Si la Citroën SM fait autant rêver les quadra et quinqua d’aujourd’hui, c’est parce que dans les années 70, elle représentait « la possibilité du luxe » à la française, alliée à l’exclusivité italienne. Sans la crise pétrolière, l’échec de la voiture aux Etats-Unis, les difficultés financières de Citroën embourbé dans le moteur rotatif et finalement le rachat par Peugeot sauvant in extremis la marque, le haut de gamme français aurait peut-être pu prendre une autre direction, emmené par une SM flamboyante.
Heuliez, l’entreprise de Cerizay (Deux-Sèvres), comptait déjà la firme aux chevrons parmi ses clients. C’est en effet elle qui assemblait les fameuse M35 à moteur rotatif. Avec Yves Dubernard, la société Picto-Charentaise comptait bien proposer ses services sous deux formes : un bureau de style proposant des projets aux constructeurs, et une usine adaptée aux petites séries pour les produire. C’est tout naturellement vers Citroën qu’Heuliez s’est tourné en présentant la SM Espace en 1971. La SM n’a pas un an, et l’avenir paraît (à tort) radieux. Contrairement à Chapron, qui s’oriente vers une version cabriolet (le Mylord, qui sera produit à 8 exemplaires), Heuliez décide d’innover avec un hard top étonnant et novateur.
La SM Espace est dotée d’un « T-roof » déjà vu sur la Corvette, mais avec un ingénieux système de lamelles en alu se rétractant dans l’arrête centrale du pavillon. Heuliez avait déjà planché sur un tel système, et prouvait ainsi ses capacité technologique (capacités qu’on retrouvera bien plus tard sur la Peugeot 206 CC dont le système de toit rétractable était dû à Heuliez). Le toit s’ouvre aussi bien sur les places avant qu’arrière, et la SM se voit offrir des vitres électriques à l’arrière. Côté mécanique, la SM Espace reste identique à une SM classique, avec son V6 2,7 litres Maserati de 170 ch.
La SM Espace fut présentée au salon de Paris 1971, avec une teinte particulière un peu violette, un intérieur en daim, et surtout des persiennes « so seventies » sur la bulle arrière, non sans mal puisqu’il fallut aux équipes d’Heuliez régler des problèmes d’étanchéité, puis un mécanisme de toit récalcitrant la veille même du salon. Heureusement, tout rentra dans l’ordre, et la voiture put être présentée (et faire sensation) en temps et en heure ! Si tous s’accordent à saluer l’ingéniosité du toit rétractable vers la partie centrale, l’intérieur baroque ne rencontre pas l’unanimité.
Heuliez décide donc de revoir sa copie pour 1972, en construisant un deuxième exemplaire, plus sobre (l’intérieur redevient très classique, tandis que la SM Espace récupère sa bulle arrière caractéristique sans ornements). Elle sera présentée au Salon de Bruxelles et cette fois-ci, personne ne trouva rien à redire. A Cerizay, on se frotte les mains, persuadés que Citroën va sauter sur l’occasion de développer sa gamme SM à moindre frais. Robert Opron suivait de très près les travaux du bureau de style d’Heuliez, et beaucoup y voyait un signe favorable. C’était sans compter les difficultés d’un Citroën en déconfiture, et dont l’actionnaire, Michelin, voulait se débarrasser (à Fiat d’abord, puis finalement à Peugeot quelques temps plus tard). En 1973, les jours de la SM sont déjà comptés, et jamais la production de sa version Espace ne fut lancée.
Le 1er exemplaire de la SM Espace a disparu aujourd’hui. Certaines sources disent qu’il fut vendu, tandis que d’autres parlent d’une destruction (les archives d’Heuliez notamment). Le 2ème exemplaire lui a survécu. Il servit d’abord pour l’usage personnel du patron, Henri Heuliez, puis fut conservé dans le patrimoine de l’entreprise, aux côtés d’autres prototypes et concept-cars. C’est la faillite du constructeur de Cerizay qui l’a remis en circulation. En grande difficulté, et pour rentrer le cash nécessaire à sa survie (en vain), Heuliez vendit ses bijoux de famille en 2012, lors d’une vente organisée au Mans par Artcurial. Dans le lot, la fameuse SM Espace. Estimée entre 200 000 et 400 000 euros, elle ne se vendit que 109 605 euros.
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autogaleria.hu
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