L'Etat va devoir rembourser aux entreprises environ neuf milliards d'euros, soit plus que prévu, suite à l'invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe à 3% sur les dividendes instaurée en 2012, a annoncé ce vendredi 13 octobre le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
L’Historique de cette affaire
Cette contribution avait été mise en place en 2012 peu après l'arrivée de François Hollande à la présidence, pour compenser une perte de recettes budgétaires et soi-disant encourager les entreprises à réinvestir leurs bénéfices.
Mais cette disposition avait déjà été retoquée en mai dernier par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Si bien que le gouvernement Macron avait pris les devants en supprimant cette taxe de 3% sur les dividendes dans le budget 2018. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, le total à rembourser était chiffré à 5,7 milliards d'euros.
Mettant en avant la "sincérité" du gouvernement, Bruno Le Maire a indiqué sur BFMTV que "ce sera plutôt de l'ordre de 9 milliards d'euros".
Un vrai casse tête pour le Ministère de l’Economie
Vendredi 13 octobre dernier au soir, Bercy a eu un petit coup de chaud : le Conseil constitutionnel a retoqué, à son tour, la taxe de 3% sur les dividendes mise en place par François Hollande en 2012. Ce n’était pas une véritable surprise pour l’exécutif français. Il n’empêche que tout le week-end, le cabinet du ministre de l'Economie Bruno Le Maire a tenté de trouver une solution. Lundi 16 au matin sur « France Info », le responsable a assuré que "toutes les solutions" étaient envisagées, citant en exemple l'idée d'une "contribution exceptionnelle" demandée aux entreprises. Un vrai casse-tête pour toutes les parties tant l'enjeu est important.
L'affaire n'est en effet pas anodine : la décision du Conseil constitutionnel entraîne une facture pour l'Etat de neuf milliards d'euros. Or, le gouvernement n'a pas de marge de manœuvre dans l'immédiat. Le budget pour l'année 2018, débattu à partir de mardi 17 octobre à l'Assemblée nationale, est tiré au cordeau et Bercy ne peut envisager des dépenses supplémentaires au risque, pour la France, de ne pas pouvoir revenir sous la barre des 3% de déficit public, imposée par Bruxelles. Lundi encore, le Premier ministre Edouard Philippe assurait aux représentants de la Commission européenne que la baisse des dépenses publiques nécessaire serait effective l'année prochaine.
Le gouvernement redoutait la décision du Conseil constitutionnel
En d'autres termes, la décision des Sages de la République est bien plus qu'une mauvaise surprise : elle met en danger l'équilibre des finances publiques. Neuf milliards d'euros plomberait en effet le déficit public de 0,5 point de PIB si l'Etat devait la rembourser en une année. Et pour solder ce litige, les solutions ne sont pas pléthoriques. Et ce, même si le gouvernement s'y attendait.
Alors que la Cour de justice de l'Union européenne avait estimé que cette taxe était contraire au droit européen, le Conseil constitutionnel a, lui, invoqué les "principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques" pour justifier sa décision.
L'Etat, a indiqué Bruno Le Maire, souhaite négocier un "étalement" dans le temps des remboursements dus aux entreprises. "Si nous remboursons tout de suite, on court le risque considérable de ne pas sortir de la procédure pour déficit public excessif", la fameuse barre des 3% du PIB imposée par Bruxelles.
Vers un bras-de-fer avec le Medef?
Mais Bruno Le Maire a également sorti l'artillerie lourde, en annonçant qu'"une contribution exceptionnelle est envisageable" pour un "petit nombre de groupes" concernés. Les entreprises "doivent comprendre que tout le monde est comptable de l'intérêt général", a-t-il justifié, jugeant que les grandes entreprises françaises avaient "aussi une responsabilité vis-à-vis de la Nation".
Pas sûr toutefois que les groupes concernés partagent cet avis. Le Medef se prépare déjà à monter au créneau. Lundi sur BFM Business, le vice-président du mouvement Geoffroy Roux de Bézieux s'est certes dit "prêt à une discussion", mais a prévenu : "On considère que ce n'est pas aux entreprises de payer pour les dysfonctionnements de l'Etat." Déjà en froid avec les syndicats, le gouvernement prendra-t-il le risque d'un bras-de-fer avec le patronat?