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8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (7/50)

 

Charles-Malo-François de LAMETH – Estampe de François Bonneville

 

 

 

 

 

    LES ETATS GENERAUX : JANVIER-AVRIL 1789

  

 

 

 

     Le 24 Janvier 1789,  Louis XVI* convoque ses sujets pour les élections aux Etats généraux prévues le 27 Avril suivant. La procédure de l'élection a été enfin définie après beaucoup de palabres : le Roi, conseillé par Necker, a décidé en Décembre le doublement de la représentation du Tiers Etat. Le nombre de ses membres sera dorénavant égal à celui des deux Ordres privilégiés réunis. Maximilien Robespierre prend la décision qu’il murissait depuis quelques mois déjà : il sera candidat. Aussitôt, il se lance en  campagne (1).

    Faute de moyens matériels suffisants, sa campagne électorale s’organise en campagne familiale : Charlotte est chargée de travailler le milieu des "bien pensants"; Augustin-Bon ne ménage pas sa peine; l'oncle Du Rut, médecin des Oratoriens, assure la propagande de Maximilien au sein de la congrégation.

    Le Robespierre avocat se jette également dans la bataille électorale à l'occasion de l'étrange affaire Dupond qui, pour lui, tombe à pic parce qu’elle met en cause un de ces notables du Conseil d’Artois.

   Louis-Marie-Hyacinthe Dupond, enfermé comme fou depuis près de douze ans à l'Asile d'Armentières, n'est pas si fou que certains ont bien voulu le prétendre. En fait, il est la victime d'une sordide histoire d'héritage pour laquelle le frère aîné, procureur au Conseil d'Artois, a obtenu une lettre de cachet !

    Dans sa plaidoirie en faveur du prétendu fou, Maximilien s’exprime à la place du pauvre Dupond. Il parle de politique, mais aussi de révolution :

 

«  Je viens dénoncer aux magistrats et à l'indignation publique des persécutions inouïes, des injustices sans exemple, même dans l'histoire de cet horrible système des lettres de cachet, dont je suis, sans contredit, une des plus déplorables victimes. Mes malheurs ont commencé avec le règne d'un prince dont les vertus promettaient dès lors le bonheur de la France; ils se terminent à cette époque à jamais mémorable où elles vont enfin l'assurer. Presque en sortant de ces cachots dont les infortunés habitants ont au moins le droit de douter s'il existe parmi nous des mœurs et des lois, mon oreille longtemps accoutumée à n'entendre que les sanglots de la douleur et les cris du désespoir a été frappée des acclamations de tout un peuple, excitées par une révolution qui semble annoncer la régénération des mœurs et le règne des lois; mes yeux ont vu le plus sublime de tous les spectacles, un souverain échappé à une affreuse conspiration tramée contre sa justice, se réfugiant dans le sein de ses peuples, pour chercher au milieu d'eux la vérité, qui approche si difficilement des trônes, pour s'entourer de leurs lumières, de leur amour, de leur magnanimité, comme d'une sauvegarde contre les ennemis connus de son bonheur et de la félicité publique, enfin appelant autour de lui tous les talents, toutes les vertus qui illustrent cette superbe monarchie et la soutiennent presque seuls, sur le penchant de sa ruine, pour affermir sur les bases inébranlables d'une législation faite pour les hommes et les droits imprescriptibles des nations et de l'autorité sacrée des Rois. Placé dans une telle situation, je suis bien moins occupé de mes maux particuliers que de l'espoir de voir bientôt tarir les sources de l'oppression à qui je dois les imputer. »  (2)

 

    Et le pauvre Dupond qui, on le voit, n'a plus grand chose à perdre, s'adresse au Roi « avec la franchise d'un homme qui ne dépend plus que de sa conscience, et avec cette sainte liberté que chacun de nous tient immédiatement de son éternel auteur » :

 

« .. C'était à vous, Sire, qu'il était réservé d'opérer une révolution qu'ont tentée Henri IV et Charlemagne, mais qui n'était pas encore possible dans le temps qu'ils ont vécu..

«  Ô vous ! Auguste monarque. Ecoutez la voix d'un citoyen..

«  Voyez encore, Sire, même chez les peuples qui paraissent florissants, voyez, sous les dehors de ce luxe imposant et de cette prétendue opulence publique qui fascine les yeux des administrateurs sans vertu, les fortunes énormes de quelques citoyens fondées sur la ruine et la misère des autres; portez vos regards au-delà de cette enceinte brillante de courtisans, qui dérobent aux princes la vue des hommes, au-delà de ces palais magnifiques qui leur cachent les chaumières, et voyez les artisans, les laboureurs au désespoir, cette multitude de citoyens de diverses conditions, qui forment le corps de chaque nation, disputant sans cesse à l'avidité du fisc, à l'injustice, à la dureté des riches cette modique portion de salaire ou de revenus qui suffit à peine pour soutenir leur inquiète et douloureuse existence. Voyez surtout cette dernière classe, la plus nombreuse de toutes, et que l'orgueil croit flétrir par le nom de peuple, si sacré et si majestueux aux yeux de la raison, puisque forcé, par l'excès de sa misère, à oublier la dignité de l'homme et les principes de la morale, au point de regarder la richesse comme le premier objet de sa vénération et de son culte, la bassesse servile et la flatterie envers les riches et les puissants comme un devoir, l'oppression comme son état naturel, la protection des lois comme une faveur presque inespérée (...)

«  Voilà peut être le moment unique.. Et si nous le laissons échapper.. Ah ! Sire, hâtez-vous de le saisir .... »  (2)

 

    Dupond-Robespierre conclut son plaidoyer par ces simples mots : « Ce qu'humblement nous vous demandons, Sire, c'est la liberté ! » Il n'aura fallu que quelques mois pour que, dans toute la France, on puisse dire et écrire sur ce ton là ! L’affaire Dupond vient, en tous cas, de donner à Maximilien une extraordinaire tribune pour sa campagne électorale !..

    A Arras, comme dans toutes les Provinces de France, commence la rédaction des cahiers de doléances. Chaque corporation doit rédiger son cahier particulier. Le règlement électoral précisait, en effet  : « Sa Majesté désire que, des extrémités de son royaume et des habitations les moins connues, chacun fut assuré de faire parvenir jusqu'à Elle ses vœux et ses réclamations. » (3)

     Maximilien profite de l'occasion pour donner libre cours à sa plume tout en apportant son aide aux corporations, souvent bien incapables d'exprimer clairement, par écrit, leurs revendications. Il prend notamment une part active dans la rédaction des cahiers de la corporation des savetiers mineurs. C'est la corporation la plus nombreuse d'Arras mais aussi la plus pauvre et Robespierre s'insurge contre les procédés employés contre « ce peuple qu'on méprise ». Les doléances des savetiers mineurs de la ville d’Arras sont donc plus politiques et moins professionnelles que celles des autres corporations de la ville :

 

« DOLEANCES DU CORPS DES CORDONNIERS MINEURS DE LA VILLE D’ARRAS »

 

« 1/ Les cordonniers mineurs se plaignent de ce que le métier qui les fait vivre avec tant de peine est encore exposé aux usurpations de tous ceux qui veulent l’exercer contre les droits que leur assure leur lettre-patente ; de manière que la plupart d’entre eux sont réduits à la misère la plus profonde. Il faudrait ou leur assurer du pain de quelque manière, ou du moins réprimer les entreprises de ceux qui viennent envahir le privilège qu’ils ont payé. »

« 2/ Une circonstance nouvelle, et qui peut être un fléau commun à toute la France, ajoute encore au malheur de leur condition : le haussement considérable dans le prix des cuirs, occasionné par le traité de commerce conclu avec l’Angleterre, met la plupart d’entre eux hors d’état d’acheter la marchandise même qui est la matière de leur travail, c’est-à-dire vivre. Ceux même qui peuvent encore faire cette dépense ne sont pas beaucoup plus heureux, parce qu’ils ne peuvent porter le prix de leur travail à un taux proportionné à celui du cuir ; parce que l’artisan, pressé par la faim, et qui attend chaque jour le modique salaire sur lequel il fonde sa subsistance, est nécessairement forcé de souscrire aux conditions injustes que l’égoïsme et la dureté des riches lui imposent (..) »

« 3/ Ils observent que, dans cet état de détresse, ils devraient au moins être exempts des petites exactions qui achèvent de les accabler. Ils ont donc le droit de se plaindre de ce que MM. Les officiers municipaux ont augmenté depuis peu les rétributions qu’on les oblige à payer à certaines personnes attachées à ce corps, pour la reddition des comptes de la communauté ; ils se plaignent surtout de la nécessité qui a été imposée depuis deux ans à leur mayeur de rendre aux magistrats les comptes de la communauté, qui ne doivent être rendus qu’à la communauté elle-même ; ce qui est évidemment contraire aux droits de la liberté et aux principes de la justice. »

« 4/ Ils ont une réclamation plus intéressante encore à formuler, qui leur est commune avec toutes les classes de citoyens que la fortune a le moins favorisés : ils demandent que les officiers municipaux qui ne doivent être que les hommes et les mandataires du peuple, ne se permettent plus à l’avenir d’attenter arbitrairement à la liberté des citoyens sous le prétexte de police, pour des raisons frivoles et souvent injustes, non seulement en les envoyant en prison, mais même en les menaçant trop légèrement de ce traitement ignominieux. Cet usage trop commun ne peut qu’avilir le peuple qu’on méprise ; au lieu que le premier devoir de ceux qui le gouvernent est d’élever, autant qu’il est en eux, son caractère, pour lui inspirer le courage et les vertus qui sont la source du bonheur social. On n’oserait adresser ces outrages aux citoyens de la classe la plus aisée ; de quel droit les prodigue-t-on aux citoyens pauvres ? Ils sont précisément ceux à qui les magistrats doivent le plus de protection, d’intérêt et de respect. »

 

« Signé    CAUDERLIER ,   JEAN-BAPTIS (sic) FERIEN »  (4)

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (7/50)

 

LOUIS XVI

 

 

    A l’Approche des élections des députés aux Etats Généraux on perçoit quelque agitation dans la ville d’Arras mais aussi dans les campagnes. Pour les paysans, le changement qui vient de s’opérer est considérable : jamais ils n’ont été associés à la vie publique ni dans les Etats d’Artois, ni encore moins dans le pays. Depuis des siècles ils n’ont été représentés que par leur seigneur !..

    Robespierre, sans doute encouragé par le succès de son adresse à la Nation artésienne, va s’adresser à ces nouveaux citoyens en publiant, dans les premiers jours de mars, une nouvelle brochure « Avis aux habitants des campagnes » :

 

« Amis, vous allez être citoyens ; nous allons avoir une Patrie ; le bonheur est dans vos mains, et ce bien-fait vous le devez à votre Roi. Vous pouvez vous-mêmes fixer par vos envoyés les bases de la félicité publique. Souvenez-vous de votre antique énergie et de votre inaltérable franchise. »

« Vous avez aujourd’hui parmi vous des nobles et des gens d’église. S’ils reviennent aux vertus qui ont mérité à leurs aïeux et prédécesseurs la distinction inouïe d’être considérés comme des corps dans la Nation, respectez-les ; ne cherchez pas à les écraser. Leur sort est dans vos mains ; mais soyez généreux et loyaux. Qu’ils doivent à votre consentement libre l’existence politique que leur ont donnée l’intrigue, l’adresse, la séduction, les abus de toute espèce et les vues oppressives de vos anciens chefs. La magnanimité et l’esprit de paix doivent unir les trois ordres ; c’est le seul moyen de résister aux entreprises futures du despotisme ministériel. »  (5)

 

    Avec peu de moyens mais une volonté farouche Maximilien parvient à mener une campagne efficace. Il ne passe rien à ses adversaires quitte à faire un peu de polémique. Il va alors tenter de franchir, un à un, les obstacles de cette élections aux règles compliquées.

    Le 23 mars, lors de l’Assemblée préparatoire il est élu comme représentant du Tiers-Etat avec son ami Buissart. Douze députes sont ainsi désignés pour prendre part à la prochaine assemblée générale du Tiers.

     C'est le 30 Mars que se réunissent à Arras les 550 Députés du Tiers Etats représentant les 255 villes, bourgs et villages de la gouvernance. On procède alors à la nomination de 49 commissaires chargés d’examiner les cahiers de doléances et de les réduire en un seul. Robespierre est élu le 36ème. Pour laisser le temps aux commissaires d’effectuer ce travail, la séance est ajournée jusqu’au 3 avril suivant.

    Ce 3 avril, le cahier de doléances est approuvé par l’Assemblée du Tiers-Etat de la Gouvernance d’Arras. On procède alors à la réduction au quart de tous les députés. Robespierre est élu le 10ème.

 

     20 Avril : C’est le jour de l’ouverture de l'Assemblée générale des trois Ordres dans la cathédrale d'Arras. C'est par un discours de l'Evêque, Monseigneur de Conzié, celui-là même qui avait accordé à Robespierre sa bourse à Louis-le-Grand, que s'ouvre cette Assemblée.

 

   C’est à partir du 24 avril 1789 que l’ordre du Tiers-Etat procède à l’élection de ses députés aux Etats Généraux du royaume. La députation doit se composer de huit membres. Le 24 avril sont élus les deux premiers

            Charles-Marie PAYEN  fermier propriétaire

            Me Dominique –Augustin BRASSART avocat à Arras

    Le 25 avril est élu le troisième dépité :

            Célestin FLEURY fermier à Coupelle-Vieille

  Puis, après deux tours de scrutin sans succès et un ballotage :

Jacques-Louis-Nicolas VAILLANT  chevalier, Garde des Sceaux honoraire au Conseil d’Artois, élu contre M. Robespierre

Le 26 avril est élu 5ème député au premier tour de scrutin

            Maximilien-Marie-Isidore ROBESPIERRE avocat

Le 27 avril sont élus les 6ème et 7ème députés :

            M. Alexandre-François-Augustin PETIT fermier à Magnicourt-sur-                Canche

            M. Louis-Joseph BOUCHER  négociant à Arras

Enfin, le 28 avril est élu le 8ème et dernier député

            M. Hubert-Dominique-Joseph DUBUISSON  fermier à Inchy

 

 

    Robespierre vient d’atteindre son but.  Il est alors âgé de 31 ans. Charles de Lameth (6), avec qui il restera très lié pendant plusieurs années, est élu Député de la Noblesse d'Artois avec trois autres seigneurs. Le Clergé, lui,  a élu quatre évêques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Il fait officiellement acte de candidature en diffusant largement son mémoire, légèrement remanié : "A la Nation artésienne sur la nécessité de réformer les Etats d'Artois "

 

(2)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..." op. cit. pages 46 à 49

 

(3)   Cité par Albert SOBOUL "La Révolution Française" op. cit. page 140

 

(4)  Cité par J.A. PARIS  « La jeunesse de Robespierre et la convocation des Etats Généraux en Artois »  op. cit. Page 281, 282

Paris raconte que le brouillon de la main de Robespierre, chargé de nombreuses ratures, a été porté en l’état à l’assemblée de l’Hôtel de Ville après que les députés de la corporation y aient apposé leur signature.

 

(5)  Idem page 295

 

(6)   LAMETH (Charles Malo François de) : Né à Paris le 5 Octobre 1757, il participe à la guerre d'indépendance américaine et est gagné par les idées nouvelles. Elu par la noblesse aux Etats Généraux, il se rapproche du Tiers Etat. Fait partie du Club des Feuillants.
Promu Maréchal de Camp en Février 1792, il désapprouvera l'insurrection du 10 Août 1792 avant de quitter la France.

Il reviendra pour se rallier au Consulat et à l'Empire et sera nommé Général de Brigade puis Lieutenant Général sous Louis XVIII en 1814.

Il mourra à Paris en Décembre 1832.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (8/50)

 

LE DEPUTE AUX ETATS GENERAUX : MAI 1789

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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