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Georges Jacques Danton
L’ARRESTATION DE DANTON : MARS 1794
Alors que Danton donnait l’accolade au Président de la Convention on venait d’arrêter l’imprimeur Dessenne, celui qui composait le « Vieux Cordelier ». Le N°7 du journal de Camille Desmoulins*, entièrement réalisé, ne sera jamais distribué.
Si Danton ne semble pas du tout se soucier du danger qui le menace, beaucoup de ses amis ou de ses relations en ont pleinement conscience. Ils sont même effrayés par les rumeurs qui leur parviennent et qui ne présagent rien de bon. Plusieurs fois, ces dernières semaines, on a essayé de le réconcilier avec Robespierre*. Plusieurs réunions ont eu lieu, sans succès. Lors de la dernière qui s’est tenue le 21 mars (1er Germinal) on raconte que les deux hommes après avoir vidé plusieurs bouteilles de champagne s’étaient embrassés fraternellement !..
C’est de l’ami Thibaudeau, intelligent et surtout lucide, que Danton va recevoir les plus sérieuses mises en garde. Lors d’une visite le député de la Vienne le supplie d’ouvrir les yeux : « Tu ne vois donc pas que Robespierre* conspire ta perte ? » « Ne feras-tu rien pour le prévenir ? ». Et c’est Thibaudeau lui-même qui rapporte la réponse du tribun : « Si je croyais, » me répliqua-t-il, avec ce mouvement des lèvres qui chez lui exprimait à la fois le dédain et la colère, « qu’il en eut seulement la pensée, je lui mangerais les entrailles ! » (1)
Thibaudeau n’était pas le premier à alerter Danton. Avant lui Delacroix, Desmoulins*, Legendre et d’autres encore avaient tenté de le convaincre de bouger, de se défendre, de fuir peut être avant qu’il ne soit trop tard. Mais dans l’esprit de Danton il n’y a actuellement aucun doute : « Ils n’oseraient m’attaquer !.. »
Camille Desmoulins
L’exécution des hébertistes le 24 mars dernier (4 Germinal) l’a certes débarrassé d’ennemis irréductibles qui s’étaient, depuis des mois, acharnés contre lui. Et sans doute en éprouve-t-il un certain soulagement. Mais le procès d’Hébert et de ses amis a été tellement bâclé et truqué qu’il est évident pour tout le monde qu’il n’est que le premier d’une longue série et que l’esprit de la Révolution vient subitement de changer.
Le 30 Mars au soir (10 Germinal) Danton reçoit la visite de Panis envoyé par Rühl, du Comité de Sureté Générale. Il l’informe que le Comité est en train de délibérer sur son cas mais il n’en sait pas davantage. Danton reste immobile, assis devant la cheminée de son bureau, penché vers l’âtre, regardant les flammes monter dans le foyer. De temps à autres il se lève pour attiser le feu ou remettre une buche. Sans doute est-il en train de penser, une fois encore : « ils n’oseront pas !.. ». Et puis n’est-il pas le fondateur de ce Tribunal révolutionnaire où beaucoup d’hommes lui doivent encore leur carrière ? Ne pourrait-il comme Marat*, s’expliquer devant ses juges et confondre ses ennemis en donnant de la voix comme il a toujours su le faire à la tribune ? N’est-il pas celui qui a toujours conforté la Révolution surtout dans les moments les plus difficiles ? Non, « Ils n’oseront pas !.. »
Mais ce soir là il y a beaucoup de choses que Danton ne sait pas. D’abord que son sort est scellé depuis plusieurs jours déjà parce que les Billaud-Varenne, les Vadier puis Saint-Just* ont emporté l’accord de Robespierre*. Le sort des Indulgents, donc celui de Danton s’est joué le jour où les Comités ont décidé l’élimination d’Hébert. Billaud-Varenne et Collot-d’Herbois n’ont accepté l’élimination du Père Duchène que contre la promesse que les prochaines victimes seraient les dantonistes envers lesquels, à leurs yeux, Robespierre* avait manifesté beaucoup trop de mansuétude !.. Danton ne sait pas non plus que le gouvernement est maintenant presque unanime à demander sa tête et celles de ses amis, Il ne sait pas que le tribunal Révolutionnaire n’est plus ce qu’il a connu mais qu’il est maintenant à la solde des Comités. Enfin, il ne veut pas voir non plus que la peur a saisi bon nombre des habitants de la capitale et que même l’arrestation de Danton ne les fera pas bouger !.
Ordre d'arrestation de Camille Desmoulins dans la nuit du 29 au 30 mars 1794
Pendant qu’il retourne ses pensées sans toutefois prendre la moindre décision, Sain-Just* lit à ses collègues le rapport contre les Indulgents. Billaud et Vadier, les ennemis irréductibles parviennent à convaincre Robespierre* de faire arrêter immédiatement les dantonistes, avant même le vote du décret d’accusation. L’arrêté d’incarcération concerne Danton, Desmoulins*, Delacroix et Philippeaux. De tous les membres des deux Comités seuls Rühl et Lindet refusent courageusement de signer l’acte. Rühl est un ami de longue date et Lindet, chargé de l’approvisionnement dans le Comité de Robespierre* conserve une admiration intacte pour l’audace de Danton. « Je suis ici pour nourrir les citoyens et non pour tuer les patriotes » (2) dira-t-il pour justifier sa décision.
Avant que le jour se lève on frappe à nouveau à la porte de Danton. Le tribun se laisse arrêter sans aucune résistance et conduire à la prison du Luxembourg.
(1) cité par Fréderic BLUCHE, Danton op.cit Page 451
(2) idem Page 453
A SUIVRE :
LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (50/52)
« QUICONQUE TREMBLE EN CE MOMENT EST COUPABLE.. » (Robespierre) : 31 MARS 1794