D’abord, il faut garder à l’esprit que les peuples, que ce soit à Montesquieu-Volvestre, à Paris ou à Washington, ont les dirigeants qu’ils méritent. Ceux qui ne savent pas, ou ne veulent pas, choisir lors des élections lorsque 10 à 12 candidats sont présents, ceux qui ne se déplacent pas pour aller voter, en se donnant de bonnes excuses du genre absence de la reconnaissance du vote blanc, ou loi électorale qui ne leur convient pas, ceux-là n’ont le droit de s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Les élus nationaux, régionaux départementaux, communaux, les syndicats, les corps intermédiaires sont peut-être (et souvent même) imparfaits ; mais ceux qui les qualifient de « tous pourris » peuvent aussi y aller. On peut militer, porter la contradiction, se frotter aux élections, participer à la vie politique. Certes c’est plus facile de critiquer en restant dans son canapé à regarder sa télé que d’entrer dans la mêlée pour défendre les idées auxquelles on croit.
C’est en cela que je salue le courage des gilets jaunes même si je désapprouve un certain nombre de leurs actions et surtout de leurs méthodes. Je comprends parfaitement que l’on soit révolté lorsque l’on ne peut pas vivre de son travail ou de sa retraite. Je trouve absolument scandaleux que l’on puisse terminer une vie de travail en étant toujours payé au SMIC sans aucune reconnaissance, ni beaucoup d’espoir. Je comprends également que des mères ou des pères de famille s’inquiètent de voir leurs enfants entrer dans la vie active avec la même galère pour seul horizon. Ce que je comprends beaucoup moins bien c’est que cette colère légitime se transforme en revendications stupides du genre mise en place du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) comme préalable à toute discussion ou destitution du Président qui serait censée résoudre tous les problèmes... Ce que je ne comprends pas du tout c’est que cette population de gens légitimement mécontents se laissent manipuler par ceux qui font de la détresse des autres leur fonds de commerce.
Je pense à la France Insoumise de Mélanchon qui n’a en tête que sa sixième République, son assemblée Constituante, son coup de balai généralisé qui virerait tout le monde (pour les remplacer par qui ?). Des slogans bons pour capter les esprits les plus faibles, les plus désespérés, en leur promettant qu’un Référendum pourrait régler tous leurs problèmes, que le peuple peut faire lui-même les lois …. En leur expliquant que la dette de la France n’est pas la dette du peuple et que le peuple n’aura jamais à la rembourser. Une promesse que Mélanchon était d’ailleurs allé faire aux Grecs !!...
Je pense également au Rassemblement National qui fait croire aux gens sur les ronds-points que l’immigration « massive » est la cause de tous leurs maux. Que les migrants viennent prendre le travail des Français, remplir leurs hôpitaux, occuper leurs HLM, vivre des subventions accordées généreusement par l’Etat. On fait croire que de fermer les frontières de la France, de prendre ses distances avec l’Europe va être la solution à toutes nos difficultés. Et l’on appuie ces affirmations gratuites par une multitude de chiffres, de statistiques, de références à des ethnologues, des sociologues ou des économistes éminents. Comment faire confiance à Madame Le Pen quand, le 22 janvier dernier encore, à propos du Traité Franco-Allemand d’Aix-la-Chapelle, elle prétendait que l’Alsace et la Lorraine allaient être restituées à l’Allemagne ou que la France allait donner à cette même Allemagne, son siège de membre permanent à l’ONU ? Est-ce sérieux que d’essayer de faire croire à de telles fables ?...
Dans un Etat démocratique comme le nôtre je pense qu’une opposition forte est salutaire. Je crois que Jean-Luc Mélanchon et Marine Le Pen jouent leur rôle d’opposants mais la guerre qu’ils se livrent pour être le « Premier opposant » les conduit à des prises de position outrancières sur certains sujets qui ôte tout crédit à leur action.
Et ce que je ne comprends pas du tout c’est la position des Républicains qui critiquent de façon violente et continue une politique qui n’est pas loin de celle que leur candidat Fillon aurait probablement mise en œuvre avec encore plus de rigueur et de brutalité (ordonnances sur la loi travail, reforme SNCF, suppression de 500 000 fonctionnaires, + 2% de TVA généralisée, suppression de l’ISF, …). Certains ont la mémoire courte ou plutôt, c’est triste à dire, certains font passer leurs intérêts de parti avant les intérêts de la France.
Car enfin, la France a perdu presque 5 ans sous le mandat de Sarkozy (un peu à cause de Sarkozy et beaucoup à cause de la crise financière) ; elle a perdu 5 ans sous le mandat de Hollande (à cause de Hollande). Peut-elle se permettre de perdre encore cinq ans avant de faire les reformes que nos voisins ont, pour certaines d’entre-elles, terminées depuis 10 ans ? Qui a intérêt aujourd’hui à ce que Emmanuel Macron échoue à part Mélenchon et Le Pen qui ont toujours espoir de prendre la place ?...
Car bien sur Emmanuel Macron n’a pas que des qualités. On peut lui en reconnaitre cependant quelques-unes de façon unanime : il est intelligent, il est courageux, il est pugnace, il s’attache à faire ce qu’il avait dit qu’il ferait, ce qui pour un président est tout de même nouveau. Que certains voient dans ces qualités des défauts, c’est parfaitement leur droit. On peut aussi reconnaitre que les couacs gouvernementaux font un peu désordre, mais ce n’est pas nouveau. On peut admettre que les petites phrases du Président aient pu en choquer quelques-uns. Mais tout cela réuni ne justifie pas la haine que l’on rencontre dans les cortèges.
Le « tous contre Macron » qui s’installe aujourd’hui est irresponsable. Il est même suicidaire pour notre pays car les semaines et les mois passent, et nos concurrents s’organisent : la Chine, l’Inde, les Etats-Unis et bien d’autres. Et nous restons empêtrés dans nos petites querelles dont on ne pourra sortir que par le dialogue.
Tous les Français devraient espérer que le « Grand Débat » qui vient d’être lancé puisse porter ses fruits. S’il n’apporte pas de solutions miracles il aura au moins le mérite de mettre toutes les questions sur la table, de faire un peu de pédagogie et peut-être d’aller explorer des pistes que l’on n’avait pas envisagées. La justice fiscale en est une. Une réforme d’envergure devra être lancée pour que chacun paye la juste contribution correspondant à ses moyens.
En tous cas, il faudra apporter une réponse aux gilets jaunes et si possible dans des délais courts. Car il est indigne que dans un pays comme le nôtre on puisse encore tolérer de telles situations.
Jean-Pierre ECHAVIDRE