Tout avait pourtant bien commencé entre Emmanuel Macron et Donald Trump : poignées de mains devant les caméras, complicité affichée, grands sourires et promesses d’amitié. Pour la première visite en France du Président des Etats-Unis, en juillet 2017, Emmanuel Macron avait déroulé le tapis rouge à Donald Trump : défilé militaire du 14 Juillet, dîner en couple au premier étage de la tour Eiffel et accolades amicales. Malgré leurs désaccords annoncés, les deux chefs d'Etat s'étaient quittés sur la promesse d'une relation personnelle forte qui pourrait dépasser les querelles politiques. Conquis par la parade sur les Champs-Elysées qu’il avait trouvé « formidable », le président américain était même rentré à Washington avec une idée en tête : organiser son propre défilé militaire dans la capitale américaine.
En avril 2018, pour la première visite d'Emmanuel Macron à la Maison-Blanche, l'entente entre les deux chefs d'Etat était encore cordiale et leur proximité visible. Les deux hommes se faisaient la bise, multipliaient les poignées de mains et Donald Trump s'était même permis de balayer d'un revers de l'index des pellicules sur le costume de son homologue français, tout sourire. Un an et demi plus tard, la lune de miel est bel et bien terminée. Donald Trump l'a rappelé mardi 3 décembre dernier en estimant qu'Emmanuel Macron avait eu des propos "très insultants" et "très très méchants" sur l'Otan.
Des sujets de désaccords très nombreux
Il faut dire que les sujets de discorde ne manquent pas entre les deux hommes. Sur l'Iran, la Syrie, le retour des djihadistes, le climat, les relations commerciales, le multilatéralisme ou encore l'Otan, Emmanuel Macron et Donald Trump défendent des lignes radicalement opposées qui n'ont pas résisté à l'épreuve du temps. Les accrocs sont déjà nombreux :
Le climat : Dès le début de son mandat, Emmanuel Macron a riposté à l'annonce du retrait américain de l'accord de Paris sur le climat en lançant « Make Our Planet Great Again ».
Accord sur le nucléaire iranien : Malgré les efforts de ses partenaires occidentaux, dont la France, Donald Trump s'est ensuite retiré de l'accord sur le nucléaire iranien en mai 2018. L'accord était pourtant « la seule voie qui permette la stabilité », avait plaidé Emmanuel Macron quelques semaines plus tôt à la Maison-Blanche.
Taxes sur l’acier et l’aluminium : Donald Trump a ensuite imposé des taxes douanières sur l'acier et l'aluminium venant de l'Union européenne en juin 2018, prémices d'une politique commerciale très offensive sur laquelle il est en complète opposition avec Emmanuel Macron.
L’armée européenne : Pour les commémorations du 11 novembre 2018, les deux hommes ont clairement affiché leurs dissensions, Trump jugeant sur Twitter "insultant" le projet de son homologue français de mettre sur pied une armée européenne. « Je préfère toujours avoir des discussions directes ou répondre à des questions, que de faire ma diplomatie au travers de tweets », avait réagi Emmanuel Macron.
Les Gilets jaunes : Pendant la crise des Gilets jaunes, Donald Trump avait enfin critiqué la « faible cote de popularité » d'Emmanuel Macron, assurant que les manifestants dans les villes françaises scandaient « Nous voulons Trump ! ».
La Syrie : « Un allié se doit d'être fiable », avait ensuite taclé Emmanuel Macron dans la foulée de l'annonce du retrait américain de Syrie, en décembre 2018. Un retrait sans préavis et sans aucune consultation des partenaires.
Des tensions au sommet de l'Otan
Ces dernières semaines, c'est autour de l'Otan que se sont cristallisées les oppositions entre les deux hommes. Depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, le sujet lui tient à cœur. Il réclame une plus grande participation financière à ses partenaires de l'Alliance et goûte peu les critiques d'Emmanuel Macron, qui avait jugé l'Otan « en état de mort cérébrale ». « Personne n'a besoin de l'Otan plus que la France », a raillé le milliardaire mardi 3 décembre, aussi très agacé par la volonté de Paris de taxer les géants technologiques américains (les GAFA).
Et les images des dirigeants français, britannique, canadien et néerlandais surpris par les caméras alors qu'ils semblaient se moquer de Donald Trump lors de la réception donnée à Buckingham Palace, mardi soir, ne devraient rien arranger à cette situation.
L'échec de la stratégie personnelle de Macron
« Emmanuel Macron a voulu jouer la carte de la séduction en opérant une sorte de 'psychogéopolitique' à l’égard de Donald Trump », abondait en septembre le directeur de l'Iris Pascal Boniface dans une tribune publiée par « La Croix ». Une stratégie qui n'a pas porté ses fruits. « Le président américain ne change pas pour autant de politique. Il n’a en réalité rien cédé pour le moment sur les sujets de discorde », poursuivait Boniface.
Contrairement à ce qu'escomptait Emmanuel Macron, Donald Trump montre depuis le début de son mandat qu'il n'est pas prêt à renoncer facilement à ses engagements de campagne et à sa ligne directrice, quitte à multiplier les points de friction. En matière de diplomatie, le président américain conduit sa politique au fil des rapports de forces avec chacun de ses homologues, plutôt que dans la recherche du compromis. Comme Emmanuel Macron, d'autres chefs d'Etat étrangers - le New York Times les recensait récemment Jair Bolsonaro pour le Brésil, Shinzo Abe pour le Japon ou Justin Trudeau pour le Canada par exemples - ont fait les frais de son inflexibilité après des débuts chaleureux.
Source le JDD.fr 014-12-2019