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12 octobre 2017 4 12 /10 /octobre /2017 07:00

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LES ACTEURS DE LA REVOLUTION  :  DANTON (20 / 52)

 

Massacres dans les prisons - 2 septembre 1792

 

 

 

LA JUSTICE DU PEUPLE : AOUT - SEPTEMBRE 1792

  

 

 

 

    Le 10 Août a vu la chute irrémédiable du pouvoir royal. Le pouvoir en France est maintenant partagé entre la Commune, l'Assemblée Législative et le Conseil Exécutif provisoire.

    La Commune, sous l'impulsion de Robespierre*, a fait l'événement du 10 Août; elle tient son pouvoir du peuple et n'est pas décidée à s'en laisser déposséder, tout au moins à Paris.

    L'Assemblée, qui a refusé pendant des semaines, de trancher la question de la monarchie et qui vient d'absoudre le général La Fayette*, est devenue totalement impuissante et, ce qui est plus grave encore, elle a perdu la confiance du peuple. C'est une Assemblée usée composée de députés qui n'ont plus qu'une seule idée en tête : transmettre leurs pouvoirs à leurs successeurs.

    Enfin, il faut compter avec le Conseil Exécutif Provisoire, à la tête duquel Danton va régner en maître.

 

 

    La Législative, dans les quelques jours qui vont suivre la prise des Tuileries, va demeurer sous la pression constante du peuple de Paris et de la Commune.  Si elle décide, le 11 Août, la suspension de la royauté et la convocation d'une Convention nationale élue au suffrage universel, elle ne pouvait guère faire autrement; il ne s'agissait que  d'entériner le fait accompli ! Le même jour, elle décrète également, toujours sous la pression populaire, de créer une Cour martiale destinée à juger les Suisses faits prisonniers lors de l'attaque des Tuileries, et d'autoriser les municipalités à arrêter tous les suspects de crime contre l'Etat.

    Mais déjà Robespierre* et la Commune ont décidé de montrer qu'ils avaient toujours l'initiative : le 12, l'Incorruptible se présente à la barre de la Législative et demande aux députés de suspendre les élections, en cours, pour le renouvellement de l'Assemblée Administrative du Département de Paris. Une instance qui pourrait bien faire de l'ombre à la Commune et qui, quelques jours plus tard, sera effectivement dépossédée de toutes ses prérogatives. (1)

    Le lendemain, la Commune se fait remettre Louis XVI*. Les députés songeaient à faire enfermer le Roi et sa famille au Luxembourg;  la Commune décide de les faire incarcérer au Temple !

    Le 15 Août, c'est à nouveau Robespierre*, délégué par la Commune, qui se présente à la barre de la Législative pour demander la modification du décret pris le 11. Ce n'est pas une Cour martiale que réclament les nouvelles autorités de la capitale, mais un « Tribunal du peuple » destiné à juger tous les conspirateurs. Au-delà des Suisses, ce sont tous les contre-révolutionnaires, les royalistes et surtout La Fayette* qui sont visés. Brissot* crie à la dictature et parvient, provisoirement, à faire échouer le projet. L'Assemblée décrète tout de même l'assignation à résidence de tous les parents d'émigrés, dorénavant considérés comme suspects.

    Le surlendemain, une nouvelle délégation de la Commune est envoyée à l'Assemblée. Elle déclare par la voix de son représentant :

 

« Le peuple est las de n'être pas vengé. Craignez qu'il ne fasse justice lui-même. Je demande que, sans désemparer, vous décrétiez qu'il sera nommé un citoyen par chaque section pour former un tribunal criminel. Je demande qu'au Château des Tuileries soit établi ce tribunal. Je demande que Louis XVI* et Marie-Antoinette*, si avides du sang du peuple soient rassasiés en voyant couler celui de leurs satellites... »  (2)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION  :  DANTON (20 / 52)

 

La prison de l'Abbaye à Paris

 

 

Le ton monte chaque jour un peu plus et, cette fois, les députés sont obligés de céder sur ce point. Ils décrètent la mise en place d’un tribunal criminel connu sous le nom de « Tribunal du 17 Août ». Dans la nuit, à la hâte, on nomme les juges. Robespierre* est élu,  mais il refuse ce poste.

    La répression contre les traîtres et les conspirateurs s'organise donc sur l'initiative de la Commune. Danton, Ministre de la Justice, assiste impuissant à cette escalade. Il sait pourtant que des violences sont à craindre à l’encontre des suspects incarcérés; il entend bien les appels au meurtre lancés par Marat* qui propose « l'élimination physique » de tous les traîtres à la Révolution. L’Ami du peuple invite, dans les colonnes de son journal, les parisiens à « se porter à la prison de l'Abbaye, à en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et leurs complices, et à les passer au fil de l'épée...Debout !..Debout !.. Et que le sang des traîtres commence à couler ! C'est le seul moyen de sauver la patrie.. »  (3)

    Et Marat*, s'il est le plus violent, n'est pas le seul à proposer des solutions radicales. Fréron dans son « Orateur du peuple », se déchaîne tout autant contre les suspects : « les prisons regorgent de scélérats; il est urgent d'en délivrer la société sur-le-champ... »  (4)

 

    Danton, dans une proclamation adressée le 19 Août à tous les fonctionnaires, se montre, lui, beaucoup plus légaliste. Il justifie les événements du 10 Août comme étant la réponse du peuple à une provocation royaliste : « ce supplément devenu si nécessaire de la Révolution du 14 Juillet » ; pour la suite, il s’exprime cette fois comme le ministre de la Justice :

 

«  Le peuple français a nommé de nouveaux ministres par l'organe de ses représentants. Dans le danger de la patrie, je n'ai pu refuser de leurs mains les sceaux de la Nation et un ministère qui, auparavant offert par un roi parjure et profondément dissimulé, et confié par lui, une fois seulement, à des patriotes à qui il l'avait bientôt retiré, commençait à n'être plus, pour ceux qui l'acceptaient, qu'une note d'infamie et le signe le plus certain auquel la Nation put reconnaître un ennemi et un contre-révolutionnaire. »

« Dans une place où j'arrive par le suffrage glorieux de la Nation, où j'entre par la brèche du Château des Tuileries, et lorsque le canon est devenu aussi la dernière raison du peuple, vous me trouverez constamment et invariablement le même président de cette section du Théâtre Français qui a tant contribué à la Révolution du 14 Juillet 1789 sous le nom de District des Cordeliers, et à la Révolution du 10 Août 1792, sous le nom de section de Marseille. »

«  Les tribunaux me trouveront le même homme, dont toutes les pensées n'ont eu pour objet que la liberté politique et individuelle, le maintien des lois, la tranquillité publique, l'unité des quatre-vingt-trois départements, la splendeur de l'Etat, la prospérité du peuple français, et non l'égalité impossible des biens, mais une égalité de droits et de bonheur (..) »

«  Le ministre de la Justice ne saurait vous dissimuler qu'un trop grand nombre d'entre vous mérite les mêmes reproches que le ministre de l'Intérieur vient d'adresser à la plupart des corps administratifs (..) »

«  Il demeure prouvé que le plus puissant levier de la Révolution, le plus ferme rempart de la liberté étaient les sociétés populaires et les écrivains courageux dont la correspondance et le fanal avertissaient, en un moment, la Nation entière des marches et des contre-marches nocturnes de ses ennemis...Vous n'attendez pas de moi de semblables circulaires, où je vous enjoigne de déployer le courage et la fermeté contre les meilleurs citoyens, où je tache de vous aguerrir contre les mouvements populaires et de trop justes murmures, et de verser dans l'oreille du peuple, par le canal de ses juges, ces fausses opinions que Louis XVI* aime la liberté et la Constitution. Quel sera l'organe de la vérité, chez une nation, si ce n'est le ministre de la Justice, dont les fonctions ont principalement pour objet l'éclaircissement de la vérité ? (..) »

« L'incivisme de beaucoup de juges a excité également de grandes préventions contre les tribunaux (..) Que la justice de tribunaux commence, et la justice du peuple cessera... »  (5)

 

    Il est clair pour Danton que lorsque le peuple est amené à faire sa justice lui-même c’est que les tribunaux n’ont pas su la faire. Il interviendra d’ailleurs personnellement dans plusieurs affaires judiciaires, jouant parfois un rôle pour le moins équivoque....

    Dans la plupart des cas, il s'associe aux revendications populaires; même quand il est contraint de prendre position officiellement, il le fait avec une ambiguïté calculée :

 

«  J'ai lieu de croire que ce peuple outragé, dont l'indignation est soutenue contre ceux qui ont attenté à sa liberté, et qui annonce un caractère digne enfin d'une éternelle liberté, ne sera pas réduit à se faire justice lui-même, mais l'obtiendra de ses représentants et de ses magistrats.. » (6)

 

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION  :  DANTON (20 / 52)

 

La Princesse de Lamballe, amie de Marie-Antoinette, est sauvagement assassinée dans la prison de La Force - 3 septembre 1792

  

 

   La voie est étroite pour le Ministre de la Justice car, pendant que se dessine l'opposition farouche qui va voir s'affronter, pendant plusieurs mois, les Montagnards issus de la Commune et les Girondins de l'Assemblée, le Conseil Exécutif doit, quant à lui, parer au plus pressé : la guerre et les revers militaires que subit l'armée française. Le 19 Août, les troupes austro-prussiennes, commandées par Brunswick, pénètrent sur le territoire national. Quatre jours plus tard, Longwy tombe aux mains de l'ennemi, Verdun est assiégée. Paris et l'Assemblée semblent pris de panique. La Législative décrète, à la hâte, la levée de 30.000 hommes en région parisienne et la réquisition de toutes les armes.

    Le Conseil Exécutif, de son côté, élabore les mesures exceptionnelles destinées à faire face à la situation. Le 25 Août, inspiré par Danton, il proclame, avec beaucoup de sang-froid :

 

«  Citoyens, aucune nation sur la terre n'obtient la liberté sans combat. Vous avez des traîtres dans votre sein : eh ! Sans eux le combat serait bientôt fini; mais votre active surveillance ne peut manquer de les déjouer. Soyez unis et calmes, délibérez sagement sur vos moyens de défense, développez-les avec courage et le triomphe est assuré.. Nous, les premiers ministres que la nation ait choisis, nous nous efforcerons de remplir les devoirs que sa confiance nous impose.. »  (7)

 

 

    Trois jours plus tard, c'est de la tribune de la Législative que Danton expose les mesures révolutionnaires qu'il convient de prendre. Il demande, en particulier, pour satisfaire la revendication de la Commune,  la mise en place de visites domiciliaires chez tous les habitants de la capitale avec pour objectif de s’emparer des traitres.

    Est-ce l'importance du danger qui menace, est-ce son récent statut d'homme d'Etat qui donne à Danton, ce jour-là, le ton sublime, la force de conviction du tribun qui, au fil de ses improvisations, est d'autant plus éloquent que la situation du pays est critique :

 

«  Le pouvoir exécutif provisoire m'a chargé d'entretenir l'Assemblée nationale des mesures qu'il a prises pour le salut de l'Empire. Je motiverai  ces mesures en ministre du peuple, en ministre révolutionnaire. L'ennemi menace le royaume, mais l'ennemi n'a pris que Longwy (...) »

«  Il faut que l'armée se montre digne de la nation. C'est par une convulsion que nous avons renversé le despotisme; c'est par une grande convulsion nationale que nous ferons rétrograder les despotes. Jusqu'ici nous n'avons fait que la guerre simulée de La Fayette*, il faut faire une guerre plus terrible. Il est temps de dire au peuple qu'il doit se précipiter en masse sur les ennemis. »

«  Telle est notre situation que tout ce qui peut matériellement servir à notre salut doit y concourir. Le pouvoir exécutif va nommer des commissaires pour aller exercer dans les départements l'influence de l'opinion. Il a pensé que vous deviez en nommer aussi pour les accompagner, afin que la réunion des représentants des deux pouvoirs produise un effet plus salutaire et plus prompt. »

«  Nous vous proposons de déclarer que chaque municipalité sera autorisée à prendre l'élite des hommes bien équipés qu'elle possède. On a jusqu'à ce moment fermé les portes de la capitale et on a eu raison; il était important de se saisir des traîtres; mais, y en eût-il 30.000 à arrêter, il faut qu'ils soient arrêtés demain, et que demain Paris communique avec la France entière. Nous demandons que vous nous autorisiez à faire faire des visites domiciliaires. »

«  Il doit y avoir dans Paris 80.000 fusils en état. Eh bien ! Il faut que ceux qui sont armés volent aux frontières. Comment les peuples qui ont conquis la liberté l'ont-ils conservée ? Ils ont volé à l'ennemi, ils ne l'ont point attendu. Que dirait la France, si Paris dans la stupeur attendait l'arrivée des ennemis ? Le peuple français a voulu être libre; il le sera.  Bientôt des forces nombreuses seront rendues ici. On mettra à la disposition des municipalités tout ce qui sera nécessaire, en prenant l'engagement d'indemniser les possesseurs. Tout appartient à la patrie, quand la patrie est en danger... »  (8)

 

    En autorisant les visites domiciliaires on s'apprêtait en fait à remplir un peu plus les prisons. Danton avait parlé de 30.000 traîtres, sans doute pour rappeler la décision de recruter 30.000 volontaires dans Paris et sa région. Environ 3.000 seront en fait arrêtés et relâchés, pour la grande majorité d'entre eux, dans les heures qui suivront. Il n'en reste pas moins que Danton apporte de l'eau au moulin du Comité de surveillance de la Commune qui, depuis plusieurs jours, préconise l'élimination des traîtres qui peuplent les prisons. La trahison est devenue une obsession : va-t-on laisser les volontaires partir vers les frontières en laissant derrière eux des suspects prêts à frapper leurs femmes ou leurs enfants ?

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION  :  DANTON (20 / 52)

 

Massacres dans les prions à Paris - 2 septembre 1792

 

 

    La capitulation de Longwy a fait redoubler l'effervescence qui régnait dans Paris. La route de la capitale est ouverte à l'ennemi et l'on dit même que les prussiens y seront dans dix jours ! Le 30, Roland propose que l'Assemblée et le pouvoir exécutif fuient pour s'installer à Blois ou à Tours. Danton, effaré par une telle proposition, explose :

 

«  J'ai fait venir ma mère qui a soixante-dix ans. J'ai fait venir mes deux enfants, ils sont arrivés hier. Avant que les Prussiens entrent dans Paris, je veux que ma famille périsse avec moi, je veux que 20.000 flambeaux en un instant fassent de Paris un monceau de cendres. »

«  Roland, gardes-toi de parler de fuite, crains que le peuple ne t'écoute ! »  (9)

 

 

    Le 2 Septembre, alors que commencent à se réunir les assemblées primaires pour l'élection des députés à la Convention nationale, on apprend à Paris que Verdun vient d'être investi. Un véritable vent de panique souffle sur la capitale : à l'émotion succède rapidement la fureur. On a tôt fait de trouver les responsables du désastre que tout le monde pressent : les aristocrates, les conspirateurs, les prêtres détenus dans les prisons...

    Danton, vers midi, tonne à nouveau de la tribune de la Législative dans un discours magistral qui assurera la gloire de son auteur :

 

«  Il est satisfaisant, Messieurs, pour les ministres d'un peuple libre, d'avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout s'émeut, tout s'ébranle, tout brûle de combattre, tout se lève en France d'un bout de l'Empire à l'autre. »

«  Vous savez que Verdun n'est point encore au pouvoir de vos ennemis.  Vous savez que la garnison à promis d'immoler le premier qui proposerait de se rendre. »

«  Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l'intérieur de nos villes. » « Paris va seconder ces grands efforts. Tandis que nos ministres se concertaient avec les généraux, une grande nouvelle nous est arrivée. Les Commissaires de la Commune proclament de nouveau, en cet instant, le danger de la patrie, avec plus d'éclat qu'il ne le fut. Tous les citoyens de la capitale vont se rendre au Champs-de-Mars, se partager en trois divisions : les uns vont voler à l'ennemi, ce sont ceux qui ont des armes; les autres travailleront aux retranchements, tandis que la troisième division restera et présentera un énorme bataillon hérissé de piques. Les commissaires de la Commune vont proclamer, d'une manière solennelle, l'invitation aux citoyens de s'armer et de marcher pour la défense de la patrie. C'est en ce moment, Messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C'est en ce moment que l'Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre; c'est à vous à favoriser ce grand mouvement et à adopter les mesures que nous allons vous proposer avec cette confiance qui convient à la puissance d'une nation libre. »

«  Nous vous demandons de ne point être contrariés dans nos opérations. »

« Nous demandons que vous concourriez avec nous à diriger le mouvement sublime du peuple, en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures. »

« Nous demandons qu'à quarante lieues du point où se fait la guerre, les citoyens qui ont des armes soient tenus de marcher à l'ennemi; ceux qui resteront s'armeront de piques. »

«  Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne ou de remettre ses armes,  soit puni de mort. »

« Nous demandons qu'il soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons qu'il soit envoyé des courriers dans tous les départements pour avertir des décrets que vous aurez rendus. Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour vaincre, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée..... »   (10)

 

 

    Après avoir prononcé son discours, il se rend à la Maison Commune et il invite à faire sonner le tocsin. Puis, il va assister à la séance du Conseil Exécutif qui se tient au ministère de la Marine.

    Effectivement, le tocsin sonne ! Dans le courant de l'après midi, un groupe de prêtres réfractaires, que l'on transfère à la prison de l'Abbaye, est massacré par ses gardiens. On chante la Marseillaise dans les rues, on brandit les piques et soudain, la folie meurtrière s'empare des quelques groupes, formés depuis le matin, dans les faubourgs. Ce sont, pour la plupart, des Fédérés ou des gardes nationaux qui se dirigent vers les prisons. Après l'Abbaye, ce sont la Force, la Conciergerie, le Châtelet. On tue, on égorge; des prêtres réfractaires, des prisonniers de droit commun, des femmes, des vieillards. Les plus grandes atrocités sont commises, au nom de la justice du peuple.

    Dans la nuit du 2 au 3, un commissaire de la Commune tente de justifier les crimes commis par les quelques centaines de tueurs qui s'acharnent sur les prisonniers : « le peuple exerçant sa vengeance rendait aussi la justice ».

    Les massacres dureront ainsi jusqu'au 6 Septembre. Sur les 2.800 prisonniers incarcérés dans les prisons parisiennes, la moitié d'entre eux seront exécutés sommairement. L'Assemblée qui, depuis quelques semaines déjà, a perdu l'habitude de prendre des décisions, ne fera rien pour arrêter la tuerie.

 

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION  :  DANTON (20 / 52)

 

Un convoi transportant des prêtres réfractaires est attaqué dans Paris.

   

 

Quant à Danton, Ministre de la Justice, il est vrai que depuis plusieurs jours il tente d'arrondir les angles entre la Commune qui, explicitement, a préconisé les massacres et ceux qui lui demandaient d'intervenir pour les éviter. On sait, car il ne s'en cache pas, qu'il penche plutôt du côté de la Commune, même s'il ne prend pas officiellement parti en faveur de ses thèses. Si Danton n'a pas incité aux massacres, il n'a rien fait pour les éviter. Dès le 2 Septembre, alors que la tuerie n'en est qu'au début, et qu'on l'informe du climat qui règne dans les prisons, Danton s'exclame irrité :

 

« Je me fous bien des prisonniers ! Qu'ils deviennent ce qu'ils pourront !... » (11)

 

    Le lendemain,  Brissot* presse le ministre de la justice d'intervenir :

 

" Comment, lui dit-il, empêcher que les innocents périssent avec les autres ?

«  Il n'y en a pas »  répond Danton.

« Cette exécution était nécessaire pour apaiser le peuple de Paris.. » (12)

 

    Effectivement, comment Danton pourrait-il mettre en jeu sa carrière politique en prenant position contre ce qu'il croit être la volonté du peuple; même si le peuple, dans sa grande majorité, ne participe pas à ces tragiques événements ?

    Pour ne pas entamer sa popularité, si chèrement acquise, Danton apposera même son contreseing sur la circulaire du Comité de Surveillance de la Commune, datée du 3 Septembre, et adressée à tous les départements 

 

« La Commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans les prisons a été mise à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où ils allaient marcher à l'ennemi; et sans doute dont la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public. »  (13)

 

    Certes, les défenseurs de Danton peuvent affirmer que, la circulaire ayant été adressée avec beaucoup de retard, ce n'est pas ce texte qui a déclenché les massacres de Lyon, Caen, ou Versailles, qui avaient déjà débuté auparavant. Il n'en reste pas moins que le Ministre de la Justice a bien là, cautionné ces actes accomplis au mépris de la loi qu'il était censé, de par ses fonctions, faire appliquer !

    A sa décharge, il faut cependant noter un certain nombre d'actions ponctuelles, menées avec beaucoup d'énergie, pour sauver quelques personnalités. Ainsi, le 4 Septembre, alors qu'il se trouve à la Commune, il parvient à empêcher que ne soient exécutés les mandats d'arrêts lancés par le Comité de Surveillance contre Roland, son collègue du ministère, Brissot*, son ancien ami, et d'autres députés Girondins. Arrêtés et incarcérés, ces hommes étaient évidemment condamnés à être massacrés et il faut reconnaître un certain courage à Danton pour s'être opposé à des mesures prises par un Marat* ou un Robespierre*.

    Le 7 Septembre, il signe un ordre au commissaire du pouvoir exécutif de Nemours pour qu'Adrien Duport, l'ami des Lameth et de Barnave*, ne soit pas envoyé à Paris jusqu'à nouvel ordre. La lettre se termine par ces mots :

 

«  ...Je vous prie de veiller à l'exécution de mes intentions ainsi qu'à la sûreté des prisonniers. »  (14)

 

    On retrouve ici l'homme de "l'audace", dans quelques circonstances particulières, alors que l'attitude de Danton, au cours de ces journées sanglantes, n'est plutôt faite que de lâcheté. Certes, il n'est pas le seul à adopter une telle attitude : aucun de ses collègues du Conseil Exécutif, aucune des personnalités parisiennes, aucun des députés de l'Assemblée nationale ne s'opposera clairement à cette justice "sommaire". Mais de Danton, Ministre de la Justice, on était en droit d'attendre beaucoup mieux qu'une indifférence complice !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Voir Robespierre*

 

(2)   cité par Michel WINOCK  "L'Echec au Roi"

         Olivier Orban, Paris, 1990,  page 287

 

(3)   cité par Louis BARTHOU  "Danton"  op. cit. Page 107

 

(4)   cité par Jean TULARD  "Histoire et Dictionnaire de la Révolution française"

        R. Laffont, Paris, 1987, page 105

 

(5)   cité par André STIL  "Quand Robespierre et Danton..."  op. cit. Pages 220-221

 

(6)   cité par Frédéric BLUCHE  "Danton"  op. cit. Page 185

 

(7)   cité par Louis BARTHOU  "Danton"  op. cit. Pages  125-126

 

(8)   cité par Hector FLEISCHMANN  "Discours civiques de Danton"  op. cit. Pages 10 à 12

 

(9)   cité par Albert MATHIEZ  "La Révolution française"

        La Manufacture, Lyon, 1989,  page 207

 

(10) Roger GARAUDY  "Les Orateurs de la Révolution française"

        Larousse, Paris, 1989, pages 98 à 100

 

(11)  Propos rapportés par Madame Roland dans ses Mémoires et cités par Albert SOBOUL  "La Révolution française"

         op. cit. Page 256

 

(12)  cité par Jules MICHELET  "Histoire de la Révolution française" op. cit. Vol IV, page 172

 

(13)  cité par Albert MATHIEZ  "La Révolution française"  op. cit. Page 218

 

(14)  cité par Louis BARTHOU  "Danton"  op. cit. Page 111

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A SUIVRE :

 

LES ACTEURS DE LA REVOLUTION : DANTON (21/52)

 

ELECTIONS A LA CONVENTION NATIONALE :  

SEPTEMBRE 1792

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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