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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (43/50)

 

Lucile DESMOULINS

 

 

 

LA DICTATURE DU GOUVERNEMENT REVOLUTIONNAIRE -

L'ETRE SUPREME : AVRIL - MAI 1794

 

 

 

 

    Le Comité de Salut Public a, dorénavant, sous sa coupe tous les corps constitués, tous les fonctionnaires publics, tant à Paris qu'en province, ainsi que les douze commissions exécutives qui se sont substituées aux Ministres depuis le 1er Avril dernier (12 Germinal an II).

   De cette manière, il contrôle la diplomatie, la guerre, l'économie du pays; il ordonne l'arrestation des suspects.

    Le 10 Avril (21 Germinal), ce Comité est de nouveau prorogé, en l’état,  pour un mois. Devant le tribunal révolutionnaire comparaissent, ce jour là, les restes des deux factions éliminées ces dernières semaines : Chaumette, artisan de la déchristianisation; la veuve d'Hébert; Lucile, épouse de Camille Desmoulins*; Gobel, l'archevêque de Paris qui a provoqué tant de scandales.....

    Pour Robespierre, et pour certains de ses amis d’ailleurs, tous les traitres ne sont pas encore éliminés. Il faut rester vigilent et démasquer tous ceux qui peuvent encore porter atteinte à la révolution. C’est dans cet esprit qu’il propose, le 15 avril (16 germinal an II) aux Jacobins d’obliger les membres de la Convention Nationale « à mettre au jour leur conduite morale et politique ».

 

« Puisque l’on convient qu’il s’est passé un événement intéressant pour la liberté, que les opérations sublimes de la Convention viennent encore de sauver la patrie, si elle persévère dans ces opérations, si elle continue de distinguer l’innocence de l’aristocratie, si enfin elle se montre aussi soigneuse de protéger l’une que de frapper l’autre; puisque l’on convient de tous ces faits, je demande que la conjuration soit à l’ordre du jour; que si quelque bon citoyen peut développer les circonstances affreuses qui dérivent du principe de cette conspiration, s’il peut vous faire part des détails importants qui n’ont pas été connus jusqu’à présent, il monte à la tribune, et qu’il fasse connaître toute la scélératesse des conspirateurs qui voulaient nous entraîner dans le précipice où seuls ils sont tombés. »

 

« C’est de cette manière que nous porterons des coups terribles; c’est ainsi que nous écraserons les ennemis de la liberté, et non par des mesures partielles et inconsidérées; c’est en allant droit à eux; c’est en les attaquant en face et avec acharnement; c’est en plongeant dans leur cœur le poignard de la justice, que nous pourrons délivrer la liberté de tous les scélérats qui veulent la détruire. »

 

« Eh! qu’importe que la Convention oblige chacun de ses membres à rendre compte de leur fortune! N’est-il pas évident que les fripons seuls pourront échapper à la rigueur de cette mesure? Les fripons ont leur fortune en portefeuille ou chez l’étranger: Brissot se disait pauvre, et l’on sait qu’il avait des maisons à Londres. Chabot disait qu’il n’avait pas touché la dot de sa femme: tous les coupables qui ont péri par la main de la justice se disaient pauvres. Les scélérats diront toujours au peuple: Nous sommes pauvres et incorruptibles; vous ne pouvez pas prouver que nous sommes riches. »

 

« Citoyens, regardons comme un principe invariable de ne jamais présenter aux mauvais citoyens le moyen de se ranger parmi les patriotes; exigeons d’eux des preuves qui appartiennent exclusivement aux patriotes, et rejetons tout ce qui peut être commun aux patriotes et aux aristocrates; les patriotes sont purs; s’il en est à qui la fortune ait accordé des dons que la vertu méprise et que la cupidité seule estime, ils sont bien loin de vouloir les cacher; ils n’ont pas de plus grand désir que d’en faire un noble usage; il n’y a que les

conspirateurs qui mettent leur intérêt à les soustraire à la vue du peuple. »

 

« Les preuves que nous devons exiger, c’est une vie dont les moments soient tous marqués par des actions vertueuses, une vie remplie de sacrifices faits à la patrie. Qu’importe que l’on ait monté ses gardes et payé régulièrement ses impositions! Qu’importe que l’on me dise: Tu ne prouveras pas que ma fortune est augmentée depuis la révolution! Il faut renvoyer au temps de Lafayette ces moyens, qui n’étaient mis en usage que par ses amis et ses partisans. C’est avec de telles preuves qu’ils prétendaient être les seuls patriotes: eux seuls possédaient au suprême degré le patriotisme, parce qu’eux seuls pouvaient remplir les formalités qu’ils exigeaient eux-mêmes pour être patriotes. Ce n’est donc pas par le nombre des gardes qu’ils ont montées, ou qu’ils ont fait monter pour eux qu’il faut juger les hommes, mais par le sacrifice continuel de leur ambition et de leur orgueil à la cause de la patrie. Il résulte de là, que la proposition faite à la Convention d’obliger tous les membres à rendre compte de leur fortune n’est pas aussi importante qu’elle le paraît au premier coup d’œil. Je sais qu’elle part d’une âme honnête et juste, mais elle ne présente pas de résultats heureux. »

« En déjouant les conspirations, nous n’avons pas .encore atteint le but auquel nous tendons; tant qu’il y aura une ligue de tyrans conjurés contre la France, la liberté sera exposée à de grands dangers. Cette réflexion doit soutenir votre justice et notre vigilance, et nous engager à ne pas abandonner les grandes mesures que nous devons prendre. Frapper l’aristocratie dès qu’elle paraît vouloir devenir insolente, lui arracher le masque dont elle se couvre: voilà l’ordre du jour. Epouvantons l’aristocratie, de manière non seulement qu’elle ne puisse plus nous attaquer, mais qu’elle n’ose pas même essayer de nous tromper. D’un autre côté, protégeons l’innocence, et ravissons à la tyrannie l’affreux espoir de détruire les patriotes. »  (1)

 

    Les pouvoirs dont dispose le Comité de Salut Public se sont maintenant considérablement élargis mais  pas encore suffisamment pour lui permettre de contrôler totalement la terreur, car les mandats d'arrêts ne peuvent être délivrés par le Comité de Salut Public qu'à titre exceptionnel. C'est le Comité de Sûreté Générale qui a en charge la police de la République et ses membres ont clairement fait savoir, à de nombreuses reprises, qu'ils tenaient beaucoup à cette prérogative. Pour remédier à cet état de fait, on confie à Saint-Just* l'élaboration d'une grande loi sur « la répression des conspirateurs, l'éloignement des nobles et la police générale ». Par cette loi votée le 16 Avril (27 Germinal an II), le Comité de Salut Public se voit confier les mêmes droits que le Comité de Sûreté Générale pour la recherche des suspects et leur traduction au Tribunal Révolutionnaire : « Les prévenus de conspiration seront traduits de tous les points de la République au tribunal révolutionnaire de Paris »  (Art.1)

 

    Pour compléter le dispositif, le Comité de Salut Public s'empresse de fonder un « Bureau de Surveillance administrative et de police générale » dont la direction est confiée à Saint-Just*, remplacé quand il est en mission, par Couthon* ou Robespierre. Le Comité de Sûreté Générale se plaint alors amèrement, par la voix d'Amar (2), du « triumvirat » qui vient de les déposséder d'une grande part de leurs pouvoirs. Ce conflit n'est pas nouveau, mais il vient subitement de s'amplifier, et aura de multiples conséquences dans les mois qui vont suivre. Bien évidemment, les réclamations d’Amar ne seront pas entendues…

    A l'Assemblée, le vote des décrets proposés par l'un ou l'autre des membres du Comité de Salut Public est devenu une formalité. Il n'y a plus aucune opposition à la Convention; les députés votent et se taisent...

    La terreur est maintenant définitivement et officiellement en place : Saint-Just* et Robespierre ont en mains « leur » Bureau de Police. Nul ne va plus leur contester, au moins ouvertement,  cette prérogative qui fait d'eux les hommes les plus puissants et les plus redoutés de la République. « Point de gouvernement qui puisse maintenir les droits des citoyens sans une police sévère » , dira Saint-Just*, « ce qui constitue une République c'est la destruction totale de ce qui lui est opposé. » (3)

 

    C'est sur la base de cette théorie que les deux hommes vont traiter, dans la solitude de leur bureau, une quantité impressionnante de dossiers. Ils vont imposer leurs sanctions pour consolider la République vertueuse, objet de leurs chimères. Bien entendu, le Bureau de Police reçoit de multiples dénonciations : l'heure des règlements de compte a sonné.

 

    Il arrivera que, dans l'appréciation de certains dossiers, des divergences de vue apparaissent entre Robespierre et Saint-Just*. C'est l'opinion de l'Incorruptible qui prévaut presque toujours : comme, par exemple dans ce rapport présenté au bureau de police relatif à un dénommé Raynal, cultivateur à Evreux et dénoncé comme étant un « ex-membre de l'administration rebelle et contre-révolutionnaire » . Saint-Just* écrit en marge du rapport : « Arrêter Raynal, le faire traduire à la Conciergerie ». Mais, au-dessous Robespierre note : « S'informer plus particulièrement de Raynal «  (4)

    Cette centralisation du pouvoir est encore accentuée par le rappel, le 19 Avril (30 Germinal an II), de 21 représentants en mission dans les Départements. On rapporte à Robespierre beaucoup trop d’erreurs commises, ici ou là, par ces représentants en mission en qui il n’a jamais eu vraiment confiance. Les affaires seront dorénavant traitées depuis Paris.

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (43/50)

 

Culte de l’Etre Suprême – Eglise de Clermont-Ferrand

 

 

    La concentration des pouvoirs entre les mains de quelques uns devrait limiter les menées contre révolutionnaires mais, dans l’esprit des maitres du Comité, il faut également renforcer la loi.

    « La vertu constitue le ressort du gouvernement révolutionnaire et est le correctif de la terreur », disait Robespierre le 5 Février dernier (17 Pluviôse an II). Il croit très sincèrement à la transformation de la nature humaine; il est intimement convaincu que la loi doit favoriser cette transformation, en particulier en châtiant ceux qui y sont opposés.

 

« Nous voulons un ordre des choses où toutes les passions basses ou cruelles soient enchaînées, toutes les passions bienfaisantes et généreuses éveillées par les lois, où l'ambition soit le désir de mériter la gloire et de servir la Patrie; où les distinctions ne naissent que de l'égalité même; où le citoyen soit soumis au magistrat, le magistrat au peuple et le peuple à la justice; où la Patrie assure le bien-être de chaque individu et où chaque individu jouisse avec orgueil de la prospérité et de la gloire de la Patrie.. » (5)

 

    Robespierre, sans aucun doute, s'est longtemps interrogé pour savoir si cette société idéale pouvait exister sans la religion. Les excès de la déchristianisation et les troubles politiques auxquels ils ont conduit, ont suffi à le convaincre. La religion, qui a été le pilier de l'état monarchique, restait indispensable dans un état républicain. Il défend donc, sans relâche, les pratiques religieuses, y compris celles du catholicisme.

 

« Celui qui peut remplacer Dieu dans le système de la vie sociale est, à mes yeux, un prodige de génie; celui qui, sans l'avoir remplacé, ne songe qu'à le bannir de l'esprit des hommes, me parait un prodige de stupidité ou de perversité (...) »

« Malheur à celui qui cherche à étouffer par de désolantes doctrines cet instinct moral du peuple qui est le principe de toutes les grandes actions!.. Les ennemis de la République ce sont les hommes corrompus. »  (6)

 

    Le culte de l'Etre Suprême, dont il est le promoteur en 1794, a pour objet d'associer aux croyances religieuses : existence de Dieu, de l'âme, de la vie éternelle,...un calendrier de fêtes permettant de développer le civisme et la morale républicaine. C'est l'objet du rapport qu'il présente le 7 Mai (18 Floréal an II) « Sur les idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales ».

    On retrouve dans ce texte, l'idée qui est au centre de la pensée de Robespierre, presque son obsession : faire ce qui est utile au peuple et, pour que cela aboutisse, bâtir des textes, des lois, qui garantiront les citoyens contre les malversations, les corruptions ou les oppressions, d'où qu'elles viennent. Saint-Just* qui, il y a quelques mois à peine, trouvait que l'on faisait trop de lois s'est également rallié à cette thèse.

    Le discours est plein d'emphase mais il faut surtout le voir comme la profession de foi d'un homme sincère. Il  synthétise parfaitement la pensée de Robespierre à quelques semaines de la fin de son "règne".

 

«  Citoyens, c'est dans la prospérité que les peuples, ainsi que les particuliers, doivent pour ainsi dire se recueillir pour écouter, dans le silence des passions, la voix de la sagesse (..) »  (7)

 

    Avec la Révolution, pense-t-il, a commencé une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité. La Révolution est un aboutissement mais également le point de départ de tous les progrès futurs :

 

«  Le monde a changé et doit changer encore. Qu'y a-t-il de commun entre ce qui est et ce qui fut ? Les nations civilisées ont succédé aux sauvages errant dans les déserts : les moissons fertiles ont pris la place des forêts antiques qui couvraient le globe. Un monde a paru au-delà des bornes du monde; les habitants de la terre ont ajouté les mers à leur domaine immense; l'homme a conquis la foudre et conjuré celle du ciel. Comparez le langage imparfait des hiéroglyphes avec les miracles de l'imprimerie; rapprochez le voyage des Argonautes de celui de La Pérouse; mesurez la distance entre les observations astronomiques des mages de l'Asie et les découvertes de Newton, ou bien entre l'ébauche tracée par la main de Dibutade et les tableaux de David .

« Tout a changé dans l'ordre physique, tout doit changer dans l'ordre moral et politique. La moitié de la révolution du monde est déjà faite, l'autre moitié doit s'accomplir (...) »  (8)

 

    Mais, si la Révolution doit renouveler le monde, c'est bien à la France que revient la « mission » de réaliser ces changements politiques et moraux. A l'Europe qui demeure sous le joug des tyrans, la France montre la voie :

 

«  Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine; on serait tenté même de le regarder, au milieu d'elle, comme une espèce différente. L'Europe est à genoux devant les ombres des tyrans que nous punissons. »

 « En Europe, un laboureur, un artisan, est un animal dressé pour les plaisirs d'un noble; en France, les nobles cherchent à se transformer en laboureurs et en artisans, et ne peuvent pas même obtenir cet honneur. »

« L'Europe ne conçoit pas qu'on puisse vivre sans rois, sans nobles; et nous, que l'on puisse vivre avec eux. »

«  L'Europe prodigue son sang pour river les chaînes de l'humanité, et nous pour les briser. »

« Nos sublimes voisins entretiennent gravement l'univers de la santé du roi, de ses divertissements, de ses voyages; ils veulent absolument apprendre à la postérité à quelle heure il a dîné, à quel moment il est revenu de la chasse, quelle est la terre heureuse qui, à chaque instant du jour, eut l'honneur d'être foulée par ses pieds augustes, quels sont les noms des esclaves privilégiés qui ont paru en sa présence, au lever, au coucher du soleil.

« Nous lui apprendrons, nous, les noms et les vertus des héros morts en combattant pour la liberté; nous lui apprendrons dans quelles terres les derniers satellites des tyrans ont mordu la poussière; nous lui apprendrons à quelle heure a sonné le trépas des oppresseurs du monde. »

« Oui, cette terre délicieuse, que nous habitons et que la nature caresse avec prédilection, est faite pour être le domaine de la liberté et du bonheur; ce peuple sensible et fier est vraiment né pour la gloire et pour la vertu. Ô ma patrie ! Si le destin m'avait fait naître dans une contrée étrangère et lointaine, j'aurais adressé au ciel des vœux continuels pour ta prospérité, j'aurais versé des larmes d'attendrissement au récit de tes combats et de tes vertus; mon âme attentive aurait servi avec une inquiète ardeur tous les mouvements de ta glorieuse révolution; j'aurais envié le sort de tes citoyens, j'aurais envié celui de tes représentants (....) »  (9)

 

    Robespierre revient, une fois encore, sur un thème qui lui est cher : la morale, fondement de toute société. La morale qu'il redoutait de voir balayer avec les excès de la campagne de déchristianisation; la morale sans laquelle il ne croit pas au succès de la Révolution.

 

« Le vice et la vertu font les destins de la terre; ce sont les deux genres opposés qui se la disputent. La source de l'une et de l'autre est dans les passions de l'homme. Selon la direction qui est donnée à ses passions, l'homme s'élève jusqu'aux cieux ou s'enfonce dans des abîmes fangeux. Or le but de toutes les institutions sociales, c'est de les diriger vers la justice, qui est à la fois le bonheur public et le bonheur privé.

« Le fondement unique de la société civile, c'est la morale. Toutes les associations qui nous font la guerre reposent sur le crime : ce ne sont aux yeux de la vérité que des hordes de sauvages policés et de brigands disciplinés (...)

« Que conclure de tout ce que je viens de vous dire ? Que l'immoralité est la base du despotisme, comme la vertu est l'essence de la République.

«  La Révolution qui tend à l'établir, n'est que le passage du règne du crime à celui de la justice; de là les efforts continuels des rois ligués contre nous et de tous les conspirateurs pour perpétuer chez nous les préjugés et les vices de la monarchie (...)

« La Fayette* invoquait la Constitution pour relever la puissance royale. Dumouriez invoquait la Constitution pour protéger la faction girondine contre la Convention nationale. Au mois d'Août 1792, Brissot et les Girondins voulaient faire de la Constitution un bouclier, pour parer le coup qui menaçait le trône (..) Brissot et les Girondins avaient voulu armer les riches contre le Peuple; la faction d'Hébert, en protégeant l'aristocratie caressait le peuple pour l'opprimer par lui-même.

« Danton*, le plus dangereux des ennemis de la Patrie, s'il n'en avait été le plus lâche, Danton*, ménageant tous les crimes, lié à tous les complots, promettant aux scélérats la protection, aux patriotes la fidélité; habile à expliquer les trahisons par les prétextes du bien public, à justifier les vices par ses défauts prétendus, faisait inculper par ses amis, d'une manière insignifiante ou favorable, les conspirateurs près de consommer la ruine de la République, pour avoir occasion de les défendre lui-même, transigeait avec Brissot, correspondait avec Ronsin, encourageait Hébert, et s'arrangeait à tout événement pour profiter également de leur chute ou de leur succès, et pour rallier tous les ennemis de la liberté contre le gouvernement républicain

« (..) Ils allaient tout flétrir, tout confondre par un mélange odieux de la pureté de nos principes avec la corruption de leurs cœurs. » (9)

 

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  ROBESPIERRE (43/50)

 

Culte de l’Etre Suprême 

Inscription sur l’Eglise d’Ivry-la-bataille

 

 

    Le déisme qu'il prône maintenant est bien, pour Robespierre, une croyance socialement utile et c'est ce qui en fait son mérite essentiel :

 

« L'idée de l'Etre suprême et de l'immortalité de l'âme est un rappel continuel à la justice; elle est donc sociale et républicaine (...)

« Ne consultez que le bien de la patrie et les intérêts de l'humanité. Toute institution, toute doctrine qui console et qui élève les âmes doit être accueillie; rejetez toutes celles qui tendent à les dégrader et à les corrompre. Ranimez, exaltez tous les sentiments généreux et toutes les grandes idées morales qu'on a voulu éteindre; rapprochez par le charme de l'amitié et par le lien de la vertu les hommes qu'on a voulu diviser......

 

« Vous qui regrettez un ami vertueux, vous aimez à penser que la plus belle partie de lui-même a échappé au trépas ! Vous qui pleurez sur le cercueil d'un fils ou d'une épouse, êtes-vous consolé par celui qui vous dit qu'il ne reste plus d'eux qu'une vile poussière ! Malheureux qui expirez sous les coups des assassins, votre dernier soupir est un appel à la justice éternelle ! L'innocence sur l'échafaud fait pâlir le tyran sur son char de triomphe : aurait-elle cet ascendant, si le tombeau égalait l'oppresseur et l'opprimé ? Malheureux sophiste ! De quel droit viens-tu arracher à l'innocence le sceptre de la raison pour le remettre dans les mains du crime, jeter un voile funèbre sur la nature, désespérer le malheur, réjouir le vice, attrister la vertu, dégrader l'humanité ? Plus un homme est doué de sensibilité et de génie, plus il s'attache aux idées qui agrandissent son être et qui élèvent son cœur; et la doctrine des hommes de cette trempe devient celle de l'univers. Eh ! Comment ces idées ne seraient-elles point des vérités ? Je ne conçois pas du moins comment la nature aurait pu suggérer à l'homme des fictions plus utiles que toutes les réalités; et si l'existence de Dieu, si l'immortalité de l'âme n'étaient que des songes, elle serait encore la plus belle de toutes les conceptions de l'esprit humain. » (10)

 

    Pour Robespierre toute croyance pourrait être synonyme d'un certain fanatisme. Aussi, prend-t-il  soin de répondre,  par avance, aux critiques en précisant clairement sa pensée : tout ce qui est utile au monde, est la vérité ....

« Je n'ai pas besoin d'observer qu'il ne s'agit pas ici de faire le procès à aucune opinion philosophique en particulier, ni de contester que tel philosophe peut être vertueux, quelles que soient ses opinions, et même en dépit d'elles, par la force d'un naturel heureux ou d'une raison supérieure. Il s'agit de considérer seulement l'athéisme comme national et lié à un système de conspiration contre la République.

«  Eh ! Que vous importent à vous, législateurs, les hypothèses diverses par lesquelles certains philosophes expliquent les phénomènes de la nature ? Vous pouvez abandonner tous ces objets à leurs disputes éternelles : ce n'est ni comme métaphysiciens, ni comme théologiens, que vous devez les envisager. Aux yeux du législateur, tout ce qui est utile au monde et bon dans la pratique, est la vérité (...)

« Fanatiques, n'espérez rien de nous. Rappeler les hommes au culte pur de l'Etre suprême, c'est porter un coup mortel au fanatisme. Toutes les fictions disparaissent devant la Vérité et toutes les folies tombent devant la Raison. Sans contrainte, sans persécution, toutes les sectes doivent se confondre d'elles-mêmes dans la religion universelle de la Nature. Nous vous conseillerons donc de maintenir les principes que vous avez manifestés jusqu'ici. Que la liberté des cultes soit respectée, pour le triomphe même de la Raison, mais qu'elle ne trouble point l'ordre public et qu'elle ne devienne point un moyen de conspiration. Si la malveillance contre-révolutionnaire se cachait sous ce prétexte, réprimez-la, et reposez-vous du reste sur la puissance des principes et sur la force même des choses. »  (11)

 

    Robespierre aborde, pour conclure, l'institution des fêtes nationales qu'il considère comme « le plus puissant moyen de régénération »  :

 

« Que toutes tendent à réveiller les sentiments généreux qui font le charme et l'ornement de la vie humaine, l'enthousiasme de la liberté, l'amour de la patrie, le respect des lois. Que la mémoire des tyrans et des traîtres y soit vouée à l'exécration; que celle des héros de la liberté et des bienfaiteurs de l'humanité y reçoive le juste tribut de la reconnaissance publique; qu'elles puisent leur intérêt et leurs noms même dans les événements immortels de notre révolution, et même dans les objets les plus sacrés et les plus chers au cœur de l'homme; qu'elles soient embellies et distinguées par les emblèmes analogues à leur objet particulier. Invitons à nos fêtes et la nature et toutes les vertus; que toutes soient célébrées sous les auspices de l'Etre suprême; qu'elles lui soient consacrées, qu'elles s'ouvrent et qu'elles finissent par un hommage à sa puissance et à sa bonté.

« Tu donneras ton nom à l'une des plus belles fêtes, ô toi, fille de la nature ! Mère du bonheur et de la gloire ! Toi, seule légitime souveraine du Monde, détrônée par le crime, toi à qui le peuple français a rendu ton empire, et qui lui donne en échange une Patrie et des mœurs, auguste Liberté !

« Tu partageras nos sacrifices avec ta compagne immortelle, la douce et sainte Egalité. Nous fêterons l'Humanité; l'humanité, avilie et foulée aux pieds par les ennemis de la République française. Ce sera un beau jour que celui où nous célébrerons la fête du genre humain; c'est le banquet fraternel et sacré, où, du sein de la victoire, le Peuple français invitera la famille immense dont seul il défend l'honneur et les imprescriptibles droits ! (..)

« Vous ne serez point oubliés, illustres martyrs de la République française ! Vous ne serez point oubliés, héros morts en combattant pour elle !

« Qu'ils tremblent tous les tyrans armés contre la liberté, s'il en existe encore alors ! Qu'ils tremblent le jour où les Français viendront sur vos tombeaux jurer de vous imiter. »  (12)

 

    Les décrets qui suivent la présentation de ce rapport instituent des fêtes que l'on veut grandioses. Celle de l'Etre Suprême et de la Nature est fixée au 8 Juin (20 Prairial an II) et le peintre David est chargé d'en présenter le plan à l'Assemblée.

 

    A-t-on créé une nouvelle religion ou simplement fixé des principes, comme le prétendent Robespierre et Couthon ? Les interprétations sont diverses car déjà réapparaissent les excès, déjà ressurgissent d’autres fanatismes : dès le 15 Avril dernier (26 Germinal), une discussion s’était engagée aux Jacobins; un projet d'adresse à la Convention avait été débattu dans lequel certains demandaient expressément que soient bannis de la République tous ceux qui ne croient pas à l'Etre Suprême. Robespierre avait  du intervenir pour faire corriger le texte :

 

«  Ce principe ne doit pas être adopté; ce serait inspirer trop de frayeur à une multitude d'imbéciles ou d'hommes corrompus. Je ne suis pas d'avis qu'on les poursuive, mais seulement ceux qui conspirent contre la liberté. Je crois qu'il faut laisser cette vérité dans les écrits de Rousseau, et ne pas la mettre en pratique. » (13)

 

 

 

 

(1)  Discours prononcé par Maximilien Robespierre au Club des Jacobins le 15 avril 1794 (16 Germinal an II)

 

(2)   AMAR (Jean-Pierre André) : Né à Grenoble le 11 Mai 1755. Avocat au Parlement il est élu de l'Isère à la Convention et siège avec la Montagne. Après l'élimination des Girondins, il entre au Comité de Sûreté Générale le 16 Juin 1793. Adversaire acharné de la Gironde, il se rangera pourtant dans la conjuration contre Robespierre* le 9 Thermidor. Il sera cependant arrêté comme terroriste le 1er Avril 1795 et libéré le 4 Brumaire an IV à la faveur de l'amnistie. Il mourra à Paris le 21 Décembre 1816 sans avoir jamais plus fait parler de lui.

 

(3)   cité par Jacques CASTELNAU  "Le Comité de Salut Public" op. cit.  pages 143-144

 

(4)   idem page 146

 

(5)   Robespierre 18 Pluviôse an II

       cité par Albert MATHIEZ  "Etudes robespierristes" op. cit. page 266

 

(6)   cité par Albert MATHIEZ  "Etude sur Robespierre" op. cit.  pages 154-155

 

(7) cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 496

 

(8)  cité par Albert MATHIEZ  "Etudes sur Robespierre"  op. cit.  pages 155-156

 

(9)   idem pages 155-156

 

(10)   idem pages 157-158

 

(11)  idem pages 158-159

 

(12)  idem page 161

 

(13)  cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. page 503

 

 

 

 

 

 

A  SUIVRE :

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : ROBESPIERRE (44/50)

 

LES MENACES DE PRAIRIAL  :   MAI - JUIN  1794

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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