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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 09:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (22/35)

 

Antoine Pierre Joseph Marie Barnave

 

 

 

 

LA SOLITUDE : JUILLET - DECEMBRE 1791

  

 

 

 

    Dans les jours qui suivront, la Reine écrira de nouveau à Fersen ; en particulier ce billet dans lequel elle révèle, pour la première et la dernière fois, son amour pour le suédois :

 

«  Je peux vous dire que je vous aime et n'ai même le temps que de cela. Je me porte bien. Ne soyez pas inquiet pour moi. Je voudrais bien vous savoir de même. Ecrivez-moi par un chiffre, par la poste : l'adresse à M. de Browne, une double enveloppe à M. de Gougens. Faite mettre les adresses par votre valet de chambre. Mandez-moi à qui je dois adresser celle que je dois vous écrire, car je ne peux plus vivre sans cela.. Adieu le plus aimé et le plus aimant des hommes. Je vous embrasse de tout cœur.. »  (1)

 

   On peut s’étonner que la Reine de France ait pu prendre le risque d’écrire une lettre aussi compromettante. On se demandera même si ces mots étaient réellement de la main de la reine. N’était-ce pas plutôt un faux constituant le «  témoignage qu'attendaient depuis si longtemps les ennemis de Marie-Antoinette »   (2)

    Le doute peut en effet subsister bien que les sentiments qu'éprouve Marie-Antoinette envers Axel de Fersen soient incontestables. Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c'est que la première pensée de Marie-Antoinette, au soir de Varennes, ait été pour Fersen, le tendre ami des jours difficiles, le seul à qui elle puisse encore faire des confidences en toute confiance.

 

    En ce début d'été, la vie des souverains aux Tuileries s'est transformée en une vie quasi monastique : plus de promenade, peu de visites. La Fayette* impose à la famille royale une garde à vue de tous les instants, de jour comme de nuit. Louis-Auguste s'en accommode d'ailleurs relativement bien. Il est devenu complètement apathique ce qui conforte Marie-Antoinette dans l'idée qu'il n'y a plus de Roi en France. Mais qu'importe ! Elle est encore prête à se battre pour sauver le trône de son époux, même si ce doit être contre sa volonté. S’il faut prendre des décisions, s’il faut rechercher des soutiens, elle se sent de taille à assumer les responsabilités que Louis XVI* refuse d'affronter.

    C'est avec cette énergie retrouvée qu'elle prend contact avec Barnave au début du mois de Juillet. Elle a bien sûr remarqué, pendant les deux jours passés en compagnie des émissaires de la Convention, lors du retour de Varennes, que Barnave semblait enclin à la plus grande clémence à l'égard du couple royal. Elle n'est pas sans savoir que son charme a agi sur le député de Grenoble plus que sur ses deux autres collègues de l'Assemblée. Elle connaît par ailleurs les opinions de Barnave qui, depuis la mort de Mirabeau*, est devenu beaucoup plus modéré à l'encontre du régime monarchique.

  C'est donc vers cet homme là que Marie-Antoinette va se tourner. Elle le fait par l'intermédiaire du général de Jarjayes comme nous le rapporte André Castelot (3) :

 

«  Je désire que vous cherchiez à voir 2-1 (4) de ma part, et que vous lui disiez que frappé du caractère que je lui ai reconnu dans les deux jours que nous avons passés ensemble, je désire tout savoir par lui de ce que nous avons à faire dans la position actuelle (..) Ayant bien réfléchi sur la force, le moyen et l'esprit de celui avec lequel j'avais causé, j'ai senti qu'il n'y avait qu'à gagner qu'à établir une sorte de correspondance avec lui, en me réservant cependant comme première condition que je dirais toujours franchement ma manière de penser... »  (3)

 

    Lorsque Barnave prend connaissance de ce message il est littéralement transporté de joie. Comment est-ce possible ? La Reine compte sur lui ! Pendant ces deux jours de voyage il a été totalement séduit par la beauté et la grâce de la souveraine, mais aussi et surtout par sa simplicité. Bref ! Barnave est sous le charme de Marie-Antoinette, dont il semble être tombé follement amoureux. Il est prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour venir au secours de cette Reine de France qui lui inspire tant d'admiration et de tendresse. Ce qu'il ignore, c'est que Marie-Antoinette n’a aucunement l’intention de lui dire la vérité. La Reine a reporté une grande part de ses espoirs non sur ses alliés de l’Assemblée mais sur son frère Léopold. Elle est maintenant persuadée que celui-ci va enfin pouvoir agir.

    De son côté, le Roi Gustave III de Suède, sans doute poussé par Fersen, assure le Comte de Provence de son soutien et préconise une intervention armée contre la France. Les demandes maintes fois formulées par Marie-Antoinette semblent, enfin, avoir été entendues.

 

 

    Pendant ce temps, Barnave qui, avec Duport (5) et Lameth (6), forme le « triumvirat » (7), supplie la Reine d'intervenir vigoureusement auprès de son frère pour le dissuader de se lancer dans une action militaire. La tendresse qu'il éprouve pour Marie-Antoinette ne va pas jusqu’à lui faire oublier son amour pour la France !

    Marie-Antoinette répondra d'ailleurs, sans se faire trop prier, aux injonctions de Barnave ; elle continue à jouer sur les deux tableaux et ne veut pas perdre le capital de sympathie acquis auprès du député de Grenoble. Elle continue néanmoins à lancer à l'Autriche des appels au secours de plus en plus pressants.

    Les courriers qu'elle adresse à Mercy-Argenteau le 29 Juillet, puis à Léopold le 30 Juillet sont destinés, avant tout, à apaiser les craintes de Barnave. D'ailleurs, c'est le député de Grenoble, lui-même, qui est chargé de faire parvenir ces messages à leur destinataire par un de ses intermédiaires. Une manière, pour la Reine, d’être à peu près sûre que son bienfaiteur a pris connaissance de sa correspondance ! ..

    A Mercy-Argenteau, le 29 Juillet, elle indique qu’elle a toute confiance dans la sincérité de Barnave et de ses amis :

 

«  Les derniers événements m'ont donné de grandes lumières sur l'état des choses et sur le caractère des personnes (..) Je crains m'être bien trompée sur la route qu'il aura fallu suivre (..) Un de vos amis, dont l'attachement à ma personne vous est connu, a dû vous écrire et vous écrira peut être encore (il s'agit de l'agent de Barnave). Je vous invite à donner foi à ce qu'il vous dira, car s'il y a puissance dans ceux qui l'environnent, tout me fait croire qu'il y a aussi de la bonne foi et du sincère désir de bien.. » (8)

 

    A son frère, le lendemain, elle répète combien les chefs de la révolution, avec qui elle est en contact, sont prêts à soutenir la monarchie :

 

«  On désire, mon cher frère, que je vous écrive, et l'on se charge de vous faire parvenir ma lettre, car pour moi je n'ai aucun moyen de vous donner des nouvelles (...) Aujourd'hui, les circonstances donnent beaucoup d'espoir. Les hommes qui ont le plus d'influence sur les affaires, se sont réunis et se sont prononcés ouvertement pour la conservation de la monarchie et du Roi, et pour le rétablissement de l'ordre (...) Je ne puis douter que les chefs de la révolution qui ont soutenu le Roi dans la dernière circonstance ne veuillent lui assurer la considération et le respect nécessaires à l'exercice de son autorité.. » (8)  

 

    Tous ces mensonges n’ont pour seul but que de briser les doutes de Barnave ! Aussi, dès le lendemain, elle écrit de nouveau à Mercy pour "expliquer" son courrier de la veille :

 

«  Je vous ai écrit le 29 une lettre que vous jugerez aisément n'être pas de mon style. J'ai cru devoir céder aux désirs des chefs du parti ici, qui m'ont donné eux-mêmes le projet de lettre (..) J'en ai écrit une autre à l'Empereur hier 30. Je serais humiliée, si je n'espérais pas que mon frère jugera que, dans ma position, je suis obligée de faire et d'écrire tout ce qu'on exige de moi. Il est bien essentiel que mon frère me réponde une lettre circonstanciée qui puisse être montrée, et qui en quelque sorte puisse servir de base de négociation ici. Envoyez sur-le-champ un courrier pour l'en prévenir.

«  J'ai lieu d'être assez contente (...) des Duport, Lameth et Barnave. J'ai dans ce moment-ci une espèce de correspondance avec les deux derniers, que personne au monde ne sait, même leurs amis. Il faut leur rendre justice : quoiqu'ils tiennent toujours à leurs opinions, je n'ai jamais vu en eux que grande franchise, de la force et une véritable envie de remettre de l'ordre et par conséquent l'autorité royale. Ces deux là sont les seuls avec lesquels on peut traiter. » (9)

 

    Malgré l'émotion que lui procurent les contacts avec la Reine, Barnave n'est pas tout à fait dupe de ce double jeu. Il tente, par tous les moyens, de convaincre Marie-Antoinette qu'elle est la seule qui puisse encore sauver la monarchie. Mais pour Marie-Antoinette, le sort de la monarchie est lié à l'acceptation de la Constitution par Louis XVI*. Un texte qui doit être ratifié le 14 Septembre prochain. Elle a cru, pendant un temps, que Louis-Auguste pourrait refuser. Elle pense maintenant que ce refus est impossible compte tenu des circonstances. Et pourtant, elle s'imagine encore, à tort, que cette Constitution est tellement mauvaise que le peuple va, bien sûr, réaliser son erreur très rapidement. Le peuple va manifester son attachement à son Roi et faire enfin comprendre à cette assemblée qu’elle a fait fausse route ! .. Marie-Antoinette n'a pas encore perdu tout espoir de voir la France revenir à un régime qui serait -pourquoi pas ? - celui d'avant 1789.

 

    La Reine de France est, durant cette période profondément troublée par les événements, d'autant plus qu'elle n'a sur eux aucune prise. Le 16 Août, elle envoie à Mercy-Argenteau un message qui en dit long sur sa détresse :

 

« Nous sommes au moment où l'on apportera cette Constitution à l'acceptation ; elle est par elle-même si monstrueuse, qu'il est impossible qu'elle se soutienne longtemps. »

« Mais, pouvons-nous risquer de la refuser dans la position où nous sommes ? Non. »

« (..) Il est affreux de ne rien savoir de positif et de raisonnable des dispositions du dehors ; quant à l'acceptation, il est impossible que tout être pensant ne voit pas que, quelque chose qu'on fasse, nous ne sommes pas libres ; mais il est essentiel que nous ne donnions pas de soupçons sur cela aux monstres qui nous entourent ; mandez-moi donc où sont les troupes et les dispositions de l'Empereur. En tout état de cause, les puissances étrangères peuvent seules nous sauver : l'armée est perdue, l'argent n'existe plus ; aucun lien, aucun frein ne peut retenir la populace armée de toute part ; les chefs mêmes de la révolution, quand ils veulent parler d'ordre, ne sont plus écoutés. Voilà l'état déplorable où nous nous trouvons : ajoutez à cela que nous n'avons pas un ami, que tout le monde nous trahit, les uns par haine, les autres par faiblesse et ambition (..) »

« J'ai écouté, autant que je l'ai pu, les gens des deux côtés, et c'est de tous leurs avis que je me suis formé le mien ; je ne sais pas s'il sera suivi, vous connaissez la personne à laquelle j'ai à faire (Louis XVI*). Au moment où on la croit persuadée, un mot, un raisonnement la fait changer sans qu'elle s'en doute ; c'est aussi pour cela que mille choses ne sont point à entreprendre. »   (10)

 

    Cinq jours plus tard, elle confie de nouveau ses craintes à Mercy. C'est une véritable peur panique qui s'est emparée de la reine :

 

«  C'est à la fin de la semaine qu'on présentera la charte au roi (..) Ce moment est affreux (..) Il s'agira à présent de suivre une marche qui éloigne de nous la défiance et qui en même temps puisse servir à déjouer et culbuter au plus tôt l'ouvrage monstrueux qu'il faut adopter. Pour cela, il est essentiel que les Français, mais surtout les frères du roi, restent en arrière et que les puissances réunies agissent seules (..) Il faut que l'Empereur l'exige, c'est la seule manière dont il puisse, et surtout moi, me rendre service. »  (11)

 

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION :  MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (22/35)

 

Adrien Duport

 

 

    Arrive ce 14 Septembre 1791, jour de la ratification. Louis XVI*, la mort dans l'âme, se rend à l'Assemblée nationale et prête serment à la Constitution. Avait-il réellement le choix ? Certainement pas ! Et pourtant cet acte représente pour lui la pire des humiliations qu'il n'ait jamais eues à subir. Les députés ne lui ont d’ailleurs rien épargné. Même le cérémonial a été modifié pour que chacun comprenne, et en premier lieu le roi, que rien ne serait plus jamais comme avant ! .. Plus de dais brodé d’or, plus de trône ! Le roi est prié de s’installer dans un fauteuil aux côtés du Président de l’Assemblée et devra prononcer son discours devant des députés assis et couverts ! ...

 

    De retour aux Tuileries, Louis XVI* se jette dans les bras de Marie-Antoinette en pleurant : « Tout est perdu. Ah ! Madame, vous avez été le témoin de cette humiliation. Quoi ! Vous êtes venue en France pour voir cela ! »  (12)

    Le 26 Septembre, dans une lettre à Fersen, la Reine revient sur cette terrible cérémonie et avoue l'impuissance de Louis-Auguste dans les circonstances présentes :

 

«  ..Nous voici dans une nouvelle position, depuis l’acceptation du roi. Refuser eut été plus noble, mais cela était impossible dans les circonstances où nous sommes. J'aurais voulu que l'acceptation fut simple et plus courte ; mais c'est le malheur que de n'être entouré que de scélérats ; encore que je vous assure que c'est le moins mauvais projet qui a passé... »   (13)

 

   Il est vrai que la Reine aurait souhaité que la ratification de cette nouvelle Constitution fût moins solennelle. Pour les députés il s'agissait de l'aboutissement de longs mois de travaux, de débats intenses, du couronnement de leur « œuvre » qui avait jeté bas tout ce qui subsistait de l'ancien régime. Comment s'étonner qu'ils aient voulu célébrer l'événement en grande pompe ! Dans les jours qui suivent, la fête bat son plein dans la capitale. Les parisiens mêlent à leurs cris de « Vive la Nation ! » ceux de « Vive le Roi ! ». Une bien mince consolation pour les souverains qui, durant quelques jours, pourront avoir l’impression d’être revenus au temps où ils étaient heureux...

 

    L'été s'achève et l'Assemblée Constituante, considérant qu'elle a terminé ses travaux, laisse la place à une nouvelle Assemblée Législative (14). Nombreux sont ceux qui, une fois encore, croient que la Révolution est finie. Le pays s’est doté d’une nouvelle constitution, les villes et les campagnes se sont calmées, les députés sont satisfaits de leur travail… Mais le rêve de ceux-là va être de courte durée car la nouvelle assemblée, dès sa mise en place, se montre plus radicale que la précédente. Elle met tout en œuvre pour relancer le combat contre ceux qu’elle considère comme des contre-révolutionnaires : le Roi, la Reine, les nobles, les émigrés et le clergé réfractaire.

    Et pourtant Barnave exulte. Il fait partie des rêveurs. Il a, lui, le sentiment d'avoir tenu ses engagements vis à vis de Marie-Antoinette : «  le Roi est rétabli, les circonstances les plus difficiles, les plus critiques, disons même les plus douloureuses, sont passées.. » (15) Le député continue cependant à douter des sentiments de la Reine. A des périodes d'exaltation succèdent d'autres périodes au cours desquelles il songe à renoncer à conseiller la monarchie. Il sait que Monsieur de Montmorin, ministre des Affaires Etrangères, a une influence néfaste sur les souverains, et il exprime ses craintes dans une lettre datée du 19 Octobre :

 

«  Il est aujourd'hui trop certain que le Roi écoute des conseils qui le conduisent à sa perte (..) Peut être la Reine trouvera-t-elle le langage exagéré lorsqu'il n'est motivé que par quelques actes auxquels on ne parait ne reprocher que des fautes de nuances (..) Cependant, ces actes sont encore moins importants en eux-mêmes que les sentiments secrets qu'ils indiquent et l'avenir qu'ils font prévoir (..) »

" Notre caractère ne peut pas exister avec des demis-partis et une demi-confiance (...) »

«  Nous ne le dissimulons pas : dans une telle situation des choses, nous croyons qu'il vaut mieux cesser, dès ce moment, de correspondre avec la Reine que d'attendre une époque où ce parti, devenant inévitable, deviendrait aussi plus pénible. Obligés de lui dire de loin la vérité contre ceux qui l'entretiendraient de mensonges agréables, donnant, de temps en temps, des conseils dont l'effet serait détruit pour vouloir y mêler un autre système, notre manière finirait par lasser et par aigrir, et, peut-être, nous nous retirerions nous-mêmes avec une impression moins douce à conserver que celle que nous emporterons aujourd'hui de nos relations avec la Reine.. »   (16)

 

    Voilà qui  est parfaitement clair de la part de Barnave ! Mais, Marie-Antoinette, qui ne se voit plus entourée que de scélérats, continue à jouer le double jeu. D'un côté elle presse tous ses amis de l'étranger d'intervenir au plus vite, de l'autre elle se montre rassurante et loyale vis à vis d’un Barnave qui lui prêche la paix. C’est un jeu bien difficile et extrêmement dangereux que joue la Reine de France. Même ses vrais amis risquent bien de s’y perdre un peu et c’est sans doute pour cette raison qu’elle se croit obligée de rassurer Fersen :

 

« ..Rassurez-vous, je ne me laisse pas aller aux enragés, et si j'en vois, et si j'ai des relations avec quelques-uns uns d'entre eux, ce n'est que pour m'en servir, et ils me font trop horreur pour jamais me laisser aller à eux... »   (17)

 

    Cela ne l’empêche pas, dès le lendemain, d’envoyer à Barnave une réponse à son courrier du 19 dans laquelle elle fait preuve d'une audace peu commune :

 

«  Quand j'ai commencé ma correspondance avec ces messieurs, j'y ai mis toute ma franchise, et j'en mettrai toujours à tout parce que tel est mon caractère, qu'il est à moi, pour moi seule et qu'il ne variera jamais. J'ai cru, en me rapprochant des trois hommes qui ont montré constamment le caractère le plus suivi, que le bien pourrait encore se faire. Dès ce moment, je n'ai pas hésité, j'ai sacrifié tous mes préjugés, mon éloignement même, pour arriver au seul but qui doit toujours m'attacher : le bonheur du Roi et celui de son peuple ; les deux sont liés ensemble pour que jamais on puisse les séparer. Aucun regret, aucune arrière pensée n'ont suivi mes démarches. Je me disais : c'est mon devoir, et cette idée me contentait. J'ai suivi constamment, depuis quatre mois, la marche que j'ai adoptée, je l'ai suivie parce que j'ai cru que c'était le seul parti à prendre, et je ne m'en écarterai pas ; si j'en avais vu un meilleur, je l'aurais adopté avec la même confiance et fidélité, car je ne connais pas de parti à demi…. » (18)

 

    Barnave, qui ne demande qu'à croire la Reine, lui répond aussitôt, allant presque jusqu'à lui présenter des excuses pour avoir, un instant, douté de sa franchise.

    Mais Marie-Antoinette continue à le prendre de "haut" et, deux jours plus tard, dans une nouvelle lettre à Barnave, elle réaffirme sa bonne foi :

 

« Je ne craindrai jamais d'entendre la vérité ; je saurais gré, au contraire, à ces Messieurs, lorsqu'ils chercheront à me la faire connaître. Mais, lorsqu'après un plan adopté, une marche constamment suivie depuis quatre mois, ces Messieurs, sans aucun motif apparent, sans qu'on se soit même encore refusé à aucun de leurs avis, m'annoncent qu'ils s'éloigneraient de nos affaires, me parlent des dangers pour eux de continuer cette correspondance, j'avoue franchement que je n'ai pu trouver, dans cette démarche de leur part, ni le caractère, ni le désir du bien public que je me plaisais à trouver en eux. »  (18)

 

    La Reine se bat sur tous les plans. Renoncer, même quand tout lui indique que la situation est devenue désespérée, lui semble encore une idée ridicule.. Elle croit sûrement avoir subi le plus dur et pourtant, la situation va encore se dégrader : le 9 Novembre, l’Assemblée vote un décret contre les émigrés (19) ; le 29, un second décret est promulgué à l'encontre des prêtres réfractaires, ceux qui n'ont pas prêté serment à la Constitution civile du clergé.

    Le Roi, comme la Constitution lui en donne le droit, oppose son veto à ces deux décrets. La formule est nouvelle aussi la décision royale ne manque-t-elle pas de déclencher une énorme polémique dans la capitale ! Mais c'est à nouveau Marie-Antoinette que l'on rend responsable de cette décision. Après avoir été « Madame scandales »  puis « Madame déficit », Marie-Antoinette est maintenant « Madame veto ».

    Désormais, la Reine n'a plus qu'une idée en tête : sauver ce qui peut encore être sauvé et, en premier lieu, son fils. C'est avec ce seul objectif qu'elle va dorénavant se battre : elle écrit, écrit, et écrit encore..... Tous ceux qui, directement ou indirectement, peuvent lui apporter un quelconque soutien vont être sollicités, durant les derniers mois de 1791,  par un courrier de Marie-Antoinette : Fersen et Mercy-Argenteau reçoivent, eux, plusieurs lettres par semaine, mais également Barnave, Léopold son frère, la Reine du Portugal, la Reine d'Espagne, l'Impératrice de Russie. Les réponses en provenance des têtes couronnées sont, pour la plupart, assez embarrassées ou bien évasives. On ne fait plus confiance à Marie-Antoinette. On méprise même, dans certaines Cours d'Europe, ces souverains qui, sans raisons apparentes, ont capitulé, tout accepté, y compris l'inacceptable, renoncé à tout jusqu'aux privilèges liés à leur royauté. On ne comprend pas, à l’extérieur des frontières françaises, ce qui se passe à Paris.

 

    La Reine de France qui a enduré toutes ces épreuves avec le seul espoir de gagner du temps, et d'obtenir une aide quelconque de l'extérieur, est bien définitivement seule....

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Cité par Jean CHALON  "Chère Marie-Antoinette"  op. cit. Page 339.

        et Evelyne LEVER  "Marie-Antoinette"  op. cit. Page 576.

 

(2)   C'est la thèse développée par Nesta WEBSTER dans son livre " Marie-Antoinette intime"

        La Table Ronde, pages 224 et suivantes.

 

(3)   Cité par André CASTELOT  "Marie-Antoinette"  op. cit. Page 402.

 

(4)   Chiffre désignant Barnave.

 

(5)   DUPORT : Né à Paris le 24 Février 1759. Fils de parlementaire parisien et brillant avocat, il est élu aux Etats Généraux et constitue, avec Barnave et Alexandre de Lameth le "triumvirat" qui ambitionne de diriger la nouvelle révolution.

Il prône d'abord la diminution des pouvoirs du Roi, fonde le Club des Feuillants, puis change de cap en essayant de rendre au Roi une partie des pouvoirs dont il a contribué à le dépouiller.

Hostile à la guerre en 1792, il suggère à la Cour un coup d'état militaire conduit par La Fayette* mais n'est pas entendu. Il fuit Paris après le 10 Août et ne reviendra en France qu'après Thermidor. Il devra de nouveau se réfugier en Suisse où il mourra le 6 Juillet 1798.

 

(6)  LAMETH  (Alexandre Théodore Victor de) : Né à Pris le 28 Octobre 1760. Il participe à la guerre d'Indépendance américaine ; il est colonel de cavalerie lorsqu'il est élu aux Etats Généraux par la noblesse d'Artois. Il se rallie rapidement au Tiers Etat et devient un ardent opposant à la monarchie.

Après la fuite de Varennes, il tentera, tardivement, de se rapprocher du Roi, mais il sera contraint de se livrer aux Autrichiens avec La Fayette* après les événements du 10 Août 1792.

Bonaparte le fera Baron d'Empire et il mourra à Paris le 18 Mars 1829.

 

(7)   Triumvirat : c'est ainsi qu'on nommera l'équipe constituée par Duport, Barnave et Alexandre de Lameth, équipe qui ambitionne de diriger la nouvelle révolution sous la Constituante.

 

(8)   Cité par Sabine FLAISSIER  "Marie-Antoinette en Accusation"  op. cit. Page 275.

 

(9)   Cité par Jean CHALON  "Chère Marie-Antoinette"  op. cit. Page 343.

 

(10)  Cité par Sabine FLAISSIER  "Marie-Antoinette en Accusation"  op. cit. Page 279.

 

(11)  Cité par Evelyne LEVER  "Marie-Antoinette"  op. cit. Pages 586-587.

 

(12)  Cité par Jean CHALON  "Chère Marie-Antoinette"  op. cit. Page 345.

        et André CASTELOT  "Marie-Antoinette"  op. cit. Page 411.

 

(13)  Cité par Jean CHALON  "Chère Marie-Antoinette"  op. cit. Page 345.

 

(14)  Le 1er Octobre 1791.

 

(15)  Cité par Sabine FLAISSIER  "Marie Antoinette en Accusation"  op. cit. Page 287.

 

(16)   Idem page 288.

 

(17)  Cité par André CASTELOT  "Marie Antoinette"  op. cit. Page 411.

 

(18)  Cité par Sabine FLAISSIER  "Marie-Antoinette en Accusation"  op. cit. Page 289.

 

(19)  Le décret les déclare suspects, prononce la séquestration de leurs biens et annonce que tous ceux qui n'auront pas regagné la France au plus tard le 1er Janvier 1792 seront passibles de la peine de mort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE:

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE (23/52)

 

LA FIN DES ILLUSIONS : DECEMBRE 1791 - MARS 1792

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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