur propriétaire, Juan Domingo Perón, président de l'Argentine. Un leader qui était à la fois adoré et vilipendé par son propre peuple, Perón a accédé au pouvoir dans le climat de la guerre froide de 1946 derrière un programme populiste, et l'idéologie qui porte son nom, le péronisme, vit encore dans l’Argentine d’aujourd'hui.

Véritable passionné d'automobile, Perón était réputé pour avoir amassé une immense collection d'automobiles de luxe, allant des Ferrari aux Packard. Il aime la course et a largement financé la carrière de deux des étoiles montantes du pays, Juan Manual Fangio et Froilan Gonzalez, soutenant leur entrée en 1950 au Mans dans une Gordini, et mettant un poids important derrière les efforts de Fangio en Formule 1.

Après avoir vu le coupé Ghia unique à Paris en octobre 1952, Perón se renseigne et un achat est arrangé par un intermédiaire à Rome. Il est probable que le président ait souhaité minimiser toute publicité entourant son achat et ses conséquences fiscales, car il était de plus en plus surveillé chez lui. Les taxes à l'importation argentines pour les voitures de luxe neuves sont notoirement élevées, et pour cette raison, la voiture est vraisemblablement retournée à Maranello afin qu'elle puisse prendre l'identité d'une voiture d'occasion, qui se trouvait être le numéro d'immatriculation de Milan MI 197153.

En 1955, Juan Perón est évincé du pouvoir par un coup d'État militaire, et après avoir fui le pays, le coupé Ghia reste en Argentine, passant finalement à un concessionnaire au début des années 1970. Il passe alors dans plusieurs mains de collectionneurs et subit une restauration complète en 1987. Vendue à nouveau à un collectionneur de Ferrari en 1999 elle est présentée au Concours d’Elegance de Pebble Beach en 2002 où elle remporte le 2 ème prix dans sa catégorie puis à Cavallino en 2003 remportant cette fois un Platinium Award et la coupe d’excellence.

Dans ces cinq années de production les modèles Inter 166, 195 et 212 sont fabriqués en 142 exemplaires. Le modèle qui va remplacer les Inter sera la 250 GT qui va consacrer la marque Ferrari comme le fabriquant des voitures Grand Tourisme.

Je recommande à tous les passionnés de l'automobile et de son histoire les remarquables sites (en anglais) cités ci-dessous. Ils présentent, outre des commentaires et données techniques très complètes, de magnifiques photos sur la production automobile mondiale

ultimatecarpage.com

wheelsage.org

favcars.com

mais il y a aussi un site en Hongrois sur lequel il faut se contenter de regarder les photos :

autogaleria.hu

Vous pouvez retrouver d'autres véhicules, tout aussi exceptionnels, dans la rubrique "VOITURES DE LEGENDE" de ce blog ou en vous inscrivant à la Newsletter (voir ci-contre)